DANS une circulaire adressée à tous les ministres, secrétaires d’Etat, gouverneurs, maires et responsables d’institutions publiques, le ministre d’Etat auprès du chef du gouvernement chargé de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, Mohamed Abbou, a appelé au respect de toutes les mesures de prévention contre la propagation du nouveau coronavirus (Covid-19). Par ailleurs, la circulaire précise qu’il est possible aux agents de la fonction publique de communiquer à distance pour échanger les données et informations entre tous les services publics, soulignant la nécessité d’accélérer la généralisation de l’installation du système de gestion électronique des correspondances «Alyssa». C’est bien d’imiter les consignes prodiguées par des pays européens ou asiatiques développés pour limiter la propagation du virus sans toutefois enrayer le service public.
Mais cela s’est fait sans prendre en compte la réalité du service public et de l’administration tunisienne. En effet, sans parler de cette passion de servir qui est en train de s’abîmer chez les employés et l’usure quotidienne qui, depuis longtemps, a fini par installer durablement l’administration dans l’inertie et la routine avec des employés sans cesse confrontés à des exigences contradictoires qui finissent toujours par les décourager et où le malaise est ressenti partout. Pourtant, nos employés ne sont pas moins inventifs, moins entreprenants que ceux des autres pays. Et pour preuve, la fonction publique a joué un rôle décisif dans le maintien de ses services pendant la Révolution, alors que tout était à l’arrêt. Mais neuf ans plus tard, parce qu’on n’a pas su refonder une fonction publique où les fonctionnaires n’ont pas le sentiment d’être réduits à l’impuissance et gardent toujours le sentiment d’être mal aimés dans la valse-hésitation des réformes qu’on multiplie sans jamais oser les mener jusqu’à leur terme, qu’ils sont aujourd’hui démoralisés, démobilisés.
Alors que les technologies de l’information ont bouleversé le rapport à l’espace, au temps et au savoir, on attend toujours l’e-government chez nous. Car, à aucun moment, la réforme de la fonction publique n’a été prise à bras-le-corps. A aucun moment, une réflexion d’ensemble, une rénovation en profondeur du système de nos administrations n’a été entreprise pour faire face à ce genre de crise où l’on peut travailler à distance. Alors une telle circulaire — encore une — sera annotée pour stricte application et affichée sur les tableaux des entreprises publiques, mais sera, — comme les précédentes sur la rationalisation de la consommation d’électricité, sur la présence, sur la productivité, sur l’usage des voitures de service — vide de tout sens, car encore une fois, on demande aux employés…une mission impossible.