Accueil A la une Lazhar Meskine, directeur exécutif AFE, Instructeur drone à voilure tournante et à voilure fixe: «Les drones en première ligne contre le coronavirus» 

Lazhar Meskine, directeur exécutif AFE, Instructeur drone à voilure tournante et à voilure fixe: «Les drones en première ligne contre le coronavirus» 

Pour mettre terme à la propagation du Covid-19, qui nécessite une réponse drastique et la capacité d’agir rapidement, plusieurs pays ont accéléré leurs activités de recherche et développement. D’après Lazhar Meskine, l’utilisation des drones pourrait venir soutenir les autorités locales dans la gestion de cette crise sanitaire sans précédent, car dans des moments difficiles et exceptionnels comme celui-ci, il est impératif de regarder au-delà des méthodes conventionnelles utilisées traditionnellement dans les crises de santé publique. Cette technologie, que ses concepteurs veulent mettre au service de la lutte contre le Covid-19, devrait avoir sa place dans ce combat, malgré un vide juridique qui persiste encore. Entretien

Alors que l’épidémie de coronavirus se poursuit et que les inquiétudes semblent grandissantes, la technologie est en pointe pour lutter contre cette pandémie. Est-ce le cas en Tunisie pour les drones ?

Depuis le déclenchement de l’épidémie de coronavirus fin décembre 2019 à Wuhan, partout dans le monde il y avait un recours massif aux nouvelles technologies (intelligence artificielle, drones, robots, objets connectés…) pour juguler la pandémie. En termes de compétences et de savoir-faire, notre pays dispose d’une panoplie de différents acteurs dans le domaine technologique. Et pour gagner du temps dans ce combat, nous pouvons nous inspirer des expériences des autres pays pour mettre en place tout un concept de lutte contre le Covid-19, basé sur les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle. Dans ce cadre là, les drones peuvent faire partie d’un système d’intelligence artificielle de prédiction contre le coronavirus.

Pour expliquer davantage ce dernier point, il est important de souligner que la prédiction est basée sur des algorithmes qui font la collecte de données de plusieurs sources : celles des satellites, des flux d’actualités, des rapports de maladies infectieuses et végétales, et même les données de billetteries des compagnies aériennes, ainsi que les statistiques et les rapports médicaux. Puis on passe à l’analyse de toutes ces données pour deviner si cette pandémie émerge, mais aussi si elle va s’étendre et jusqu’où, ce qui présente des outils d’aides à la décision pour prendre les mesures préventives nécessaires. Je peux citer l’exemple des drones dotés de caméras thermiques. Ce sont des outils efficaces qui scannent automatiquement les personnes et peuvent détecter leur température.

Comment les drones peuvent-ils minimiser la propagation du Covid-19 ?

Plusieurs possibilités d’usage sont possibles. Cela est définit par le type de capteur aéroporté. Un drone équipé d’un tel capteur est une solution pour minimiser la propagation du Covid-19. On peut citer par exemple les drones avec caméras qui ont été équipés de mégaphones et qui peuvent être utilisés pour repérer les rassemblements, diffuser des messages vocaux au public /alertes pour assurer le respect du confinement général et les mesures de protection (respect de distances). Ce type peut aussi identifier les citoyens en infraction et les alerter que ce soit pour leur demander de porter des masques ou de ne pas sortir inutilement. Il y a aussi les drones équipés de caméras thermiques qui sont utilisés pour prendre la température d’habitants pour voir s’ils sont infectés ou non. Pour les drones équipés de simples cameras RGB, ils sont un outil efficace de surveillance de grande ampleur des populations et un outil privilégié pour contrôler les flux d’individus, pour endiguer la contagion et limiter les rassemblements publics. S’agissant des drones équipés par des systèmes de pulvérisation, ils sont utilisés pour diffuser du spray désinfectant : pulvériser des produits désinfectants dans la rue, les gares, de places publiques et les lieux de passage…afin de limiter les sources externes d’infection. On peut aussi citer les drones qui peuvent être utilisés pour l’emport de banderoles et les affiches de sensibilisation au public.

Plusieurs ingénieurs ont lancé un appel aux autorités afin de leur autoriser la fabrication de drones sophistiqués afin de lutter contre la propagation du Covid-19. Mais l’obtention de l’autorisation pose encore problème même dans ce contexte exceptionnel. Pourquoi ce retard et cette complexité ?

Le domaine de drones est vaste, c’est tout un écosystème. Il comprend plusieurs secteurs, notamment la fabrication, l’exploitation, la formation et la maintenance. Tous ces secteurs nécessitent une règlementation qui définit les cahiers des charges pour les exercer. Je pense qu’une réglementation nationale de drones est en train d’être mise place. Une fois cette réglementation est prête, le domaine de drones va s’émerger rapidement en Tunisie comme il est déjà dans presque la majorité de pays du monde. Cela aura un impact très important surtout pour l’économie nationale.

A l’heure actuelle et dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, l’absence de la réglementation en la matière pourrait être résolue par des autorisations et des dérogations spéciales et exceptionnelles, dans un contexte exceptionnel. Faut-il rappeler que dans cette guerre, les drones pourraient être utilisés en première ligne pour gérer ce genre de crise sanitaire et lutter contre le Coronavirus… On sait déjà le rôle que les drones ont joué en Chine pour affronter l’épidémie, tantôt pour la désinfection des rues, les livraisons de médicaments ou de masques aux personnes confinées… En France, ils surveillent par exemple les quais parisiens…En Espagne, des villages en utilisent pour contrôler les arrivées…En Jordanie, ils s’assurent du respect du couvre-feu… Donc, la technologie des drones peut fournir une solution à bon nombre des défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.

Peut-on miser sur les drones « Made in Tunisia » pour la décontamination ?

A moyen termes, oui c’est possible. La fabrication de drones « Made in Tunisia » est tout un processus industriel aéronautique. Plusieurs aspects à prendre en considération : la réglementation, la certification, la validation, l’intégration dans la circulation aérienne générale, l’aspect communication, la problématique de l’allocation de fréquences, la maîtrise de la sécurité de vol… Cela nécessite un peu de temps. Les compétences existent déjà mais, il faut mettre en place tout un processus d’industrialisation de drones conformément aux normes, règlementations et exigences internationales. Cela permettra d’avoir de drones « Made in Tunisia » qui sont valides à l’échelle nationale et internationale.

Vous venez de déposer une correspondance auprès du ministère de la Santé. Dans quel objectif ?

«Africa Flying & Engineering_AFE» est un bureau d’Etudes et formation pluridisciplinaire catégorie A3, spécialisé dans la formation de télé pilotage de drones civils ainsi que leurs exploitations dans le domaine d’ingénierie (photogrammétrie, cartographie, inspection industrielle, agriculture de précision). L’AFE est la seule boite en Afrique et dans le monde arabe, accréditée et reconnue par l’Organisation internationale de drones « UVS International » depuis 2018. Disposant du personnel qualifié (instructeurs drones à voilures fixes et à voilures tournantes, des instructeurs et concepteurs de cours qualifiés à l’échelle internationale par l’Organisation de l’aviation civile internationale), l’AFE a développé le matériel pédagogique pour la formation théorique et pratique au pilotage de drones civils, en langue française et anglaise. Le matériel pédagogique était développé conformément à la réglementation internationale dans le domaine et en conformités avec les exigences, les normes et pratiques recommandées par l’Oaci et l’UVS Internation. Dans ce cadre, l’AFE a déposé en date du 13 avril 2020, une correspondance auprès du ministère de la Santé dont l’objet est une initiative volontaire de mise à la disposition du ministère, le personnel qualifié ainsi que le matériel pédagogique pour la formation des télépilotes professionnels de drones civils et leurs exploitations pour la lutte contre le Covid-19. C’est le minimum que nous pouvons faire pour participer à l’effort national de lutte contre la propagation de cette pandémie mondiale.

Mais ce combat exige des solutions technologiques dont l’opérationnalisation nécessite des fonds lourds !

Les solutions technologiques de lutte contre le Covid-19, y comprit les drones, sont des solutions efficaces et rapides en termes d’exploitation et de déploiement, surtout qu’elles évitent les contacts humains directs. Le coût d’exploitation est beaucoup plus moins important que les moyens conventionnels. Pour que ces solutions soient une réalité en Tunisie, cela nécessite des fonds pour la mise en place des solutions complètes, basées sur l’intelligence artificielle, les drones, les robots et les objets connectés. Certes, les partenariats public-privé (PPP) sont très importants dans ce cadre là et permettent d’aller aussi vite pour la concrétisation. Mais de l’autre coté, l’effort et la mobilisation de tout le monde sont indispensables dans cette phase pour contribuer efficacement à la lutte nationale contre le ce virus.

Dans cette guerre, jusqu’où peut aller la technologie ?

Il n’y a pas de limites pour l’innovation. On peut parler de drones approvisionnements pour transporter des échantillons ou livrer des traitements et équipements médicaux dans les cadres de la lutte contre de coronavirus. Dans le futur proche, le monde aura encore plus de technologies et de solutions innovantes, qui peuvent êtres aéroportées par les drones pour enrayer cet ennemi invisible.

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