Dans la même journée, les programmateurs des Journées Cinématographiques de Carthage ont opté pour deux films programmés dans deux salles différentes. Points communs entre les deux longs métrages ? Leur mise en valeur de la puissance des femmes, de leur lutte, et de leur sensibilité. De « Papicha » de Monia Meddour à « Portrait de la jeune fille en feu » de Céline Sciamma : l’effet auprès du public tunisien était le même que celui ressenti sur la croisette en mai dernier.
« Papicha » ou la lutte féminine dans l’Algérie noire des années 90
Fin des années 90, à Alger et dans les environs, les attaques terroristes sévissent dans tout le pays. Nedjma alias « Papicha » et ses copines forment un groupe vivant dans un foyer pour jeunes étudiantes : elles sont libres, croquent la vie à pleines dents : elles sont studieuses et ne s’empêchent pas d’aimer. Le quatuor se trouve rattrapé dans son quotidien par le spectre de l’islamisme ultra-violent vécu par les Algériens pendant la décennie noire. Commence alors une lutte dans leur manière d’être, dans leur façon d’entreprendre leur relationnel avec toutes celles et ceux qui les entourent, sans oublier leur détermination à vivre librement. Cette descente aux enfers a été filmée et librement réalisée par Monia Meddour qui s’est inspirée de faits réels pour pouvoir relater des évènements à la fois tragiques et touchants. Après une série d’agressions, les filles ont décidé d’organiser un défilé de création en guise de résistance. Le film est candidat aux oscars malgré une interdiction de distribution en Algérie : « Papicha » a bien eu son visa d’exploitation mais a été formellement interdit par une source « anonyme ». Un coup de fil reçu par l’équipe du film de la part du ministère algérien a indiqué que le film ne passera pas sans émettre d’explication. Le film retrace le désarroi permanent d’une jeunesse algérienne agonisante depuis 1988 et qui a du mal à faire avancer les choses depuis : le mouvement populaire organisé que connaît l’Algérie depuis le 22 février 2019 est symptomatique d’une Algérie qui ne se remet pas de son passé.
Tel un roman
« Portrait de la jeune fille en feu » de Céline Sciamma transporte les spectateurs au temps de la renaissance en 1770 : Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde et leur relation prend une tournure inattendue. Le film est entièrement féminin a reçu le prix du meilleur scénario au festival de Cannes et raconte l’affranchissement des femmes sous un autre angle : Héloïse lutte à sa manière et refuse de prendre la pose pour retarder un destin qu’elle ne souhaite pas. Condamnée à épouser un homme qu’elle n’aime pas, elle fera en sorte d’avorter cette union. Marianne, celle qui va peindre son portrait, devra la détailler, l’observer, l’étudier, se souvenir de ses regards francs et de ses gestes nerveux, pour réussir à la mettre sur papier. Les deux femmes se rapprocheront, s’uniront secrètement et dangereusement, évitant ainsi de succomber au poids sociétal. Le film est pictural, féminin, romanesque et historique et est soutenu par son tandem féminin joué par Noémie Merlant et Adèle Haenel. Ce film représentera peut-être la France aux oscars.