A l’occasion d’un webinaire organisé par la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce, Faten Taghouti, manager au sein du département conseil en management de Grant Thornton, un des leaders mondiaux des cabinets indépendants d’audit, de fiscalité et de conseil, a donné un certain nombre de conseils aux entreprises et aux organisations en général pour gérer le déconfinement. La Presse en a profité pour lui poser quelques questions.
Pour plusieurs secteurs, le déconfinement a débuté lundi. Quels conseils donneriez-vous aux chefs d’entreprise pour gérer au mieux cette période sensible ?
Les premiers jours de déconfinement seront cruciaux, et ce, pour ne pas mettre en péril les efforts et les sacrifices consentis par tous durant les mois écoulés. Ainsi, et afin d’accompagner au mieux la reprise de l’activité, nous recommandons, tout d’abord, de veiller à la mise en place des mesures sanitaires adéquates, à savoir la mise à disposition des produits d’hygiène (gel hydroalcoolique, savon vert, etc.), la réorganisation de l’espace de travail en vue de s’assurer du respect de la distanciation sociale. Et si besoin est, la réorganisation des modes de travail des collaborateurs (en fonction de leur nombre), à travers un roulement des équipes. Et, si possible, la mise à disposition de minibus ou remboursement des frais de taxi pour ceux qui ne disposent pas de voitures afin de s’assurer de la sécurité du transport des collaborateurs. Il y va de la sécurité sanitaire de tous.
Le capital humain représentant la pierre angulaire d’une organisation, il est primordial d’accompagner les acteurs internes afin de les aider à faire face à cette étape difficile. Nous recommandons ainsi la mise en place d’une cellule d’écoute, notamment à l’attention des membres qui ont été touchés de plein fouet par la maladie (ex : un employé ayant eu un proche malade ou malheureusement décédé des suites de la maladie).
Si les entreprises disposent d’un service dédié à la Hseq (Health, Security, Environment, Quality), nous recommandons de mettre en place un planning horaire permettant aux employés de s’adresser à ce service en cas de besoin. Et bien évidemment, donner les moyens nécessaires au personnel encadrant pour qu’il soit à l’écoute des collaborateurs et les rassurer.
Il faut, par ailleurs, continuer à communiquer en interne et en externe sur l’évolution de la situation, et ce sur la base d’un plan de communication ciblé. Comme recommandé ci-dessus, il est aussi primordial de continuer à communiquer sur l’importance du respect des gestes barrières et des consignes d’hygiène à adopter tout en employant un langage compréhensible par tous. Le mode de communication le plus efficace dans ce cas consiste en l’affichage des consignes sur les différentes zones du lieu de travail. Pour les entreprises qui disposent de plus de moyens, la diffusion de vidéos et de messages vocaux ludiques de prévention sur leurs sites est un mode de communication tout aussi efficace.
Tout aussi important, la cellule de crise doit mettre en place un plan de relance progressif en vue d’assurer une reprise d’activité graduelle, et ce jusqu’à ce que l’organisation atteigne un niveau de croisière normal.
Vous avez évoqué le PCA. Quelles en sont les grandes lignes ?
Le Plan de continuité d’activité (PCA) est un outil qui permet d’assurer la survie d’une organisation donnée, en cas de survenance d’un sinistre donné.
L’objectif étant d’atténuer et de maîtriser au maximum les risques auxquels est confrontée l’organisation, qu’ils soient stratégiques, opérationnels ou autres. Dès lors, une organisation qui dispose d’un PCA est une organisation qui adopte une attitude proactive en matière de gestion de risque, car elle disposera des préalables nécessaires pour répondre rapidement à une situation de crise.
La mise en place d’un tel projet nécessite d’avoir une vue à 360° de l’organisation afin d’identifier les principaux risques auxquels elle est confrontée et d’y apporter les mesures correctives nécessaires. Tout aussi important, un tel projet requiert l’implication de l’ensemble des collaborateurs. Ainsi, et tel que nous le recommandons, il faut veiller à la mise en place d’une approche de conduite du changement impliquant l’information, la sensibilisation et la formation des acteurs internes.
Il est, par ailleurs, important d’attirer l’attention sur le fait que le PCA n’est pas figé dans le temps. En effet, il doit être soumis à des ajustements au fur et à mesure de l’évolution de l’organisation, afin d’éviter que celui-ci ne devienne désuet et ne prenne pas en considération l’évolution des risques auxquels fait face l’organisation.
En guise d’exemple, certaines organisations disposaient déjà d’un PCA avant l’apparition du Covid-19, notamment le secteur financier et bancaire, car il s’agit d’un secteur réglementé. D’ailleurs, un certain nombre d’institutions de la place ont été les premières à diffuser un communiqué annonçant les mesures prises en termes de continuité d’activité. Mais rares encore sont les organisations appartenant à d’autres secteurs d’activité qui en disposaient. Il s’agit notamment des grands groupes certifiés.
La communication et le leadership sont les atouts incontournables du changement. Quelles sont les erreurs à éviter pour garantir une reprise sans dégâts ?
En termes de communication, laisser le vide s’installer et ne pas communiquer sur le niveau d’avancement de la situation peut avoir de graves répercussions, notamment en termes d’image et de réputation. Il faut, par ailleurs, éviter d’employer un jargon trop complexe à l’attention des interlocuteurs. Il ne faut pas oublier que l’intérêt de la communication est de se faire comprendre. Par ailleurs, si nous ne recourons pas à des sources fiables, nous risquons de faire circuler des informations erronées qui peuvent mettre à mal les efforts consentis. Il est donc recommandé de mettre en place un plan de communication ciblé, aussi bien en interne qu’en externe, tout en recourant à un langage compréhensible par tous.
En termes de leadership, il faut éviter d’éparpiller les efforts. Ainsi, et notamment en temps de crise, il est primordial de fédérer les équipes et de leur donner un cap. Le « nous » doit ainsi prévaloir sur le « je ». Il faut aussi éviter de se cacher et de cacher la vérité. Les collaborateurs ont besoin de voir un véritable leader qui les écoute, qui les rassure, surtout en période d’incertitudes. Il devra ainsi leur communiquer des consignes claires, tout en avouant que la situation n’est pas aisée pour tous, et qu’il faudra très certainement procéder à certains sacrifices et redoubler d’efforts pour s’en sortir. Nous pouvons prendre pour exemple le corps médical qui était en première ligne face au virus, dont les membres ont dû sacrifier leur vie privée et ce pour apporter les soins nécessaires aux victimes.
Ainsi, le sens du leadership combiné aux outils de communication permettra aux collaborateurs de se sentir impliqués et d’adopter plus aisément l’esprit autour duquel est fondée leur culture d’entreprise.
D’ailleurs, plusieurs entreprises ont su fédérer leurs équipes en cette période de crise pour contribuer à l’effort national, notamment par le biais de dons en nature.