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Zones humides en Tunisie : La bonne gestion fait toujours défaut

Ghar El Melh, région côtière bizertine, figure déjà sur la liste des zones humides d’importance internationale. Elle rejoint ainsi le cortège des 41 sites similaires que compte la Tunisie, depuis son adhésion, en 1980, à la convention des zones humides d’importance internationale adoptée, en 1971, à Ramsar, en Iran. Désormais, on l’appelle ainsi ville-Ramsar, étant donné que la région entière se situe dans un milieu aquatique, où plusieurs plans d’eau font l’exception. Mais aussi de par sa portée écologique et son potentiel naturel si riche et varié. Aujourd’hui, sa population locale lui doit beaucoup. A condition que tout cela s’inscrive dans la durée.


Tout récemment, le Fonds mondial pour la nature-WWF Afrique du Nord, en partenariat avec la Direction générale des forêts (DGF), a choisi Ghar El Melh pour célébrer la journée mondiale des zones humides, sous le signe de la biodiversité. Et les festivités se sont, alors, déroulées, en grande pompe. Grands et petits y ont trouvé leur compte. La société civile, elle, a dû y mettre du sien, en exposant ses actions et ses contributions à la gestion des zones humides. Pour en savoir plus, le débat instauré, par la même occasion, a dressé un état de lieux. Ghar El Melh est un exemple de protection et de valorisation des zones humides en Afrique Nord. Elle a su résister aux aléas de l’urbanisme et préserver son patrimoine naturel authentique. Son maire, Mustapha Ben Boubaker n’a pas manqué de mettre en exergue ses atouts et particularités spécifiques. Soit, un écosystème diversifié qui en fait, aujourd’hui, une zone Ramsar à haute valeur socioéconomique. Lagune, Sebkha, Chotts et guettayas, une vraie source de vie et de survie. Aux alentours, s’étendent des vergers et prospèrent autant d’activités agricoles et de pêche. Bref, à Ghar El Melh, chacun dispose de ses moyens de subsistance. Cela dit, il s’agit, toutes proportions gardées, d’une zone humide digne de ce nom.

Zone Ramsar, dites-vous !

Toutefois, cela n’est pas aussi évident. Zone Ramsar, dites-vous ! M. Ben Boubaker y est revenu pour remettre en cause la manière de sa gestion. Il est on ne peut plus clair et précis : «Trop d’eaux usées, provenant de trois délégations, qui se déversent dans le lac Sidi Ali Mekki… ». Un vrai désastre, s’indigne-t-il. Car, la station de traitement d’Aousja n’est plus capable d’en absorber autant. Dévier une rivière de son cours naturel est aussi un problème écologique qui pèse lourd sur l’alimentation hydrique de Guettaya. Et ce, à cause d’une nouvelle route construite à ce niveau. S’y ajoute la mauvaise perception de ces milieux, souvent considérés comme terres marginales et sources de nuisance. Et là, le maire de cette ville-Ramsar avait interpellé les autorités présentes. En tout cas, l’homme a eu raison. D’ailleurs, tous les intervenants ont confirmé cet état de dégradation, à bien des égards. Cette vérité sortait de la bouche du directeur général des forêts, M. Mohamed Boufaroua, fraîchement nommé à ce poste. Mais, une vérité qui dérange l’ordre naturel des choses. Quitte à entraîner un déséquilibre biologique de la faune et de la flore, déclasser la zone et réduire ses services écosystémiques régulièrement fournis. La vigilance s’avère de mise.

Face à cela, le responsable a proposé la mise en place d’un système d’alerte dont l’information doit circuler en temps réel. Un tel projet devrait, selon lui, impliquer DGF, WWF et société civile. Car, la bonne gestion des zones humides relève d’une responsabilité partagée. Au même titre, leur impact ne laisse personne indifférent. Tout comme Ghar El Melh, l’infrastructure environnementale du parc d’Ichkeul, à quelques kilomètres, fait encore défaut. Soit, « une plateforme qui mérite d’être améliorée », admet-il, sans hésiter. Parlons-en-ainsi, on est dans la logique du développement durable, avec pour objectif d’adopter une politique de bonne gouvernance écologique. Qu’en est-il des zones humides en Tunisie ? On ne sait presque rien. On n’a même pas une carte d’inventaire scientifique qui les localise géographiquement. Et c’est maintenant, après 40 ans d’adhésion à la convention Ramsar, que nos écologistes y pensent sérieusement. Pourquoi maintenant, dirait-on ! L’approche environnementale n’a jamais été au centre d’intérêt. Et encore moins intégrée dans un plan d’aménagement national. « Décevoir cette attente pourrait causer un malaise politique et diplomatique dans les forums internationaux prestigieux… », lit-on dans la même convention.

La durabilité, un enjeu

Au fil des ans, nos zones humides, couvrant 8% de la superficie du pays, n’ont échappé à ce constat, en raison des pressions tant anthropiques que naturelles. L’hostilité de l’homme face à son environnement n’est plus à démontrer. Après la révolution, plusieurs crimes écologiques ont été, alors, pointés du doigt. Tous les indicateurs montrent que la zone humide a failli à sa vocation. Pourtant, il y a quatre critères majeurs à remplir : inscription, au moins, d’une zone humide Ramsar dans le territoire national, promotion de sa conservation et information sur toute modification introduite, utilisation rationnelle, établissement des réserves naturelles et formation en recherche, gestion et surveillance, ainsi que la coopération internationale dans le domaine. Cela étant, la Tunisie a-t-elle honoré ses engagements ? L’état dans lequel se trouvent plusieurs zones humides, à savoir Sebkhat Séjoumi, lagune de Korba, parc d’Ichkeul et bien d’autres, peut nous édifier sur la réalité. Pris à témoin, M. Faouzi Maâmouri, directeur du WWF-Afrique du Nord, s’est montré déçu. Devant un parterre d’experts et défenseurs de la nature, il a regretté ce que devient Garaet d’El Haouaria, sa ville natale, suite à son assainissement dans les années 70. Aujourd’hui, il n’y a plus d’eau d’irrigation, ni d’oiseaux migrateurs qui s’y réfugient. Pire, 95% des zones humides côtières sont menacées de disparition, révèle Mme Inji Hanini, commissaire régional au développement agricole de Bizerte. Cela est dû, en partie, aux effets ravageurs des changements climatiques. Soit, l’élévation du niveau de la mer pourrait, à long terme, causer leur submersion. « Les temps ont changé, les mentalités aussi », croit fort M. Maâmouri, espérant voir la nouvelle génération agir en connaissance de cause. L’espoir de la relève, pour ainsi dire.

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