La victoire de Mehdi Ayachi à «The voice» a constitué un événement en Tunisie. Fait date pour le large public tunisien. Célébré, à vrai dire, beaucoup plus que commenté.
Ceci a, évidemment, une raison.
Nos compatriotes sont férus de télévision satellitaire. Celles libanaises, khalijiennes à gros budgets, a fortiori. Brassant un énorme marché de stars qui plus est. Chose désormais habituelle, aujourd’hui, le public tunisien ne reconnaît plus de réussite (disons de mérite) à un de ses artistes, acteur ou chanteur notamment, qu’une fois reconnu et couru dans le giron arabe. Jusqu’aux années 60-70, les anciens se souviennent, ce n’était pas tellement le cas. Nos stars avaient la primeur, et les vedettes du Machreq, sauf deux ou trois exceptions, venaient, généralement, en second. La mondialisation, la surmédiatisation ont, hélas, tout fait basculer. A partir de 90, musique, télé ou cinéma, ne comptaient plus que l’international ou le continental, le local se faisant irrémédiablement petit.
L’atmosphère «festive» qui a entouré la victoire de Mehdi Ayachi à «The Voice» surprend (aurait dû surprendre) en vérité. Mehdi Ayachi ne surgissait pas de nulle part. Avant, bien avant, il était déjà le chanteur vedette d’Ezziara de Sami Lejmi. Il avait déjà des CD personnels en vente, outre sa qualité d’enseignant de musique.
Le problème, donc, tout le problème, est que les millions qui fêtent l’événement aujourd’hui, qui se disent «fiers», «honorés», attendaient comme confirmation de la part des magnats de la télévision arabe. Autrement, se seraient peut-être tus ( !?!)
Mais le plus grave, nous semble-t-il, ici, est que personne, ou presque, ne commente, ni ne dit, véritablement, mot d’art et de chant. Ne dit l’essentiel, en fait : le talent unique de Mehdi Ayachi. En ce moment de perte de références musicales, de pénurie vocale, ce garçon nous restitue quasiment la totalité des bases du chant classique arabe. La justesse, la force et la finesse à la fois, le savoir et le sentiment, et puis, ce que nul autre candidat à «The Voice» ou «Arab Idol» (à l’exception du Palestinien Mohamed Assef en 2013) n’a jamais montré: cette tranquillité au plus fort de l’épreuve, cette belle confiance en soi.
En fait, nous perdons doublement dans cette affaire.
Un : A force d’y croire, nous finissons par omettre que ces «stars académys» ne s’entendent en fin de compte que de commerce. Ni vraiment de chant, ni vraiment de voix.
Deux : En exultant trop, en «bombant trop le torse», nous oublions que Mehdi Ayachi a gagné de haut vol ce cinquième «The Voice». Par son propre mérite, et de loin. Comme Assef en 2013 : sans cadeau, juste récompense pour le juste talent.
Bonne année 2020.
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