Trois nuits d’hiver successives ont suffi à l’artiste photographe Rim Chebbi pour chambouler le quotidien de ses convives, venus revivre un «Burn Out » professionnel à travers la photographie, la lumière, la sonorisation, la poésie … et les Voyages.
Entrevoir enfin le bout du tunnel quand on a été broyé en silence par le poids d’un vécu précis… Un quotidien qui pèse, doucement mais sûrement sur les épaules d’une personne lambda… ambitieuse, active. Cette même personne, qui vit pour se surpasser au quotidien dans tout ce qu’elle entreprend, s’essouffle. Au fil du temps, sa soif de vivre s’étouffe progressivement… La détresse commence à se faire sentir… Elle est imperceptible, invisible… L’esprit s’épuise, les pensées se succèdent, forment un tapage continu. Cette même âme se sentira comme isolée dans une bulle : elle est dans une vitrine, insonorisée, elle voit de ses propres yeux mais interagit de moins en moins et s’épuise au moindre effort … la chute est inévitable.
Une chute dans le néant, « un black out » persistant… Le « Burn Out » a fait effet. Il s’abat sur la personne, la terrasse, l’isole … Broyer du noir pendant une période indéterminée au départ, c’est ce qu’a vécu Rim Chebbi, 29 ans. En pleine période de la vingtaine, Rim vit entre la faculté et un début de carrière intense : elle se donne énormément, s’investit en un temps record mentalement et physiquement dans le secteur de la finance, sans doute l’un des plus farouches et les plus déshumanisants, y compris pour les as du domaine. Quand cette maladie la happe pour les 17 mois à venir, Rim sombre certes…pour mieux refaire surface.
Exactement, comme l’intitulé de l’expo l’exprime, la jeune fille a transcendé la noirceur en s’accrochant à des interrogations, des pensées, en tentant incessamment de mettre un sens sur des mots, en transformant les maux en mots. Au début, Rim tente — très souvent en vain — de mettre sur papier ce qui la ronge, ce qui la chagrine. Elle tient bon… s’accroche à la vie, à ses choses simples, et ne manquera pas de saisir ce faiseau de lumière qui lui permettra de s’en sortir… mais pas instantanément.
Le remède est puisé dans la durée
Rim prend le large et décide d’aller voir du pays pour se ressourcer, se retrouver en phase avec elle-même… Errer dans le bon sens pouvait être thérapeutique, elle a vu juste. Elle enchaîne les destinations lointaines et « exotiques » comme on les appelle couramment et capte des moments de vie via l’appareil photo de son téléphone. Des instants de vie mais également des vies singulières. L’écriture lui procurait du bien, mais partir concrètement à la découverte était vital. Son expo oscille entre écriture personnelle et photographies, entre noirceur et lumière. Un résultat final qu’elle se doit de partager afin d’éclairer le public sur ce mal être invisible et de venir en aide à toute personne souffrant de « Burn Out »… à ces âmes égarées mais pas indéfiniment. Autant de personnes qui, selon elle, perdent pied mais se sentent dans l’incapacité d’être dans le partage, d’en parler tout haut, aisément. Rim Chebbi est parvenue à s’en remettre grâce à l’art et aux voyages.
Son exposition s’est déroulée dans un espace clos, fermé, peu éclairé. Le visiteur est muni d’une torche et pourra revivre l’expérience de la jeune fille en solitaire… ou accompagné de deux autres personnes au maximum. Ce parcours du noir à la lumière, elle se devait de le partager avec tout le monde. Rim remet un enregistrement de deux minutes, à écouter afin de « contextualiser » le visiteur puis lui fournit une torche… et passera de la noirceur, du repli sur soi… au monde et à ses contrées culturelles et humainement diverses.
« L’idée que j’en fasse une expo a surgi spontanément. Je ne savais pas que l’art brut existait… l’art brut c’est quand des gens qui ne font pas de l’art parviennent à en faire finalement.». Nous confie l’artiste. « Je tenais à partager mon expérience du « Burn Out » et je sais que j’ai pu aider, de par mon expérience, une amie. J’ai eu des retombés positives et j’ai encouragé des gens à en faire de même». Elle précise que les voyages l’ont rendue lucide, plus consciente, ils l’ont reconstruite. « Plus je partais et je voyageais et plus j’avais des expériences uniques. Les photos l’expriment trop, je trouve… J’espère pouvoir faire parler les photos autant qu’elles me parlent ». Conclut – Rim Chebbi sur une note positive. Pari amplement gagné ! En espérant la voir exposer partout ailleurs dans quelque temps.