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Initiatives solidaires: haut les masques !


C’est encore une de ces facettes lumineuses du confinement. Toutes ces femmes douées de leurs mains, qui se convertissent en confectionneuses de masques de protection anti- Covid-19. Dépassant parfois le cadre familial et du voisinage d’offre de bavettes, elles viennent, toujours d’une manière volontaire et sans contrepartie, à la rescousse d’une municipalité ou d’un hôpital en mal de ces barrières contre la pandémie. Récits et témoignages.


Attelée à sa machine à coudre Singer datant des années 40, sa chambre transformée en atelier, Nozha Belhassine a repris il y a deux semaines une activité qu’elle a pratiquée d’une façon très intermittente depuis que ses enfants et petits-enfants ont grandi. Dans sa maison à El Menzah 7, elle confectionne à longueur de journée un produit devenu stratégique, voire vital ces derniers temps, des masques à trois plis maison anticoronavirus, lavables et réutilisables. Une action qui vient du cœur et commence à une échelle intimiste, par souci de protéger ses plus proches en ces temps de pénurie de bavettes et prend par la suite plus d’ampleur, s’élargissant aux voisins et aux amis.

Un sourire illuminant son regard, Nozha Belhassine explique : « Je voulais me sentir utile dans ces circonstances de crise sanitaire générale et d’anxiété par rapport à cette pandémie ».

La septuagénaire, toujours très vive et dynamique, se rappelle le moment où elle décide de renouer avec sa vieille machine à coudre : le début du mois d’avril lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande aux populations la nécessité du port d’un masque à l’extérieur. L’intérêt de ce rempart contre le Covid-19 étant d’améliorer les gestes barrières comme le contact main bouche, éviter de contaminer les autres avec nos postillons et respecter la distance sociale. Sur Youtube, Nozha Belhassine découvre une panoplie de pages où on explique les diverses façons de fabriquer les bavettes. Et puisqu’elle est habile de ses mains…

Le système D ou le génie des temps de confinement

Khedija Srarfi, banquière à la retraite depuis une dizaine d’années, a appris très vite elle aussi l’art et la méthode de coudre les masques. Une quarantaine de centimètres de cotonnade pour les deux couches du masque, un carré de molleton pour le filtre interne et deux bandes élastiques suffisent pour la production de ce masque alternatif à usage réservé aux particuliers.

Générosité, philanthropie et dévouement pour les autres animent la dame aux manières distinguées. Entre Nozha Belhassine et Khedija Srarfi, un autre point commun : le sens de la débrouillardise et du recyclage  qui se développe chez certains lors du confinement obligatoire comme en temps de guerre.

« J’ai repris des chutes de tissus recueillis d’anciens travaux de couture et défait des draps et des protège-coussins pour les transformer en bavettes. Reste le problème de l’élastique, qui fait sérieusement défaut, les merceries étant fermées jusqu’à nouvel ordre », témoigne l’ex-banquière.

L’élastique, une denrée précieuse et rare

Si Nozha Belhassine a récupéré l’élastique de ses vieux pyjamas pour les remettre dans ses masques, cette solution n’est pas valable pour une production à plus grande échelle comme celle au bénéfice de la municipalité de La Marsa, à laquelle s’attellent depuis quelque temps Khedija Srarfi et sa voisine Ouissale Bahri, 64 ans, passionnée de couture et de broderie. Toutes les deux, résidant dans la partie BCBG de Sidi Daoud, ont déjà offert dans un premier temps à leurs familles, voisins et aux petits commerçants du coin des masques de protection et puis dans un second temps, toujours gratuitement, à la commune de La Marsa 60 bavettes. Une initiative engagée par Ouissal Bahri pour contribuer à une action multidisciplinaire d’aide aux quartiers défavorisés de la ville entreprise depuis le début du confinement par le maire Moez Bouraoui et une armée de volontaires de la société civile, qui risquent leur vie en s’activant sur le terrain.

Khedija Srarfi et Ouissal Bahri – qui a mis à contribution toute sa famille pour lui procurer du tissu – appellent d’un moment à l’autre une mercerie amie du Kram afin de les approvisionner en cette denrée très rare en ce moment qu’est l’élastique, d’autant plus qu’à Sidi Daoud et ailleurs, des milliers d’ateliers d’artisans couturiers ont rouvert leurs portes pour répondre au besoin urgent en bavettes, une filière nouvelle et inattendue qui permet à ces ouvriers, parfois précaires et contraints au chômage, de survivre. A Sidi Daoud, les épiceries prennent des allures de pharmacies, proposant à la vente ce dont les hommes et les femmes ont désormais besoin pour circuler dans l’espace public sans s’inquiéter d’une éventuelle contamination.

Une cagnotte pour les Africains

Après un nouveau lot de 60 bavettes à confectionner avec sa voisine et à mettre les jours à venir gracieusement à la disposition de sa commune, Ouissal Bahri veut faire profiter un autre public de son travail.

« Des associations m’ont contactée pour des commandes. J’ai décidé de réserver une cagnotte dans laquelle je verserai les entrées provenant de mes masques, que je vendrai 2 dinars la pièce. Cet argent ira au profit des projets de solidarité sociale de la municipalité et pour soutenir la communauté africaine de La Marsa, qui vit aujourd’hui dans une grande détresse ».

Plus loin, à Djerba, une association suit une démarche un peu plus lucrative – notamment dans un second temps – que celle adoptée par les trois dames, plutôt de condition aisée, citées plus haut. Maria Grazia Casella, connue à Houmet Essouk par sa belle boutique d’artisanat, est la présidente de la  dernière-née des ONG djerbiennes,  « Jerba Artisans Solidaires ». Mais l’inauguration de JAS coïncide avec le confinement général. Grâce à un don de l’Association citoyenneté et liberté, cinq artisanes, tisseuses, brodeuses et couturière auparavant se convertissent en  fabricantes de bavettes. Elles distribuent gratuitement au personnel soignant de l’hôpital Sadok-Mokaddem plus de 2.000 bavettes.

Pour la survie des petites mains

L’association fabrique aussi des combinaisons jetables, validées par le service des urgences de l’hôpital. Le tissu, parfaitement étanche, don de la propriétaire d’un centre de soins, est celui utilisé dans les établissements de thalassothérapie pour recouvrir les lits de massage. Il sert aussi à la fabrication de bonnets et de sur-chaussures pour les établissements de santé.

« Les artisanes n’ayant plus rien pour subvenir à leurs besoins, nous nous sommes dit pourquoi ne pas mettre à la vente leurs bavettes à un prix peu élevé. En tout cas plus bas que celui décrété par les autorités pour commercialiser les 30 millions de masques que produiront bientôt les industriels  œuvrant dans le secteur du textile et du tissage », témoigne Maria Grazia Casella.

Comme les cinq artisanes de l’association, Maria Grazia s’inquiète du cahier des charges publié par le ministère de la Santé relatif à la confection des masques barrières.

« Nous sommes en train d’adapter nos modèles aux standards internationaux de protection sanitaire. Mais si nous ne pouvons plus distribuer nos bavettes directement en faisant obligatoirement le détour par la Pharmacie centrale, chargée exclusivement, selon le cahier des charges, de la mise en circulation du produit, les artisanes perdraient beaucoup, notamment en termes de commandes et de livraisons directes », soutient la présidente de JAS.

Toutes ces confectionneuses de bavettes seront encore plus utiles les jours et les mois de déconfinement où leur production, même à petite envergure, sera capitale car le masque sera alors plus qu’obligatoire tant qu’un vaccin n’aura pas prémuni l’humanité contre les dangers du virus. Les aider à poursuivre une activité à l’origine gratuite et informelle deviendra alors une nécessité stratégique.

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