On attend ce que le chef du gouvernement désigné fera dans les jours à venir afin d’éviter que son gouvernement ne tombe avant même de passer au Parlement
Il ne reste au chef du gouvernement désigné, Elyes Fakhfakh, que vingt-quatre heures ou presque pour qu’il fasse son choix et annonce sa nouvelle liste ministérielle qui tarde à voir le jour. Une formation qualifiée de dernière chance avant que la dissolution de l’ARP ne soit l’ultime recours constitutionnel qui conduira à des législatives anticipées assez coûteuses. Et là, l’on se retrouvera, de nouveau, dans un état d’attente à durée indéterminée qui tiendra tout le pays en haleine. Un scénario dont personne ne peut prévoir la suite. Pour l’éviter, Fakhfakh n’a ni le choix ni le temps d’agir autrement. L’homme est sur le fil du rasoir, dirait-on. Il se retrouve, cette fois-ci, contraint d’arrondir les angles et voir plus loin.
Face à ce coup dans le dos que lui a infligé Ennahdha, peu avant l’annonce, samedi soir, de sa composition gouvernementale, Fakhfakh n’a pas réussi son passage médiatique en force, dans l’intention de mettre ce bloc islamiste majoritaire au Parlement devant la responsabilité que lui délèguent ses élus. Puis il semble avoir fait profil bas et tempéré sa voix, décidant de « profiter des délais constitutionnels restants pour faire le choix approprié qui sert les intérêts supérieurs du pays ». Il va sans dire qu’il aura à réviser sa copie à tout prix. Cela dit, l’insistance de Fakhfakh à rejeter l’idée d’un gouvernement d’union nationale et écarter Qalb Tounès de toute tractation partisane a fini par lui coûter cher. Et pour cause ! Son premier draft ministériel, à peine dévoilé, est alors tombé à l’eau. Ce qui fait que la formation du gouvernement Fakhfakh doit obéir à la loi du plus fort, à la logique des calculs de boutiquier. En d’autres termes, aux intérêts partisans étriqués. Maintenant que les dés sont jetés, le chef du gouvernement désigné risque de faire la carpette et de céder aux caprices nahdhaouis. Soit des concessions particulièrement liées au nombre de portefeuilles accordés au parti de Rached Ghannouchi et à l’élargissement des concertations dans l’intérêt de Nabil Karoui, président de Qalb Tounès.
Cherche désespérément consensus
Faute de quoi, son gouvernement ne pourra jamais passer à l’ARP. Mais, pour s’en sortir la tête haute, il a, semble-t-il, fait appel à l’Ugtt et à l’Utica pour intervenir. L’entretien de leurs patrons, qui a eu lieu, dimanche matin, avec Ghannouchi s’inscrit dans cet esprit, à même de jouer les bons offices pour trouver un consensus commun. Cette médiation reconduite par le biais de Noureddine Taboubi et Samir Majoul, respectivement secrétaire général de l’Ugtt et président de l’Utica, nous rappelle celle engagée en 2013 par le fameux quartet primé, en 2015, du Nobel de la paix. Encore une fois, notre classe politique s’est montrée incapable de négocier dans la diversité. Cela est dû, tout bonnement, à son ego dominant et à son excès de zèle démesuré. Dans son jargon partisan, cela s’appelle le moindre « devoir » du dévouement au peuple et à la patrie. Intérêt supérieur du pays, dites-vous ! Des propos figés qu’on revient, souvent, à répéter telle une rengaine, sans jamais être traduits dans les faits. Une langue de bois à n’en plus finir. Pourtant, on y croit encore, sans jamais broncher. Ce qui se passe, ces jours-ci, dans les coulisses politiques n’est plus rassurant. Il ne laisse personne indifférent. Les négociations menées dans les chambres fermées le prouvent noir sur blanc.
Ces mêmes partis qui cherchent à nous gouverner aujourd’hui n’ont pas su tirer les enseignements d’hier. Ils n’ont pas saisi le message que voudraient leur transmettre leurs élus. En campagne électorale 2019, ce fut, alors, une grande leçon de morale. Toutefois, on les voit reproduire les mêmes erreurs du passé. Et si l’on refaisait les élections ! Gare aux fossoyeurs de la souveraineté populaire!