Nous commémorons le 20e anniversaire de la mort du «Zaim» en republiant cette chronique du 7 juin 2016. A l’époque, on venait juste de ramener la statue au centre-ville ; en petit format et en moins de hauteur. Les ennemis de Bourguiba et du bourguibisme avaient encore leur mot (leurs maux) à dire… Les choses n’ont pas tellement évolué depuis. Notre leader historique, le bâtisseur de la Tunisie moderne, subit toujours (nouvelle façon) l’envie et la rage de ses pourfendeurs. Ce «Contre» ressorti des tiroirs vaut encore réponse et rappel, à notre humble avis.
Le «Zaim» trône, de nouveau, sur son avenue. Mes collègues en ont parlé. C’était juste, équitable et beau. J’y adjoins, qu’ils me le pardonnent, ma petite, ma toute petite, part d’«émotions».
Je n’ai d’abord pas trop envie de réagir à ceux qui ont manifesté contre le retour de la statue. On me dit, et j’acquiesce, que c’était tout à fait dans leur droit. Je leur demanderai simplement ceci : en paradant et en vociférant de la sorte, ont-ils dérangé l’Histoire ? Ont-ils pris le parti de la «vertu» ?
Réponses courtes, pourquoi se fier aux péroraisons ? :
Un : l’Histoire de Bourguiba est la même avec ou non la statue. C’est-à-dire positive, preuves à l’appui et devant témoins.
Deux : qui étaient les «frondeurs», les paradeurs et les vociférateurs ? Outre que «petite quantité» objectivement, naturellement, impuissante, des gens de parti rassemblés en la circonstance, ni «pour du bien ni pour du mal», mais pour des intérêts strictement politiciens. Passons.
J’ai surtout envie de parler du libérateur, et de revenir, peut-être en plus clair, en plus précis, sur ce que Bourguiba a vraiment libéré dans ce peuple et dans ce pays. Je choquerai sans doute (mais qui suis-je, et quelle importance cela a-t-il ?) en disant que l’indépendance acquise après moult sacrifices n’est pas la plus importante, ni la plus essentielle des «libérations». On l’a, bien sûr, clamé sans arrêt à l’époque, on l’a chanté, on en a fait un hymne, puis une bannière, puis un slogan. Les historiens savent, néanmoins, les observateurs courageux et lucides aussi, que les indépendances des pays du sud étaient déjà inscrites dans la géopolitique mondiale de l’après-guerre 39-45. Les empires coloniaux étaient en voie de disparition, et l’Amérique et la Russie soviétique prenaient le relais. On l’eut «de toute façon» obtenue cette indépendance, autrement dit .Ce n’est aucunement retirer au mérite et à la gloire des militants et des martyrs, ils faisaient ce qu’ils croyaient juste de faire, ils n’étaient pas «dans le secret des «dieux». Mais le monde était ainsi programmé, force est de le reconnaître comme tel après tout ce temps.
La grandeur de l’œuvre de Bourguiba, sa véritable libération, fut évidemment ce qu’il appela lui-même le «jihad el akbar», celui du grand combat de l’édification.
«Al jihad el akbar» ! Observons l’intégrité du Leader, supposé «mégalomane et narcissique», et qui ramène les choses à leurs véritables proportions : «bâtir la Tunisie», cela seul compte d’ores et déjà, la «libérer» fait déjà partie du passé !!
Ce que fut ce «jihad suprême» ? On évoque les mêmes «titres» depuis des décennies : l’éducation et la culture, la femme, le CSP, l’administration et L’Etat, et puis la croissance, les +14%des années 60-70 «qu’on recommandait de ne pas crier sur les toits pour ne pas «effaroucher» nos partenaires occidentaux». La description m’a toujours paru un peu sèche, partielle, inachevée. Bourguiba a fait plus, beaucoup plus : il a transformé des esprits, des mentalités. Il a modernisé, sécularisé, rationalisé. Et c’est en cela, surtout, qu’il aura libéré les Tunisiens et métamorphosé la Tunisie.
Qu’es- ce que libérer en fait ? C’est apprendre, faire apprendre, à lutter contre l’ignorance, à rompre avec les illusions, les superstitions, les asservissements. Je garde souvenir des dernières années du protectorat. Il y en avait encore plein chez nos compatriotes. Les écoles de Bourguiba, ses lycées, ses universités, les arts et la culture propagés sous Messadi, Klibi, Bachir Ben Slama, sur son insistance, avec sa confiance et sa bienveillance, ont balayé tout cela en une poignée de saisons. En 70, en Tunisie (sous Bourguiba «le despote», le «chantre» du parti unique, le promis à la présidence à vie), des centaines de mille de jeunes débattaient de Marx, de Bergson, de Averroès et des «mootazla», de Schopenhauer et de Spinoza. Il y avait déjà un crédo laïc tunisien, c’est-à-dire un esprit prêt à se montrer équitable vis-à-vis des religions, mais dans le même temps apte à en «contourner» les «excès» et les «duperies». C’était cela l’œuvre majeure de Bourguiba, son Etat moderne, séculier. Ce n’étaient pas que des titres «brandies à l’occasion». C’étaient des réalités. Des progrès. Des avancées.
De si grandes avancées qu’elles font encore si peur aux «dénonceurs» de la statue aujourd’hui. Et autant, sinon davantage, à leurs partisans duplices… et silencieux.