
Comme chacun peut le vérifier, nos avoirs en devises sont de l’ordre de 19.788.3 milliards, soit 114 jours d’importation, à la date du 7 février 2020. Malgré l’amélioration par rapport aux mois derniers, cette réserve reste insuffisante d’autant qu’elle est sujette à des fluctuations. Nos ressources, pour le moment, sont limitées à cause de la mauvaise conjoncture économique par laquelle passe notre économie. Ces problèmes sont aggravés par une situation politique non moins enviable due au blocage que connaît la constitution d’un nouveau gouvernement.
Et, comme rien ne marche sans la politique, il est urgent de sortir de cette impasse pour permettre au pays d’avancer et aux responsables de s’atteler à la tâche de donner un coup de fouet aux activités productrices de richesses. Il faut en finir au plus vite avec les actes visant à mettre un frein à la machine de production, notamment, dans les industries d’extraction. C’est, malheureusement, ce qui est en train de se produire et de s’étendre à d’autres activités. Pour les observateurs, le phénomène des blocages des sites de production ciblés ne manque pas de susciter des inquiétudes quant aux intentions qui se cachent derrière.
Retards et reports
On en veut pour preuve ce qui se passe depuis des années dans le Bassin minier et les grèves et les conflits sociaux interminables qui s’y déclenchent chaque fois qu’on entrevoit une éclaircie. En outre, chacun de nous a de quoi s’étonner devant les obstacles qui se dressent devant un vrai démarrage de la production dans le champ Nawara.
Faut-il le rappeler, le champ Nawara pour l’extraction du gaz naturel du Sahara de Tataouine compte trois composantes : une unité de prétraitement à Nawara, une unité de traitement du gaz à Ghannouch à Gabès et un gazoduc pour le transport du gaz (de diamètre de 24 pouces et d’une longueur de 370 km) reliant les deux unités de traitement d’une capacité maximale de 10 millions m3/jour.
Quand on sait que nos exportations s’en ressentent énormément, on comprend, aussi, pourquoi nos capacités de mobiliser des réserves en devises sont amoindries. On sait, également, que le projet du champ de gaz en question est en cours depuis 2006 lorsque des traces exploitables d’un gisement gazier ont été découvertes. Actuellement, on compte 9 puits qui seront mis en service (si les freins qui les bloquent ne se prolongent pas à l’infini) progressivement. Toujours est-il que le gouvernement tunisien table sur ce projet, pour réduire le déficit énergétique du pays de 30 % et d’atténuer la dépendance énergétique du pays et l’importation du gaz de l’étranger.
Officiellement, les raisons données pour expliquer les différents retards de ce démarrage seraient liées à des difficultés survenues au cours de la phase d’expérimentation. Une date décisive avait été annoncée pour décembre 2019, mais sans succès. Le départ de la production a, une fois encore, été reporté sine die. Mais ne voilà-t-il pas que le 5 février dernier, le Chef du gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes a inauguré ce champ donnant, ainsi, le coup d’envoi de la production.
Selon les prévisions, ce site devrait produire 2.7 millions de m3 de gaz (soit la moitié de la production nationale) et 17 % de la consommation nationale. Il va, aussi, produire 7 mille barils de condensat/jour. Le champ Nawara, claironne-t-on, serait le plus grand projet en Tunisie avec un investissement d’environ 3.5 milliards de dinars. A peine a-t-on annoncé l’inauguration de cet important projet que la machine de blocage s’est mise en marche. L’Union régionale de l’Ugtt a opposé son veto à toute activité dans le champ. D’autres intervenants sont entrés dans la «danse» pour mettre encore plus de pression. On invoque plusieurs raisons dont, particulièrement, le non-achèvement des travaux et des préparations techniques pour une exploitation optimale des puits. Or, du côté gouvernemental, on ne parle que de la mise en service de 3 puits sur 9. Mais les vraies raisons (qu’on qualifie de «sociales») ne sont pas, clairement précisées. Ces mêmes raisons se retrouvent, d’ailleurs, dans tous les conflits de même ordre (El Kamour, les phosphates du gouvernorat de Gafsa…). Cela dure depuis plusieurs années sans que l’on sache qui a vraiment raison ni qui est, en réalité, derrière tous ces conflits.
Chantage ?
Car, il est évident que ces mouvements de blocage ne sont pas si innocents. Mais quand on voit que ce sont des projets qui représentent un enjeu vital pour le développement de la Tunisie, on saisit l’acharnement de ces forces occultes contre de tels projets porteurs. L’impact financier et les revenus en devises qui résulteraient de l’importation des minerais, du gaz et d’autres ressources naturelles font couler la salive. D’ailleurs, rien que pour ce projet, les répercussions attendues seraient sans précédent.
S’il venait à entrer, effectivement, en exercice, il pourrait rapporter autour de 1.000 milliards/an en devises et réduirait le déficit énergétique du pays de 30 % ainsi que la dépendance énergétique du pays et l’importation du gaz de l’étranger. De plus, il permettrait une réduction de 26 % du volume de la subvention des hydrocarbures qui se situe, actuellement, à 1.800 millions de dinars et une diminution des dépenses dédiées à la Steg et la Stir de 500 millions de dinars. De même, il contribuerait, selon certaines projections, à faire gagner, au moins, un point de croissance (soit environ un millier de postes d’emploi).
Forcément, il y aurait plus fort que l’Etat pour oser s’en prendre aux décisions officielles et contrecarrer tout projet visant à redresser l’appareil productif sous divers prétextes et motifs. Et, justement, à ce propos, le ministre de l’Industrie et des PME, Slim Feriani, n’a pas mâché ses mots en accusant directement certaines parties d’exercer un « chantage » pour extorquer les pouvoirs publics. Ces parties n’auraient aucune considération pour l’intérêt national.
Il n’est pas normal que tous les mégaprojets soient soumis à un tel marchandage alors que tout montre que l’apport est garanti. Il n’y aurait qu’une seule explication : il y a un complot qui se trame dans le dos des Tunisiens. A travers des pions, «certaines parties» (comme le dit M.Slim Fériani) sont chargées d’exécuter la basse besogne. Sans, pour autant, être paranoïaque, chaque honnête citoyen ne peut qu’en être convaincu.
Sinon, pourquoi y aurait-il autant d’autres mégaprojets bloqués. Le plus en vue, c’est le projet du RFR qui peine à surnager alors que tout le monde est sûr qu’il bouleverserait le paysage du transport public de fond en comble (dans le sens positif, cela s’entend) si on le laissait se réaliser.