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Interview avec le Dr Sofiane Zribi, psychiatre et psychothérapeute: La carte à jouer pour sauvegarder la vie de couple

Etre enfermé pendant de longues semaines  avec son partenaire (à cause de la pandémie) peut être une épreuve dure à surmonter pour certains couples qui ne parviennent  pas à bien gérer  la vie à deux, les crises d’angoisse, les tensions,  les disputes…
Comment concilier la vie à deux et la rendre plus agréable quand on est enfermé entre quatre murs pendant des semaines ? Le Dr  Sofiane Zribi, psychiatre et psychothérapeute, répond à nos questions et nous donne des conseils pour réussir le confinement à deux.

Le confinement risque-t-il  de mettre la vie de couple à rude épreuve ?

Oui, le confinement peut mettre le couple à rude épreuve. Pourquoi ? Parce que  peu de couples ont l’habitude de passer plusieurs jours d’affilée ensemble et en plus sans la  possibilité de visites de proches, d’amis… Cette situation de promiscuité permanente oblige le couple à fonctionner différemment. Pour la communication,  on peut espérer qu’elle s’améliore avec le confinement, puisque les deux protagonistes font face à une situation commune « l’enfermement » et que se parler et s’écouter représente un bon moyen pour rompre la routine, faire passer le temps et surtout s’expliquer ou essayer d’ouvrir davantage son espace intime à l’autre. 

Mais dans la communication, il y a aussi des sujets qu’il faut savoir éviter en période de confinement, en l’occurrence tout ce qui irrite l’autre et le rend nerveux et mal à l’aise. Ce qu’il faut faire pendant la période du confinement, c’est essayer de converser sur des sujets d’intérêts communs, s’informer  mutuellement sur la maladie, tenter d’imaginer ensembles l’avenir et les moyens d’y faire face et éviter de  ressasser les vieilles disputes et de faire remonter à la surface des conflits oubliés, en  cherchant à rappeler ses erreurs à l’autre ou ouvrir un débat conflictuel.

Quant aux tâches ménagères,  c’est un objet de conflit récurrent avec la gestion financière. En situation de confinement, une femme qui se retrouve matin, midi et soir au service de son mari et des enfants va rapidement s’épuiser et devenir irritable et tendue. Rien n’est plus humiliant pour une personne que de se sentir réduite au rôle de servante et rien n’est plus enchantant et agréable que de voir son partenaire prendre part aux tâches ménagères. Il faut  donc  encourager le mari et les enfants à mettre de l’ordre dans la maison, dresser la table, faire la vaisselle…

Le confinement est aussi une occasion de s’essayer à de nouvelles recettes, s’adonner à l’art culinaire. Préparer le repas à deux devient un vrai travail d’équipe dans une ambiance décontractée et chaleureuse. Il faut surtout éviter de  reprocher aux maris leur côté maladroit. Sinon, ils ne remettront plus les pieds dans la cuisine.

En ce qui concerne la gestion des enfants,  c’est un vrai casse-tête dans le quotidien. Que dire alors dans une situation de confinement. Là aussi, il faut savoir agir avec tact et perspicacité. Les enfants enfermés deviennent plus turbulents et naturellement enclins à se disputer.

De plus, les réactions des parents peuvent impacter sur leur comportement. Il est utile de rappeler que face aux enfants, le couple doit parler d’une seule voix, sans violence et savoir faire preuve de  tendresse et  de fermeté à la fois. 

Dans le domaine de la sexualité,  beaucoup prédisent qu’il y aura un boom de naissances neuf mois après cette pandémie et ce confinement. Rien n’est moins sûr. Si les premiers jours de confinement peuvent inciter les couples à avoir plus de relations intimes, la prolongation de ce dernier a un effet délétère sur le désir. Il ne faut pas se  laisser aller, ne plus prendre soin de son hygiène ou sa tenue en  passant toute la journée en pyjama!

Quels conseils donnez-vous aux couples pour pouvoir gérer les conflits conjugaux? 

Les disputes au sein du couple sont normales et sont souvent le reflet des tempéraments différents des deux protagonistes et de leur incapacité à se mettre d’accord sur un sujet donné. Comme les sources de conflit sont nombreuses en situation de confinement et que les nerfs sont à bout, il importe d’agir d’abord en prévenant l’apparition des conflits plutôt que de tenter sur le tard d’éteindre l’incendie qui a été allumé.

Chacun doit être prévenant envers l’autre, et éviter autant que possible les sujets qui  fâchent. Il faut chercher au contraire de s’en tenir à des discussions consensuelles ou à un partage ou un échange d’informations. Si des reproches doivent être faits, chacun doit essayer de le faire avec gentillesse et mesure. 

Les conflits de pouvoir sont les plus fréquents. Les hommes ont souvent une mentalité de coq et veulent toujours avoir raison. Ils s’attendent à beaucoup de reconnaissance pour des comportements ne méritant pas un tel débordement d’éloges alors qu’ils sont eux-mêmes très avares en éloges ou en gentillesses.

En période de confinement, chaque membre du couple doit renforcer la bonne attitude de l’autre : « Merci mon/ma chéri(e) pour ton aide, ça m’a été utile », « J’éprouve beaucoup de plaisir que tu ais fait ça pour moi », etc.

Si par malheur une dispute éclate, il ne faut jamais chercher à l’envenimer. « Je constate que tu es fâché(e) et en colère, je n’ai pas souhaité te voir ainsi, mais essaie de m’expliquer calmement les raisons ». Bien souvent une attitude apaisante d’écoute et de compréhension suffit à apaiser la situation. Quand le débat n’est pas possible, il vaut mieux le reporter à plus tard. Si la situation devient intenable, il ne faut pas hésiter à appeler des amis communs ou des parents en tant que médiateurs et s’il y a risque de passage à un acte violent, il faudra appeler le numéro vert  1899. Bien évidemment, ce sont là des règles générales, mais chaque situation présente ses propres caractéristiques.

Comment faire face à l’anxiété et aux crises d’angoisse pendant le confinement?

Concernant les crises d’angoisse, il faut savoir qu’elles sont fréquentes en période de confinement. L’homme est naturellement claustrophobe. Ce n’est pas un hasard que la peine la plus courante depuis l’aube du temps est l’emprisonnement.

Aussi il est normal, qu’enfermés, nous nous sentons sous tension, oppressés. Nous avons l’impression qu’un poids pèse sur notre poitrine, et nous éprouvons le besoin de bouger et de sortir. Dans la situation de confinement actuel, ce sentiment se surajoute à la peur de la maladie, pour soi ou pour ses proches, la peur aussi du lendemain, peur pour le travail, le salaire, l’entreprise qui nous emploie, peur pour le pays et pour l’humanité en général.

Le confinement est aussi fait pour la distanciation sociale ce qui entraîne une rupture du lien social avec les parents et les amis. Le téléphone et les visioconférences ne peuvent se substituer à la douce sensation d’embrasser son père ou de tenir sa mère entre ses bras. Enfermé, inquiet, loin de ses proches, ne sachant pas de quoi demain sera fait, on comprend facilement que les personnes fragiles et mêmes les moins fragiles peuvent facilement décompenser. Le tableau le plus commun est celui d’une sensation permanente de mal-être avec des signes physiques plus ou moins importants, surtout marqués par une sensation de souffle coupé et l’imminence d’un danger aux contours flous, dont on ne peut échapper.

Un tableau moins fréquent, mais qui encombre les urgences et motive beaucoup d’appels injustifiés au 190 est celui de l’attaque de panique. Crise aiguë d’angoisse tellement forte que le sujet a l’impression qu’il va mourir sur le champ ou qu’il va commettre un acte incontrôlé. La crise est heureusement de courte durée et sans lendemain, mais laisse la personne dans l’expectative et dans l’attente d’une nouvelle crise. Dans ce contexte d’infection au Covid-19, beaucoup de personnes croient avoir été en contact avec le virus et ont été contaminées.

Dans ces conditions, le meilleur traitement est encore la prévention.
Ne pas se laisser entraîner par les messages négatifs relayés sur les réseaux sociaux, sélectionner ses sources d’information, ne regarder qu’une fois par jour le journal télévisé. Regarder des films légers, écouter de la musique, jouer, lire, se détendre, apprendre… Il ne faut pas que la maison se transforme en salle de torture psychologique et physique !

L’anxiété est aussi un sentiment qui s’apaise quand on en parle avec quelqu’un de compréhensif et de rationnel qui nous remet les idées en place. Il y a aussi la possibilité d’appeler le 80 105 050, numéro de la cellule de soutien psychologique pour pouvoir en parler avec un spécialiste. En dernier recours, il reste toujours la possibilité de joindre son médecin de famille ou un psychiatre. 

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