Mes odyssées en Méditerranée | 1912 : Roland Garros et sa traversée de la Méditerranée de Tunis à Rome

Roland Garros, le célèbre aviateur, pionnier du vol, est né à la Réunion le 6 octobre 1888, obtenant ses premiers succès depuis 1911 et établissant le record du monde de hauteur, avec 3.910 m. L’année suivante, il améliore son record à 5.800 m.

Vers la fin de 1912, il décide de mettre en œuvre une entreprise audacieuse, la traversée de la Méditerranée de Tunis à Rome en trois étapes.

Après avoir apporté des changements à son avion, rétrécissant ses ailes et ajoutant au chariot des flotteurs pneumatiques, Garros prévoit de monter à 1.000 mètres, de voler vers le Cap Bon et de là vers l’Italie à une vitesse de 120 kilomètres. Avant de partir, il donne une conférence au Théâtre municipal de Tunis. Ainsi, le 18 décembre 1912 à l’aube, après quelques vols d’essai, Garros déclare au grand public présent qu’il était très confiant du succès de la traversée en Méditerranée. Il comptait faire le plein à Trapani, s’arrêter à Naples et ensuite continuer pour Rome. A 8 heures du matin, Roland Garros s’envole de l’hippodrome de Ksar Said et, en quelques secondes, il se retrouve à une hauteur comprise entre 600 et 900 mètres en direction de la Sicile. Après une demi-heure de navigation, le télégraphe a rapporté que l’avion avait doublé le Cap Bon. L’Amirauté de Bizerte avait déplacé cinq plaisanciers torpilleurs tout le long du chemin, à 16 kilomètres l’un de l’autre, afin de sauver l’aviateur en cas de besoin.

À 10 heures et quart, l’intrépide Garros arriva à Marsala, où la population s’était rangée sur des bateaux pour signaler la rade et la zone franche propice à l’atterrissage, qui eut lieu sans aucun incident à « Punta Lilibeo ». Après avoir visité la ville sicilienne, l’aviateur est reparti à 14 heures pour Trapani où il est arrivé une demi-heure après, atterrissant sur le terrain de grès, à la caserne des carabiniers.

Roland Garros vers 1910 au volant d’une Bugatti Type 18

Une petite bosse lors de la manœuvre d’atterrissage a causé une défaillance du réservoir de carburant. Garros télégraphie alors la réparation à ses mécaniciens à Tunis pour obtenir, deux jours après par la poste, les pièces nécessaires.

Le journal « Le Petit Parisien » du 20 décembre 1912 nous informe que le 19, les mécaniciens sont arrivés à Trapani en provenance de Tunis, avec quelques pièces de rechange et tout l’équipement nécessaire pour les réparations. Ils se mettent immédiatement au travail dans la villa du Consul de France, à l’époque le marquis Giuseppe Platamone, où le monoplan avait été transporté. Le travail a été plus long que prévu, et Garros s’est vu obligé de reprendre son vol le lendemain matin pour Rome en passant par Naples. Dans la capitale italienne, l’aéro-club d’Italie avait déjà pris toutes les dispositions nécessaires, et obtenu l’autorisation de placer un ballon de signalisation sur la place des Armes, sur laquelle Garros devait atterrir.

Dès 4 heures du matin du 21, face au froid, la foule s’était massée derrière le cordon en face du palais Platamone.

À 7 heures, Garros quitte le Grand Hôtel où il avait passé la nuit, entouré de tous ceux qui l’ont acclamé, tandis qu’une délégation lui a remis un souvenir de son escale à Trapani. Une heure après le décollage, l’avion a été repéré au-dessus de Palerme, et à 10h30, forcé d’atterrir  à Oliveri pour remplir les réservoirs  et reprendre le lendemain le vol à 8h40 à destination de Naples pour y arriver à 11h20. Là aussi, il s’est arrêté pour déjeuner et pour repartir à 13h15 pour Rome, où il est arrivé à 15h46, avec une demi-heure d’avance sur l’horaire.

Malgré qu’il soit arrivé en avance, la Place des Armes était bondée de gens, et une foule nombreuse a acclamé le héros de la traversée historique. Toutes les autorités sont allées accueillir l’audacieux pilote, qui a reçu deux médailles d’or, l’une de l’aéro-club d’Italie et l’autre de l’aéro-club de Rome.

Mais les ambitions du célèbre aviateur ne s’arrêtaient pas au succès de cet exploit, car il avait déjà en tête de se préparer à un autre défi encore plus difficile, celui de quitter la France pour arriver en Tunisie sans escale intermédiaire. Le 23 septembre 1913, Garros quitte Saint-Raphael à 5h52, à bord de son avion, un monoplan Morane-Saulnier, avec une boussole et 200 litres de carburant, suffisant pour 8 heures de vol.

Il survola la Corse et la Sardaigne, mais à cause d’un dysfonctionnement du moteur il se voit obligé d’atterrir à Bizerte d’où, une fois réparée la panne, il repartit à destination de Tunis.

Le président du Conseil Barthou lui a envoyé le télégramme suivant : « Je suis heureux de vous adresser mes félicitations pour les actions audacieuses et magnifiques que vous avez accomplies, qui honorent votre courage personnel et l’aviation française ».                                  

Les journaux du monde entier ont parlé de l’exploit, vantant les progrès incroyables réalisés depuis Bleriot, qui avait stupéfié le monde en traversant la Manche seulement deux ans plus tôt.

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