Le Centre culturel et sportif de la jeunesse d’El Menzah 6 a abrité, du 13 au 17 novembre 2019, un évènement à vocation artisanale. Il s’agit d’une foire à laquelle ont répondu présent plus d’une vingtaine d’artisans et d’artisanes débutants, pour qui, seules les foires et les expositions-ventes assurent la visibilité de leurs produits, de leurs savoir-faire respectifs et de leur passion commune ; celle d’exceller dans un domaine où le hand-made brille toujours et échappe à toute concurrence industrielle.
Nul ne peut nier le besoin des petits artisans et des petites artisanes d’un espace dans lequel ils disposent de l’opportunité d’être repérés, reconnus pour leurs talents et gagner ainsi un plus grand nombre de clients. Ce besoin demeure, pour la plupart d’entre eux, non assouvi, à défaut de moyens et d’appuis.
Cela dit, ils ne jettent pas l’éponge et continuent à dénicher sur les réseaux sociaux et sur les supports médiatiques les occasions à ne pas rater pour participer aux évènements qui s’adaptent à leurs créneaux et qui leur permettent de franchir un seuil ; celui de la visibilité sur le marché local.
Le hayek : sobre, élégant, indémodable !
La foire spécial exposition-vente a conféré, au hall du Centre, un aspect typiquement tunisien où des produits du terroir, des costumes et des accessoires traditionnels revisités et autres, préservant leur caractère authentique et ancestral, ont été étalés, pour le bonheur des plus grands férus d’artisanat. Fatma Bouden s’était déplacée de Kairouan, où elle tient une boutique dans un hôtel de la région. Entourée de ses créations, elle semble plongée dans la lecture d’un bouquin, laissant libre cours à ses créations pour s’exprimer d’elles-mêmes. « Je suis spécialisée dans la peinture sur tout support y compris sur le hayek de Kairouan. Je propose aussi des tissages artisanaux en hayek fin ( utilisé généralement en été ) et en hayek épais (conçu pour être porté en hiver) », indique-t-elle. Notons que le hayek figure sur la liste des tissus les plus utilisés dans l’habit traditionnel tunisien, d’une manière générale, et dans celui kairouanais, en particulier. L’on découvre, non sans émerveillement, des écharpes brodées en fil argenté, en fil doré ou encore en fil noir. Celles brodées sont proposées à 75dt. D’autres écharpes sont moins sophistiquées mais tout aussi élégantes à porter, garnies qu’elles sont de pompons en soie. Elles sont proposées à 45dt la pièce. Quant aux écharpes conçues en tissages de couleurs assorties, elles sont à 35dt. Mme Bouden expose aussi des capes brodées à la main dont le prix varie de 150 à 180dt. Des pochettes de soirée, se distinguant par des calligraphies arabesques, sont proposées à 100dt la pièce.
Le «fait-maison» dont on raffole !
En quittant le stand de Mme Bouden, cédant ainsi la place et l’attention de l’artisane à une cliente à la fois passionnée et pressée par le temps pour s’arrêter net devant le stand de Raoudha Msakni. Pâtissière de formation, Raoudha a pris un peu de recul par rapport à son activité initiale pour réfléchir sur un autre projet, tout aussi alléchant : la préparation de produits et de recettes de terroir fait-maison. « Fuyant les produits chimiques, les conservateurs et les arômes, les Tunisiens ont de plus en plus tendance à privilégier les recettes fait-maison et à réintroduire, dans les tiroirs de leurs cuisines, des pots de confiture, des sauces, des nutriments bio et sans adjuvants comme c’était le cas durant l’époque de nos aïeuls », confie-t-elle. Du coup, cette jeune femme, dynamique et déterminée à aller de l’avant, a pris la décision de changer de créneau tout en restant dans le domaine de la gourmandise. « Cela fait un an que j’ai embrassé cette filière et j’en suis parfaitement ravie. Rien de plus enthousiasmant que de recevoir des compliments et des remerciements sur la qualité des produits que je concocte avec passion et dans le respect infaillible des règles de l’hygiène », ajoute-t-elle, enthousiaste. Son stand se compose, en effet, de petits pots de 250 gr, de diverses variétés de « bsissa » prêtes à être dégustées, de « zrir », de condiments de terroir dont le « hrous », l’harissa, les tomates séchées, mais aussi des crèmes à tartiner à base de chocolat fait-maison, de fruits secs, du caramel au beurre salé, des pots de granola, des barres de céréales énergétiques ainsi que des sauces internationales comme la sauce pesto. « Nous avons aussi toute une gamme de produits light et 100% naturels, préparés non pas avec du sucre ou du miel mais plutôt avec le sirop d’Agathe ou encore du fructose. L’objectif, poursuit-elle, étant de donner aux personnes diabétiques la possibilité de savourer des condiments délicieux sans pour autant être sucrés ». S’agissant des prix, l’artisane précise qu’ils reviennent, essentiellement à la cherté de la matière première dont les fruits secs. Ainsi, les pots de « bsissa » sont-ils proposés à 12dt, le pot de « zrir » coûte 16dt et les prix des confitures varient de 12dt à 15dt. « Seule la confiture de framboise mélangée avec du pistache est proposée à 15dt le pot », précise-t-elle.
Pour le moment, Raoudha veille sur la préservation sinon l’amélioration de la qualité de ses produits et la fidélisation de sa clientèle via les réseaux sociaux mais aussi via la participation aux foires et aux expositions-ventes. Néanmoins, elle ne tardera pas à développer davantage sa petite entreprise afin qu’elle puisse avoir accès à l’exportation. « Pour ce, beaucoup de procédures et de démarches s’imposent, notamment la traçabilité des produits. Soit ! Je compte aller jusqu’au bout de mes rêves et faire en sorte que mes produits soient présents sur le marché mondial, non seulement via la participation aux foires internationales, mais aussi en tant que produits tunisiens demandés car appréciés », renchérit-elle, déterminée.
Des jouets et des jeux pas comme les autres
Autre participant dont les produits ne passent pas inaperçus ! Fawzi Attafi est originaire de Aïn Drahem, du gouvernorat de Jendouba. Il propose des jouets atypiques et des jeux ludiques, rappelant ceux de nos ancêtres. Des objets décoratifs, des jouets et des jeux ludiques fabriqués, essentiellement de bois naturel, séduisent enfants et adultes. « En 2014, j’ai reçu une formation donnée par une association et portant sur la fabrication de jeux ludiques et de jouets en bois. Puis, deux ans après, j’ai monté mon propre projet et décroché, en 2017, le deuxième prix au Salon de l’artisanat, couronnant le meilleur jeune entrepreneur dans le domaine de la création artisanale. Depuis, j’œuvre, ainsi que six autres partenaires dont une personne en situation de handicap, à introduire ces nouveaux produits dans le marché local », a-t-il expliqué. Le stand regorge d’objets attrayants, notamment des porte-stylos, des voitures et des hélicoptères miniature, des jeux ludiques pour enfants de moins de trois ans, des plateaux de repas pour petites filles… « Ce que je trouve encore plus passionnant dans ce que je fais, c’est que les enfants font, ispo facto, preuve d’attention et de dynamisme rien qu’en repérant ces produits. Seul bémol : la cherté du bois, lequel provient de l’étranger, et la rareté du vernis alimentaire, indispensable pour la finition et la perfection esthétique de nos produits », a-t-il souligné.
Pour l’appui des artisans débutants
Les bijoux de fantaisie, inspirés du patrimoine et revisités pour se marier, parfaitement, avec les tenues modernes tout comme celles, traditionnelles, font immanquablement partie de toute foire spécialisée dans l’artisanat. Kalthoum Banani et sa fille Nesrine Yemna occupent un stand qui étincelle par la brillance du cuivre platiné en or ou en argent et par les cristaux haut en couleur. La maman et la fille ont démarré leur projet il y a, à peine, un an. « Je me suis décidée à monter cette petite entreprise artisanale à domicile pour éviter à ma fille la sédentarité d’une diplômée contrainte au chômage. Puis, nous nous sommes, elle et moi, habituées à créer de jolis bijoux ; des pièces uniques tantôt inspirées du patrimoine, comme le « wichwich » de Djerba, les « Khlel », la « khomsa », le « mahboub » et tantôt émanant de notre sens de créativité », indique Kalthoum. Elle a saisi l’occasion pour lancer un appel insistant aux parties concernées, notamment l’Office national de l’artisanat (ONA ) dans l’espoir de multiplier les foires et les expositions-ventes au profit des jeunes artisans et autres débutants dans ce domaine. « Nous n’avons d’autre choix que de participer aux salons et aux foires pour vendre nos produits, ce qui est loin d’être à la portée de tous. Nous avons payé à 200dt le stand pour quatre jours. Mais dans d’autres salons, nous sommes amenées à payer plus cher la location du stand sans pour autant garantir des ventes à même de couvrir les dépenses », souligne Nesrine. S’agissant des prix de ces créations, ils demeurent négociables afin de gagner plus de clients et de liquider une marchandise qui demande patience et goût. Ainsi, un ensemble composé d’une bague et d’une gourmette est proposé à 25dt ; la parure composée d’un collier dit « wichwich » et de boucles d’oreilles est à 65dt. Les boucles d’oreille sont à 5dt.
Un peu plus loin se trouve un stand qui fait remonter les visiteurs dans le temps et plus précisément à l’époque mauresque. En effet, Najet Bjaoui et Faïza Bra proviennent, toutes les deux, de Ghar el Melh, du gouvernorat de Bizerte. Elles font partie, probablement, des rares artisanes qui perpétuent un métier à la fois fin et méticuleux. La « Chbayka » ou la « Chabka » représente leur point de force, leur savoir-faire de distinction. Il s’agit d’une broderie très fine, faite sur un papier cartonné puis extraite de ce support pour servir de chemin de table, de guipures et de garnissage pour un linge de maison typiquement andalou. « La chbayka reste incontournable pour le trousseau de la mariée à Ghar el Melh. Avant, elle faisait uniquement partie inhérente au linge de maison. On l’utilise encore pour orner le « mizzou » — ou le dessous du « kabbous el gharak » ( pantalon typique d’une « keswa » traditionnelle ) — , le buste de la « blouza », la « souriya » de Bizerte et autres habits traditionnels féminins. La « Chbayka » sous la forme d’un poisson constitue un porte-bonheur indispensable au trousseau de la mariée. «Nous œuvrons, désormais, pour sa valorisation afin qu’elle s’ouvre sur d’autres supports, comme les cadres de photos, les tableaux, etc », indique Najet. Ce travail de grande précision et de longue haleine se vend à des prix que les artisanes jugent bas. «Le col en chbayka d’une « souriya » ou d’un chemisier nécessite pas moins de deux mois de travail. Il se vend à seulement 60dt ! Pour la chbayka d’un mizzou et d’un buste de blouza, elle implique pas moins de huit mois de travail pour être vendue à seulement 800dt », souligne Najet, frustrée. Toutefois, encouragées par une tradition qui perdure malgré le changement des coutumes, les deux artisanes ont introduit les couleurs dans la chbayka de Ghar el Melh dans l’espoir d’interpeler une clientèle plus exigeante. Sauf que le blanc et l’écru demeurent les plus prisés par les clientes.
Autre produit qu’elles exposent : la souriya de Rafraf, autre localité relevant de Bizerte. Il s’agit de la broderie à base de « aâdas », de «aâqiq», de «ksab », de « kontil » et autres cristaux utilisés depuis des siècles dans la broderie tunisienne d’origine andalouse. « Pour la broderie de la « taguiya » ( couvre-chef), de l’«aâbaya » et de «kabbous el gharak », ainsi que de la « souriya » de Rafraf, plusieurs couleurs sont disponibles, et ce, conformément aux exigences de la cliente », indique Faïza. Quant aux prix, ils varient selon la qualité des produits utilisés et la simplicité ou la complexité des motifs brodés.
Autre produit artisanal typique, qui s’est démarqué dans cette foire : la poterie de Sejnane…
Crédit Photo: © Koutheir Khanchouch