À l’issue d’une plénière décisive : Un consensus mineur pour des enjeux majeurs

Il aura fallu plus de dix heures d’interventions de députés tantôt critiques, tantôt conciliants mais la plupart du temps hors sujet pour qu’en fin Elyes Fakhfakh et ses 32 membres du désormais nouveau gouvernement repartent avec… des voix en guise de gage de confiance. S’il ressort de l’hémicycle avec le costume de chef de gouvernement, Elyes Fakhfakh ne sort pourtant pas indemne des joutes verbales auxquelles se sont prêtés avec beaucoup de zèle les députés présents.

L’absence d’engagements chiffrés, parfaitement assumé de la part du chef du gouvernement, fait de son discours une myriade de «vœux pieux» comme se plait à dire le député du Parti destourien libre, Thameur Saâd. Dans la matinée, dans son discours inaugural, le chef du gouvernement avait en effet annoncé qu’il préférait d’abord faire un état des lieux, avant de revenir à l’Assemblée pour un programme plus détaillé, chiffres à l’appui. Et lorsque Elyes Fakhfakh évoque l’hétérogénéité du gouvernement comme d’une force et non une faiblesse, le député Mejdi Boudhina en doute : «Vous vous êtes fait la guerre pendant des semaines, et vous vous êtes traités des pires qualificatifs», rappelle-t-il.

Qalb Tounès, qui avait annoncé qu’il ne voterait pas en faveur du gouvernement, accuse Elyes Fakhfakh d’avoir décidé de diviser les Tunisiens en excluant l’un des partis vainqueurs des élections. Et comme l’ensemble des députés de l’opposition, Foued Thameur fustige le chef du gouvernement pour ne pas avoir divulgué les mécanismes qui lui permettraient de mettre en œuvre les réformes annoncées.

Mais les déclarations incendiaires ne viennent pas uniquement du camp de l’opposition, elles proviennent également de ce qui est communément appelé «la ceinture politique». Lorsqu’il prend la parole, Neji Djemal, député d’Ennahdha reconnaît «le déficit, voire l’absence de confiance» entre les partis qui composent le gouvernement, même s’il se dit «optimiste». Même soutien très mou de la part du député du parti Al-Chaâb, Khaled Krichi qui admet de son côté qu’il n’est «pas très facile de soutenir ce gouvernement». 

«Nous vous soutenons car vous êtes un véritable gouvernement d’union nationale, nous vous soutenons car vous croyez au processus de justice transitionnelle, et par ce que vous visez l’amélioration du pouvoir d’achat des plus démunis», a-t-il néanmoins tenu à dire.

S’adressant au chef du gouvernement, le député et homme d’affaires Hafedh Zouari (Al Badil) ironise. «Ce poste est pour vous un don de dieu, ni élection ni rien du tout», a-il-dit,  tout en lui demandant de ne pas privilégier son avenir politique au détriment des intérêts du peuple.

De son côté, Marouene Felfel (Tahya Tounès) préfère jouer la carte de la solidarité en estimant qu’Elyes Fakhfakh fait partie des hommes d’Etat qui pensent d’abord aux générations futures. Marouene Felfel en profite également pour dire que le gouvernement Chahed a mis quelques pierres angulaires aux réformes qui devront se poursuivre, notamment dans les finances publiques et au niveau de la fonction publique. Le député invite cependant le chef du gouvernement à faire preuve de la plus grande clarté quant aux orientations économiques et lui demande de les assumer pleinement pour que l’Histoire s’en souvienne.

A l’hémicycle, les provocations se poursuivent, le député d’Ettayar, Noomane Elleuch, imitant sans aucun doute la présidente du congrès américain, Nancy Pelosi, déchire en direct la feuille de route du gouvernement. «Ce document ne me concerne pas, dit-il. J’attends des actions concrètes»

 

(crédit photo : Abdelfattah Belaïd)

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