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Politique monétaire | Fatma Marrakchi Charfi, Professeure universitaire en Sciences économiques : «L’inflation est aussi l’affaire du gouvernement»

La stabilisation du taux de change de dinar, de la maîtrise du déficit budgétaire et de l’inflation, ainsi que de l’amélioration du niveau des réserves du pays en devises en 2019 sont tous des indicateurs qui confirment que la politique monétaire tunisienne commence à donner ses fruits, petit à petit, et qu’il y a des chances de maintenir le cap. Mais si cette politique monétaire restrictive, poursuivie par la Banque centrale de Tunisie depuis 2017, n’est pas associée à d’autres actions sérieuses pour lutter contre l’inflation, renforcer l’investissement et les exportations, lutter contre l’économie informelle et le commerce parallèle…ces actions semblent avoir un effet inverse sur l’économie nationale. Pour analyser cette situation et nous édifier à ce sujet, La Presse s’adresse à Mme Fatma Marrakchi Charfi, professeure universitaire en Sciences économiques et auteure de plusieurs articles scientifiques en économie internationale, qui a beaucoup à dire à ce sujet et qui pense que l’économie tunisienne mérite mieux. Interview

Comment qualifiez-vous la dernière classification de Bloomberg du dinar tunisien, classé à la 6e place parmi les monnaies les plus performantes de l’année 2019 ?

En examinant les données sur les parités mensuelles interbancaires entre avril 2012 (date du décrochage du panier) et décembre 2018, nous constatons que le dinar a perdu environ 54% de sa valeur vis-à-vis du dollar (le dollar a fini l’année 2018 à 2,9725 TND contre 1,3697 à la fin du mois d’avril 2012, ce qui équivaut environ à une dépréciation de 7% en moyenne annuelle). Par ailleurs, le dinar a perdu environ 42% de sa valeur vis-à-vis de l’euro (l’euro a fini l’année 2018 à 3,3846 TND contre 1,9805 à la fin du mois d’avril 2012, ce qui équivaut à une dépréciation de 5% en moyenne annuelle). Toutefois, et pour la seule année 2018, le dinar a perdu 16% par rapport à l’USD et 13% vis-à-vis de l’euro. De ce fait, entre 2012 et 2018, nous étions en présence d’un phénomène de dépréciation continu de la monnaie nationale par rapport aux deux principales devises de paiement des opérations extérieures de la Tunisie, avec une accélération du phénomène pour l’année 2018.

Mais, en 2019, le dinar a repris des couleurs dans la mesure où il s’est apprécié de 5% par rapport au dollar US et de plus de 7% par rapport à l’euro. Au vu de cela, il est sûr que le dinar a performé en gagnant de la valeur par rapport à l’euro et au dollar US. En fait, la décision de l’augmentation de 100 points de base du taux directeur, prise par la Banque Centrale de Tunisie en février 2019, a fait que le dinar est devenu cher ce qui a comprimé la demande globale, et a aussi diminué la demande de dinars pour les convertir en devises et importer des biens de consommation finale et des intrants pour les entreprises. Ces dernières, anticipant la dépréciation du dinar en 2018, ont demandé des devises pour acheter et stocker les matières premières, ce qui en soi a précipité la dépréciation du dinar.

Pour 2019, ces opérateurs sont devenus moins enclins à emprunter des dinars pour les convertir en devises en vue de financer leurs importations d’une manière anticipée, car ils ont déjà constitué des stocks, en plus du fait que le dinar est devenu cher. De plus, beaucoup d’opérateurs utilisent leurs comptes professionnels en devises pour acheter le dinar, ce qui a permis aussi de renflouer les réserves en devises. Ce qui explique tout à fait le classement de Bloomberg du dinar comme étant une monnaie performante pour l’année 2019, en comparaison de l’année 2018.

Peut-on annoncer, suite à cette amélioration, que la dépréciation du dinar tunisien s’est arrêtée ? Sinon, quels sont les scénarios possibles pour 2020 ?

En fait, entre 2016 et 2018, le dinar a exactement perdu en termes nominal 32% par rapport à l’USD et 35 % par rapport à l’euro et a repris 5% de sa valeur par rapport au dollar US et plus de 7% de sa valeur par rapport à l’euro pour l’année 2019. Pour répondre à votre question, il faut savoir qu’est-ce qui détermine la valeur du dinar ? D’abord, il faut savoir que la valeur du dinar dépend principalement des fondamentaux de l’économie, de la parité euro-dollar sur le marché international, des flux spéculatifs ainsi que des anticipations des opérateurs.

D’une manière générale, si l’économie réelle est performante, la monnaie aura tendance à s’apprécier et si, au contraire, l’économie passe par des difficultés telles que le creusement des déficits (courants et budgétaires), un endettement plus élevé, l’enregistrement d’une croissance molle…, le dinar ne peut que perdre de la valeur.

En effet, la détérioration de la valeur du dinar entre 2016 et 2018 est due en grande partie à la détérioration des fondamentaux de l’économie. Le tableau s’est présenté comme suit : le déficit courant a atteint plus de 11% du PIB à la fin 2018, le déficit budgétaire a dépassé les 6% du PIB en 2016 et 2017 pour retrouver un niveau plus raisonnable de 4,9% en 2018. L’encours de la dette publique est passé de 62,4% à 76,7% du PIB de 2016 à 2018. Entre ces deux dates, l’inflation a plus que doublé en passant de 3% environ à plus de 7% en 2018 avec une croissance molle qui a oscillé entre 1% et 2,5%. Ce tableau morose entre 2016 et 2018 s’est accompagné par une érosion des réserves de change qui sont passés de l’équivalent de 123 jours d’importation début 2016 à 84 jours d’importation à la fin 2018. Ainsi, l’évolution des fondamentaux de l’économie nationale entre 2016 et 2018 a exigé d’avoir un dinar plus déprécié, puisque la valeur du dinar à moyen terme est déterminée par une combinaison des fondamentaux de l’économie.

Autre phénomène qui a précipité la dépréciation du dinar, c’est aussi la spéculation contre le dinar et la forte demande du dinar pour réaliser des importations anticipées, puisque les opérateurs ont anticipé une dépréciation plus accentuée du dinar et ce comportement a lui-même précipité la dépréciation du dinar.

Pour l’année 2019, la BCT, étant le gardien du temple de la stabilité des prix, essaie de combattre l’inflation en relevant le taux directeur. Ainsi, elle a relevé le taux directeur deux fois en 2018, une première fois au mois de mars 2018 de 75 points de base et une deuxième fois en juin 2018 de 100 points, le portant à 6,75%. La dernière était en mi-février 2019 de 100 points de base, augmentant ce dernier à 7,75%. Cette augmentation a pour objectif de comprimer la demande globale, qu’elle soit une demande de consommation privée ou publique ou une demande d’investissement. La politique monétaire restrictive a été aussi appuyée par le respect du ratio prudentiel « loan to deposit ». Ainsi, tout en encourageant la diminution de la demande globale, la BCT a réussi à maîtriser la demande d’importations en contribuant ainsi à limiter la dépréciation du dinar, en allégeant la pression sur la demande des devises.

Par ailleurs, l’amélioration des recettes touristiques, la vente de la banque Zitouna et sa filiale d’assurance qui ont renfloué les réserves de change, ont contribué à améliorer la valeur du dinar en 2019. Ajoutons à cela l’apport en devises des sociétés pétrolières, qui, pour payer leurs taxes et impôts, ont fait profiter la Tunisie d’entrées de devises, transformées par la suite en dinar. La Tunisie a aussi enregistré l’achat de dinars contre devises, par des tour-opérateurs étrangers, pour payer les avances pour Booking auprès des hôteliers tunisiens. Tous ces éléments ont contribué à améliorer la valeur du dinar par rapport aux monnaies étrangères, principalement l’euro et le dollar.

Maintenant est-ce que cette appréciation du dinar face aux deux principales devises est une tendance qui va se confirmer pour 2020 ou pas? En fait, je pense que cette amélioration peut se poursuivre s’il n’y aura pas d’excédent de demande de devises par rapport à l’offre, sinon la tendance à la dépréciation peut reprendre, à n’importe quel moment, mais à quelle cadence ? C’est une question qui se pose aussi. Par ailleurs, si la politique monétaire continue à être restrictive pour 2020, et si on arrive à alléger les déficits courant et budgétaire, à contenir l’inflation et à améliorer la croissance, il y a des chances de maintenir le cap. Mon sentiment est que l’appréciation est conjoncturelle mais on peut être agréablement surpris !

Quelle est votre lecture du budget de l’Etat pour l’année 2020 et comment sera-t-il financé ?

Le budget de l’Etat 2020 est d’environ 47 milliards de dinars dont 40% sont servis pour les salaires, soit 19.030 MDT. Le service de la dette accapare 25% du budget, soit environ 11.678 MDT alors que 10% du budget sont consacrés aux subventions, soit 4.180 MDT (dont 1.880 MDT pour l’énergie, 1.800 MDT pour les produits de base et 500 MDT pour le transport). Un peu moins de 10% sont consacrés pour les transferts et enfin 6.900 MDT pour l’investissement public. Dans le budget 2020, une grande partie des dépenses est incompressible et la marge de manœuvre est très étroite pour l’Etat et pour le gouvernement. Reste 6.900 MDT pour l’investissement public qui est un niveau comparable à celui de la somme allouée au budget 2019 et celui de 2018. Or, nous avons la certitude, aujourd’hui, que l’investissement public est un déterminant fort de l’investissement privé. Aujourd’hui et en 2020, on aurait dû être à 9.000 ou 10.000 MDT d’investissement public en Tunisie. Or, pour augmenter l’investissement public, il faut trouver un espace budgétaire ou recourir à plus de ressources d’emprunt. Ce qui nous ramène à la question du financement du budget de l’Etat !

Visiblement, le budget 2020 sera financé à 68%, soit 31.759 MDT, par des recettes fiscales (impôts directs à raison de 13.662 MDT et impôts indirects à raison de 18.097 MDT), à 8% des recettes non fiscales (3.800 MDT) et 24% des ressources d’emprunt (11.368 MDT) dont 21% des ressources d’emprunt internes (2.400 MDT) et 79% des ressources d’emprunt externes (8.848 MDT) (en devises et qui seront remboursés en devises).

Ainsi, pour favoriser l’investissement public, qui est la locomotive de l’investissement privé, et faire de la croissance sans recourir à des ressources d’emprunt supplémentaires, il faut nécessairement grignoter sur la masse salariale et/ou sur les subventions. Pour les subventions, il y a plus de marge de manœuvre puisque si on décide d’orienter les subventions à ceux qui en ont le plus besoin, on pourrait réduire le budget alloué à ces dernières rien qu’en évitant le gaspillage. Les salaires restent le poste le plus budgétivore, mais qu’on peut manipuler le moins puisqu’il s’agit d’un stock et non d’un flux.

Par ailleurs, il faut noter que le financement du budget de l’Etat est une priorité extrême pour le nouveau gouvernement. Il faut trouver un financement de 11,3 milliards de dinars environ, dont 8,8 milliards de dinars en financement externe.

Face à cette situation, plusieurs scénarios sont possibles avec ou sans le Fonds monétaire international. Il est évident que si le nouveau gouvernement réussit à ramener le FMI pour la sixième revue, avec un nouveau décaissement, cela lui faciliterait la tâche. En réalité, le décaissement du FMI pour une revue n’est pas très important par rapport aux besoins de financement de l’économie (environ 409 millions de dollars, prévu pour la sixième revue). Mais il drainera d’autres ressources des autres bailleurs de fonds (BM, UE, BAD, KFW,…). Ce scénario diminuera le recours au financement sur les marchés financiers internationaux, qui est une source de financement chère. Tout en sachant que l’ampleur de la masse salariale, qui est sur une trajectoire explosive, pose problème pour le programme du FMI, outre la subvention énergétique.

Une autre option, encore, peut consister à opter pour une politique budgétaire d’austérité avec des coupes budgétaires dans certains postes, salaires, subventions, investissement public,…Ce scénario n’est pas souhaité bien sûr mais reste plausible, en l’absence de ressources.

Les scénarios les plus improbables consistent à user de la planche à billets et de financer les dépenses budgétaires grâce à une création monétaire sans contrepartie mais heureusement que la BCT est indépendante et que la taxe inflation n’est pas une possibilité pour nous. Autre solution aussi improbable consiste à bénéficier d’un appui financier extérieur.

Quels sont les impacts de la politique monétaire actuelle sur la santé de l’économie nationale et sa compétitivité à l’échelle internationale ?

Depuis 2012, la politique monétaire est restrictive par les taux (augmentation du taux directeur) qui augmentent le TMM pour rendre le dinar plus cher et comprimer la demande globale. Mais, en même temps, le refinancement des banques par la BCT a évolué en augmentant en crescendo pour dépasser la barre de 16 milliards entre août 2018 et juin 2019. Depuis le milieu de l’année 2019, ce volume de refinancement a diminué d’une manière continue et drastique pour s’établir au début de l’année 2020 à un niveau se situant entre 10 et 11 milliards de dinars. Ainsi, la politique monétaire est devenue doublement restrictive par les quantités et par les prix (volume de refinancement et par le taux d’intérêt) dans la mesure où le refinancement de la BCT aux banques s’est fortement rétracté la dernière période. Cette politique a fortement contribué à contracter les crédits à l’économie dans la mesure où, globalement sur l’année 2019, les crédits à l’économie ont enregistré une tendance baissière qui est imputable principalement au ralentissement du rythme de progression des crédits aux professionnels (les crédits aux particuliers sont très peu impactés et on enregistre même une hausse des crédits à la consommation). Qui dit ralentissement du rythme de progression des crédits aux professionnels, dit un impact négatif sur les investissements privés qui sont essentiels pour faire de la croissance et diminuer le chômage.

Au total, la politique monétaire restrictive poursuivie par la Banque centrale de Tunisie, depuis 2017 (avec les 5 hausses du taux directeur pour un total de 350 points de base), a certes eu un effet perceptible sur l’inflation, mais a entraîné des effets négatifs sur la demande globale et donc sur la croissance et sur l’emploi.

Même si le taux d’investissement, par rapport au PIB, n’a pas baissé en 2019, l’investissement a été chétif pour une croissance molle et il s’est stabilisé au même niveau de 2018 (18,5%). Ce taux reste faible et a été insuffisant pour booster la croissance. Cette faiblesse est très probablement due en partie au coût excessif des crédits, mais aussi et surtout au manque de visibilité, à la lourdeur des procédures administratives, à un manque de confiance dans l’économie tunisienne et à la faiblesse des investissements publics, qui demeurent à peu près au même niveau aux prix courants sur les dernières années.

Pour ce qui est de l’impact sur la compétitivité internationale, il est évident que l’inflation diminue la compétitivité des produits tunisiens à l’étranger. Mais ce qui est plus important comme indicateur, c’est le taux de change réel du dinar qui est le taux de change nominal corrigé par le rapport de prix local et étranger. Il est certain que l’appréciation réelle du dinar diminue la compétitivité des produits locaux à l’étranger mais, pour le cas de la Tunisie, l’impact de la croissance dans la zone euro, qui abrite nos principaux partenaires à l’échange, est plus important que l’effet prix relatifs (compétitivité). Ainsi, une révision de la croissance vers la baisse de nos principaux clients a un impact négatif très prononcé sur nos exportations. L’effet prix n’est plus aussi important qu’auparavant, puisque 40% de notre déficit commercial provient de l’énergie et l’importation de l’énergie est inélastique par rapport au prix.

A elle seule la politique monétaire du pays peut-elle juguler l’inflation ?

Il faut rappeler que le mandat de la BCT est de veiller à la préservation de la stabilité des prix. Et c’est ce qu’elle a fait jusque-là en usant des instruments qui sont disponibles (taux directeur en premier et le volume de refinancement récemment). Toutefois, on peut maîtriser l’inflation en usant de ces instruments quand l’inflation est d’origine monétaire. Quand elle n’est pas d’origine monétaire, il faut attaquer le mal à la racine et utiliser d’autres instruments, si l’inflation provient d’une autre source. Par exemple, comme souligné au début et comme on le sait les dernières années, hormis l’année 2019, le dinar a subi une grande dépréciation et cette dépréciation rend les prix des produits importés plus chers et augmente par conséquent le prix à la consommation et alimente ainsi l’inflation, vu l’effet de transmission de la dépréciation sur les prix locaux. C’est l’effet « pass-through » du taux de change. Ainsi pour maîtriser l’effet de la dépréciation sur le taux d’inflation, il faut veiller à renverser la tendance du dinar et cela c’est le rôle du gouvernement beaucoup plus que celui de la BCT car l’origine de la dépréciation du dinar provient essentiellement de la dégradation de la balance commerciale.

L’inflation peut aussi provenir des coûts. En effet, quand une ou plusieurs composantes des coûts de production gonflent, cela alimente aussi l’inflation. Si on prend l’exemple de l’augmentation des salaires, maîtriser l’inflation qui proviendrait de la hausse des coûts et des salaires revient à maîtriser ces derniers, surtout si la hausse des salaires n’est pas accompagnée par une augmentation de la productivité. Cette même hausse de salaire peut alimenter l’inflation car des salaires plus élevés augmentent la demande sur le marché des biens et services pour une offre donnée et cette pression de la demande sur le marché des biens et des services alimente l’inflation ; c’est l’inflation par la demande.

Par ailleurs, la contrebande peut aussi alimenter l’inflation ainsi que les circuits de distribution non contrôlés où la multiplication des intermédiaires peut aussi contribuer au dérapage de l’inflation. Donc, en bref, si l’inflation est d’origine monétaire, les actions de la BCT sont très importantes pour la contenir. Mais si elle provient d’une autre origine (importée, coût, demande, etc.), l’inflation est aussi l’affaire du gouvernement (ministères du Commerce, de l’Intérieur, de la Justice, etc.), mais d’autres actions sont nécessaires tels que le contrôle des réseaux de distribution, le contrôle des frontières,… Donc, à elle seule, la politique monétaire ne peut pas renverser la donne.

Dans une récente publication, le conseil de la BCT a indiqué que la politique monétaire et la politique des taux de change adoptées par la BCT au cours de la période récente ont contribué à la réalisation des objectifs fixés, à travers l’amélioration des principaux indicateurs monétaires et financiers, particulièrement, en ce qui concerne le niveau de l’inflation, le déficit courant et le volume de refinancement. Partagez-vous cet avis ?

Oui, je le partage largement ! Comme nous l’avons précisé, la politique monétaire restrictive a rendu le dinar plus cher, ce qui a comprimé la demande globale et l’inflation. Par ailleurs, l’application drastique du critère macro-prudentiel le « loan to deposit », qui impose un ratio de crédit par rapport aux dépôts ne dépassant pas 120% pour toutes les banques, a réduit les crédits alloués d’une manière générale sauf que ce sont les professionnels qui en ont le plus souffert et donc les investisseurs et les investissements. La diminution drastique du volume de refinancement a aussi contribué ont diminuer les crédits à l’économie et à maîtriser l’inflation. Par ailleurs, la raréfaction du dinar et son renchérissement ont diminué sa demande notamment. Donc, notre monnaie est devenue assez chère pour la convertir en devises. Ainsi, la pression sur la demande de devises a diminué, ce qui a plaidé en faveur de l’amélioration de la valeur du dinar tout au long de l’année 2019. Certains agents ont même utilisé leurs comptes en devises pour vendre des devises et acheter des dinars. Ce qui a contribué à renflouer les réserves de change.

Une appréciation du dinar est censée détériorer la balance commerciale car l’effet compétitivité joue en défaveur du produit tunisien. Cela est valable quand les élasticités –prix sont assez élevées. Or, hors énergie, le déficit commercial s’est rétréci à 10,8 milliards de dinars fin novembre 2019, contre 11,7 milliards de dinars à la même date de l’année 2018. Le déficit commercial s’est accentué à fin novembre 2019, en augmentant de +2,7% par rapport aux réalisations une année auparavant, si on tient compte de l’énergie, qui est inélastique par rapport au prix de toutes les façons et insensible au taux de change. Il y a lieu de souligner que les secteurs des textiles habillements et cuir (THC) ainsi que le secteur des industries mécaniques et électriques (IME) sont plus négativement impactés par la croissance enregistrée dans la zone euro que par le change. Il est à remarquer que le déficit énergétique constitue, aujourd’hui, 40% du déficit commercial global, ce qui est devenu problématique pour une économie dont le taux de croissance demeure au voisinage de 1%. L’amélioration notable de la balance des services, grâce aux recettes touristiques et la hausse des revenus des facteurs et des transferts courants, ont compensé, partiellement, l’impact du creusement du déficit commercial sur le solde des opérations courantes.

Ainsi, l’orientation restrictive de la politique monétaire de la BCT, surtout sur la dernière période, a contribué significativement à l’atténuation des pressions sur la demande, ce qui a favorisé la décélération récente du rythme de l’inflation et l’apaisement des tensions sur les marchés monétaire et de change.

Que proposez-vous pour adapter et développer les instruments adéquats : techniques de couverture des risques ? Introduction de nouveaux produits financiers ?

Nous venons de souligner l’importance du déficit commercial qui découle en grande partie des importations des produits énergétiques et nous savons, par ailleurs, que la Tunisie est très vulnérable par rapport à la variation du prix du pétrole à l’international. Pour pallier l’effet négatif de l’augmentation du prix international, la Tunisie a intérêt à se couvrir sur le marché des actifs financiers. L’opération de couverture ou ce qu’on appelle couramment le hedging permet non seulement de maîtriser la valeur des importations des produits pétroliers et d’alléger aussi le budget de l’Etat, en maîtrisant les subventions énergétiques. Par conséquent, l’allègement du déficit commercial allègera forcément la pression sur la demande des devises et mettra moins de pression sur le dinar. Maîtriser le glissement du dinar est un grand challenge pour l’économie tunisienne qui permettra de maîtriser l’inflation, évitera la perte de pouvoir d’achat et permettra de recourir moins à l’endettement externe.

Par ailleurs, la couverture permettra à l’économie d’économiser des sommes en dinars et en devises. En effet, comme estimé par le projet de la loi de finances 2020, il faut souligner que toute augmentation de 1 USD dans le prix du baril augmenterait le montant des subventions de 142 MD et que toute augmentation de 10 millimes dans le prix d’un dollar générerait 37MD de subventions supplémentaires dans le budget de l’Etat. Comme ces deux effets s’alimentent mutuellement, il serait tout à fait opportun de fixer le prix de l’énergie importé en monnaie locale.

Dans ces conditions, la couverture doit être à l’ordre du jour que ce soit la couverture par rapport à l’augmentation du prix du baril ou par rapport à la dépréciation du dinar. Faudrait-il rappeler que l’importation de l’énergie étant faite en dollars, plus le déficit énergétique augmente et plus une pression sur le dinar se manifeste et contribue à déprécier le dinar. Donc la hausse du prix du baril impacte doublement la balance commerciale d’où l’intérêt de la couverture. Aussi faut-il rappeler que depuis 2011 jusqu’au milieu de l’année 2014, le prix du baril a tourné autour de 100 USD et le paiement en dinars n’a jamais dépassé les 200 DT par baril, puisque le prix du dollar oscillait entre 1,5 et 1,7 DT. En 2018, le prix du baril fluctuait autour de 70 USD et le paiement en dinars a dépassé la barre des 200 USD puisque le prix du dollar a dépassé les 3DT. La couverture doit devenir une culture et un état d’esprit surtout chez les entreprises qui achètent l’énergie de l’étranger, telles que la Stir et la Steg.

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