Ayant répondu par la favorable à l’organisation de la journée portes ouvertes de sensibilisation et de dépistage du cancer du sein, laquelle fut concoctée mardi dernier par la Policlinique El Omrane, en collaboration avec des ONG œuvrant dans ce sens, le Pr Abdelaziz Falfoul, ex-chef du service de gynécologie obstétrique au CHU de Nabeul, explique, de la manière la plus simplifiée qu’il soit, la dangerosité de la maladie et les moyens individuels à même de déceler cette maladie. Entretien.
Comment évaluez-vous l’évolution du cancer du sein en Tunisie ?
Pour répondre à cette question, il faut revenir sur une donnée de base : un chiffre qui dit long sur la gravité et la fréquence de cette maladie. Le cancer du sein chapeaute la liste des cancers féminins. De ce fait, il s’agit d’une maladie qui doit être prise au sérieux vu qu’elle touche la santé de la femme, et la santé publique d’une manière générale. Elle trouve un terrain propice à sa prolifération dans des facteurs essentiellement liés au mode de vie moderne, dont la mauvaise alimentation, le tabac, le stress, la sédentarité… Le facteur héréditaire est aussi pour beaucoup dans l’ampleur que prend le cancer du sein, puisqu’il triple, voire quadruple le risque de développer la maladie.
D’autant plus que le coût du traitement s’avère être des plus lourds. Aussi, est-il indispensable de vulgariser l’information auprès de la population-cible, à savoir la gent féminine, et l’inciter à prendre des précautions préventives en optant pour l’autopalpation comme première étape de dépistage.
Persévérer l’autopalpation représente, en effet, une étape importante du dépistage. Néanmoins, est-ce immanquable, pour une femme, de dépister une éventuelle tumeur en usant de la technique de l’autopalpation ?
Il suffit qu’elle apprenne cette technique et qu’elle use de ses doigts et de sa main afin de dénicher une éventuelle anomalie, voire une petite boule qui peut être localisée aussi bien au niveau du sein qu’au niveau des aisselles. D’ailleurs, elle peut aussi se prendre en photo d’une manière régulière et comparer les clichés dans l’optique de déceler une éventuelle anomalie, un changement au niveau de la morphologie du sein, notamment un pli, le changement morphologique du mamelon, etc. Cet effort semble être sans grande peine, mais il représente un pas considérable dans le dépistage précoce du cancer du sein.
Peut-on anticiper sur le cancer du sein ?
Evidemment ! Le cancer est, par définition, une maladie silencieuse. Elle met du temps pour se développer. Le passage de la mutation cellulaire — c’est-à-dire de la transformation des cellules normales en cellules cancéreuses — à la formation d’une tumeur de la taille d’un petit pois s’étale sur une bonne dizaine d’années. Dieu nous donne ainsi l’occasion de dépister les cellules cancéreuses et les tumeurs à leur stade premier. D’ailleurs, les médecins sont vivement appelés à passer l’information et à orienter les éventuelles malades vers les spécialistes, aussitôt le doute installé. Le rôle du cadre médical est énorme dans ce sens. Le recours régulier aux examens complémentaires, notamment la mammographie et l’échographie mammaire, s’impose chez toutes les femmes, mais surtout celles qui présentent des facteurs à risque, dont celui génétique. A partir d’un certain âge, le dépistage du cancer du sein, avant qu’il ne soit palpable, relève des défis nationaux en matière de santé publique.
Selon quel schéma doit-on agencer la lutte contre le cancer du sein ?
La lutte contre le cancer du sein doit s’inscrire dans le cadre d’un programme national de santé publique. Un programme qui porte sur la prévention comme premier pilier. Il s’agit d’un ensemble de mesure de précaution, impliquant aussi bien la population-cible que le cadre médical et les médias. Tel un vaccin, la prévention anticipe sur la maladie et permet son dépistage — et donc — son traitement à un stade précoce. Dépisté à temps, le parcours thérapeutique contre le cancer du sein s’avère être moins long, moins pénible et moins coûteux. Le traitement représente la troisième étape de la lutte contre le cancer qui tend à limiter son évolution et protéger ainsi les autres organes du corps contre l’invasion des cellules cancéreuses.
Pour récapituler et faciliter l’accès à l’information à la population cible, le dépistage individuel du cancer du sein consisterait en quoi, à votre sens ?
En cinq étapes que l’on peut mémoriser rien qu’en comptant les doigts de la main : le visuel, notamment la perception d’une anomalie au niveau de la morphologie du sein. Ensuite, l’on note la palpation cutanée, laquelle consiste en de légers pincements cutanés, exercés au niveau de la peau du sein dans l’optique de déceler une éventuelle boule. La palpation profonde est pratiquée au niveau du sein. La palpation doit aussi porter,— et il s’agit de la quatrième étape —, sur les ganglions situés au niveau des aisselles.
Notons que les ganglions représentent, dans bien des cas de cancer du sein, le premier rempart protégeant les épithéliums ( les cancers de la peau et des muqueuses ) et susceptibles donc de dérouter le dépistage. Enfin, le mamelon peut trahir une anomalie cancéreuse via le changement de sa morphologie ou encore la présence d’écoulement en dehors de la période de l’allaitement.