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Covid-19: Juguler la crise économique

Le problème du coronavirus intervient à un moment difficile pour l’économie tunisienne. Cette crise nous interpelle pour concevoir des stratégies et des plans de relance dans les plus brefs délais. L’objectif est d’éviter que cette crise économique, induite par la pandémie, n’entraîne une longue période de récession, des pertes de revenu du tissu productif et des salariés. Les différents plans de relance qui sont en cours de discussion et d’élaboration, à travers le monde et notamment en Tunisie, contribueront indubitablement à endiguer les retombées néfastes et les répercussions profondes de cette crise qui vont durer longtemps. Des plans qui tracent les contours d’une reprise sans faille, car il vaut mieux sauver les entreprises quand elles sont encore vivantes,  car une   fois mortes il n’y aura plus rien à sauver.

Assurément, il faudrait sauver dans l’urgence le tissu économique et les millions de Tunisiens qui en tirent profit. L’heure n’est plus à l’orthodoxie financière libérale du bon élève du FMI et aux petites mesures, mais au sauve qui peut. Il faut anticiper l’après- Covid-19,  car le temps de la crise n’est plus au législatif ou du macro-économique. A l’évidence, cette  crise économique peut également  entraîner une crise sociale et provoquera un effondrement de notre tissu sociétal séculaire…

Devant la gravité de la situation, il est  grand temps de faire preuve de courage et d’audace afin de montrer que la Tunisie est non seulement capable de gérer de façon magistrale une crise sanitaire majeure,  mais qu’elle  est aussi de gérer concrètement les retombées économiques et sociales de cette crise.

Les experts économiques tunisiens ont  peaufiné les démarches à suivre, adaptées en fonction de la situation réelle, avec des idées différentes, des positions tout à fait divergentes, des propositions diverses, mais dans un tel contexte, il faut être uni. Ce n’est que grace à un consensus sur la manière de juguler la crise que nous pouvons nous en sortir vainqueurs. Nous aurons beaucoup de temps après la crise pour palabrer, défendre nos droits et nous critiquer les uns les autres.

Cette pandémie a déjà engendré des dégâts considérables, aussi bien sur le plan sanitaire que social et économique. La Tunisie serait-elle capable de faire face à cette pandémie? Pourrions-nous  l’affronter avec les mêmes stratégies que les pays voisins?  D’après les experts, nous devons tirer les leçons des expériences des autres, retenir les meilleures pratiques et éviter les erreurs commises. Nous devons aussi  adopter une stratégie qui tienne compte de nos moyens et de notre contexte économique et social.

Dans la lettre des 68 personnalités tunisiennes adressée  la semaine dernière au chef du gouvernement pour optimiser la gouvernance de la crise par des propositions concrètes,  les experts n’ont pas manqué de rappeler que   «le monde a mis de longues semaines pour se rendre compte de l’ampleur, de la gravité et de la violence de la pandémie qui le frappe et de ses effets dévastateurs sur son économie. Les économistes et les financiers les plus optimistes parlent d’une récession violente qui verrait le PIB des grands pays (Chine, États-Unis, Europe…) reculer de plusieurs points et s’installer, hormis peut-être la Chine, en territoires négatifs ».

Et d’ajouter que la Tunisie doit faire en sorte que sa gestion sanitaire de la crise soit exemplaire et que sa sortie progressive du confinement soit rapide pour éviter un effondrement de son économie. La pandémie intervient à un moment où la croissance était déjà poussive, où le chômage était durablement installé à des niveaux inacceptables, où l’inflation restait à des niveaux élevés malgré une inflexion récente, où le pouvoir d’achat des populations s’est considérablement dégradé, où les entreprises publiques cumulaient les déficits  tandis que les secteurs privés ployaient sous le poids des impôts, des charges sociales et des tracasseries administratives, où les caisses sociales sont menacées d’effondrement, où le système sanitaire chancelait, où la désindustrialisation était en marche depuis plusieurs années…

Ils indiquent, par ailleurs, que « les marges de manœuvre au niveau du budget de l’État sont limitées sinon inexistantes. Et pourtant l’État doit voler au secours de tous ses opérateurs économiques ». Le Chef du gouvernement a déjà pris des mesures de soutien à l’activité économique dès l’annonce du confinement sanitaire général. « Une enveloppe globale pour un stimulus économique de plus de 2% du PIB : du jamais vu. Pourtant, il va falloir faire plus et surtout mettre cette enveloppe le plus rapidement possible à la disposition de tous les opérateurs économiques concernés, mais également imaginer d’autres interventions d’ampleur, en faveur de tous les opérateurs économiques que les mesures annoncées ne concerneront pas».

Dans cet appel, les experts n’ont pas manqué de rappeler que la Tunisie affronte aujourd’hui plusieurs défis d’ordre sanitaire, social et économique,  l’incitant à protéger le maximum de personnes, sauver le maximum de vies et endiguer au plus vite la propagation du virus, à aider les couches les plus défavorisées et préserver notre tissu économique (artisans, commerçants, paysans, start-up, TPE, PME et PMI).

Sur le plan économique, ils appellent à  la publication, sans délai, de tous les textes d’application, sans lesquels les mesures annoncées restent sans effet et en leur donnant leur acte de naissance légal. D’un autre côté,  «il faut que les critères d’éligibilité des entreprises au bénéfice des mesures annoncées soient connus de manière objective et que le bénéfice des mesures ne soit pas tributaire d’une commission livrée à elle-même  ou qui chercherait à minimiser les dépenses de l’État dans une conjoncture de disette».

Afin d‘assurer le maximum de chances de succès à cette démarche de soutien aux entreprises, il est essentiel qu’elle se fasse dans la proximité. L’instruction des dossiers des entreprises impactées par la crise devrait être menée par les banques commerciales. Il leur reviendra de faire remonter les dossiers étudiés à la commission, régionale ou nationale, dans un délai maximum de 15 jours. L’objectif devrait être d’assurer à chaque entreprise une trésorerie minimale correspondant à un minimum de 45 jours de son besoin en fonds de roulement. L’intervention de l’État devrait se faire, sans décaissement, à travers une garantie donnée à la banque de l’entreprise bénéficiaire.

En parallèle à toutes ces mesures, ils estiment qu’il est essentiel de permettre aux entreprises, qui le souhaitent et qui présentent les garanties sanitaires nécessaires, une reprise plus rapide de leurs activités.  «Des traitements appropriés et des mécanismes précis doivent être identifiés pour toucher tous les travailleurs journaliers, les ouvriers agricoles, les artisans et les petits métiers de l’informel, ceux qui partent quotidiennement à la recherche d’un revenu, ceux-là mêmes ne bénéficient ni d’assurance chômage, ni de congés payés, ni de couverture sociale. Ces acteurs économiques fragiles et vulnérables échappent aux recensements des bénéficiaires traditionnels de l’aide sociale. Ils ne sont, d’ailleurs, pas demandeurs d’aide sociale, mais d’accompagnement pour faire face aux contraintes du confinement», ajoutent les signataires.

Par ailleurs,  les institutions de microfinance sont appelées à apporter leur soutien aux  opérateurs économiques vulnérables et à la lisière de l’informel, en mobilisant une enveloppe de 1 milliard de dinars. «Il est important que l’État facilite leur refinancement et qu’il assouplisse, de manière transitoire, les règles prudentielles qui régissent le secteur, à la manière de ce qui a été fait avec les banques».

À l’image des grands pays confrontés à cette pandémie, la Tunisie doit savoir exonérer des contraintes traditionnelles des équilibres budgétaire et extérieurs, apporter l’appui nécessaire à la sauvegarde des vies humaines tout autant que de celles de nos entreprises et de tous nos acteurs économiques.  Les experts s’adressent également à l’Etat pour  revoir à la baisse toutes les dépenses budgétées mais qui ne contribuent pas, dans la conjoncture actuelle, aux trois objectifs simples de sauvegarde des vies humaines, de secours et de soutien aux populations pauvres et vulnérables et de sauvegarde de notre tissu économique.

Le service de la dette devient insupportable, en temps de paix. Il risque d’étouffer le pays dans la guerre que nous engageons contre le coronavirus. «Il est urgent que la Tunisie engage avec ses bailleurs de fonds des discussions solidaires et responsables pour une meilleure gestion de sa dette extérieure. Une telle démarche n’entacherait en rien la crédibilité de la Tunisie et son attachement permanent à honorer ses engagements. Elle pourrait lui permettre de dégager une fenêtre budgétaire pour renouer avec des investissements plus soutenus en matière d’infrastructures et de restauration de sa compétitivité».

Autre proposition, la chute des prix pétroliers va donner une bouffée d’oxygène au budget de l’Etat cette année. Donc, il est important d’optimiser les achats avec une politique judicieuse d’achats à terme, après consultation avec les experts dans ce domaine.

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