Accueil Culture Portrait – Ghada Chamma, artiste visuelle : Eloge de la lenteur

Portrait – Ghada Chamma, artiste visuelle : Eloge de la lenteur


«Je me mets devant ma toile blanche pour un voyage sur place et je savoure ce calme où l’esprit résonne dans un horizon de silence. Et c’est seulement là que je commence à ressentir ces impressions s’activer puis prendre consistance. Leur force vibrante vole hors du corps dans un élan essentiel et se projette sur la toile».


Ce qui la motive et la stimule, comme elle le note, c’est d’explorer la manière de franchir la barrière qui se trouve entre ce qu’elle sent et ce qu’elle peut percevoir, et cela se fait, pour elle, dans la lenteur et la patience. C’est ainsi qu’elle accouche sur la toile de paysages cellulaires en couleur ou valeurs un univers microscopique qu’elle révèle démesuré dans un chaos ordonné et orchestré dans la lenteur selon le prisme de ses affects. Elle s’appelle Ghada Chamma, elle est née en 1985. Portrait.

Ghada est née à La Marsa, elle a fait ses études à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis où elle décroche en 2009 un diplôme de maîtrise en arts plastiques. Une année avant elle exposait déjà dans le cadre d’une exposition de groupe à la galerie d’art « El Borj ». A partir de 2010, la jeune plasticienne prend part à diverses expositions collectives en Tunisie : plusieurs fois à l’espace «Aire Libre, El Teatro» et à la galerie de la Bibliothèque Nationale de Tunisie, au «Printemps des Arts» en 2011 au Palais El Abdellia, à la galerie Efesto et actuellement à Yosr Ben Ammar Gallery.

A l’étranger, Ghada a participé, à l’instar de plusieurs autres artistes tunisiens, à l’exposition de groupe « Tunisie : Turbulences », Collection Imago Mundi en 2014. En 2017 ses œuvres ont été exposées à « Tribe 17 International Art Festival » à La Barge House à Londres et en 2018 à l’exposition « Contemporary Landscape » au Cica Museum de la Corée Du Sud.
Elle a présenté son exposition personnelle «Chutes Libres» en 2016 à El Teatro Aire Libre. Il s’agissait du fruit de ses recherches plastiques lors d’une résidence au Centre des arts vivants de Radès. La jeune femme a profité d’une autre résidence artistique mais cette fois à Paris à La Cité Internationale Des Arts (octobre 2016-septembre 2017).

A travers sa pratique, Ghada questionne les valeurs de dominance et de compétition qui, comme elle le note, s’élèvent portées par une société matérialiste. «Nous assistons à une époque où les inventions technologiques s’élancent puissantes jusqu’au dernier abri et s’insèrent entre le corps et l’esprit. Les sollicitations que nous subissons sont génératrices de stress (pathologie si caractéristique de notre époque). Notre attention est constamment interrompue (les réseaux sociaux avec toutes les informations traitées par minute, les e-mails et sms, le téléphone, les panneaux et affiches publicitaires…).», explique-t-elle et d’ajouter : «Le rapport de l’être au monde (détermination fondamentale de l’être-là) est modifié et ses supports de calme, de lenteur et de continuité attentionnelle accusent leur évacuation progressive de nos environnements. A travers mes peintures, j’explore ces supports ainsi que toutes les impressions formées au quotidien par les perceptions dans une continuité intensive avec les êtres et les choses».

Ainsi Ghada nargue tout ce chaos en lui opposant un processus fondé sur le calme, la lenteur et l’attention. « Je me mets devant ma toile blanche pour un voyage sur place et je savoure ce calme où l’esprit résonne dans un horizon de silence. Et c’est seulement là que je commence à ressentir ces impressions s’activer puis prendre consistance. Leur force vibrante vole hors du corps dans un élan essentiel et se projette sur la toile», écrit-elle.
L’image commence alors à se lever lentement, maille après maille, note encore Ghada, «Et pendant tout ce temps, les impressions qui la soutiennent perdurent dans mon esprit et intimement l’alimentent : la lenteur n’est autre chose que la mesure des impressions qui demeurent dans mon esprit après que les choses qui les ont formées sont passées.

L’image est épuisée, les impressions commencent à s’évanouir et l’attention demeure. Et c’est par l’attention que ce qui n’est pas encore se hâte d’arriver».
L’artiste, selon ses mots, se laisse alimenter par ce désir qui se fait intrinsèquement producteur d’imaginaire. Par cette tension émanant de tout son être cherchant l’au-delà…
Actuellement la jeune femme prépare sa prochaine exposition personnelle qui aura lieu l’année prochaine à la galerie P21 à Londres. Bonne continuation !

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