AU moment où les Tunisiens, le président Kaïs Saïed, l’Ugtt, l’Utica et l’Unft et aussi les partenaires traditionnels de la Tunisie appellent avec insistance à l’accélération de la formation du prochain gouvernement et à la mise en place d’une feuille de route nationale autour de laquelle se rassembleront les plus importantes forces nationales, l’on se morfond encore, alors que le temps presse et que les délais se rétrécissent de jour en jour, dans des détails insignifiants pour la majorité écrasante des citoyens qui attendent des actes concrets et se disent lassés des déclarations incendiaires cachant à peine une guerre de faux leadership et une course effrénée à la réalisation d’ambitions personnelles démesurées.
Ainsi, les réactions qui ont accompagné le dévoilement par Ennahdha de son «document de formation du gouvernement» à considérer comme une copie préliminaire de ce qu’on pourrait qualifier de «feuille de route nationale en prévision du prochain quinquennat» au cas où les partis négociateurs parviendraient à avaliser la mouture définitive ou le draft final qui sera soumis à l’adoption par les députés de la nation ont-ils révélé, malheureusement, la persistance inquiétante de l’absence parmi notre élite politique de la tradition du débat sérieux, d’échanges constructifs et de discussions porteuses, même si à l’issue de cette dynamique idéale on n’arrive pas à dégager le consensus escompté ou à la limite un compromis qui contenterait les uns et les autres.
Et quand les potentiels alliés du mouvement Ennahdha qui participeront au prochain gouvernement qualifient le «document» nahdhaoui de promesses électorales non fondées et de slogans irréalisables et concentrent leurs apports à la réaffirmation de leurs exigences ministérielles et quand d’autres éventuels alliés s’accrochent inexorablement à la thèse du gouvernement du président même si ce dernier lui a laissé entendre qu’il n’y adhère pas, il est compréhensible que l’opinion publique émette de sérieuses craintes quant à l’échec annoncé du processus des consultations de formation du gouvernement.
Cette crainte et cette peur puisent leur fondement dans la conviction qui habite une grande partie de l’opinion publique selon laquelle Ennahdha, le Courant démocratique et le mouvement Echaâb ne vont pas à l’essentiel. Au contraire, ils dépensent leur énergie et dilapident leur expertise et le savoir-faire de leurs compétences sur les futilités que les Tunisiens ont décidé d’éradiquer définitivement.
Et si ces mêmes polémistes saisissent que l’heure a sonné pour qu’ils se rendent à l’évidence et comprennent qu’il est temps de convenir sur l’essentiel, à savoir une stratégie d’avenir consensuelle. Quant aux spécificités de chacun, elles seront préservées et ne risquent pas de fondre en cas de mise en place d’un gouvernement «d’union nationale», de «compétences» ou de «réalisation» comme le professent beaucoup d’acteurs.