Si la collection intéressait vraiment les responsables du patrimoine qui crient, aujourd’hui, au casse du siècle, et montant au créneau, jurent leurs grands dieux de la récupérer à tous prix, pourquoi personne ne s’est jamais manifesté depuis plus de dix années ?
Il est un vieux proverbe que les anciens connaissent bien, et qui pourrait se résumer par « beaucoup de bruits pour pas grand-chose ». Il dit de façon imagée : « Cris et appels à témoins pour la mort …du hérisson ». Nous sommes, semble-t-il, dans cette exacte configuration quant à la malheureuse histoire des collections du regretté Si Ahmed Jellouli.
De quoi s’agit-il exactement ? D’archives de familles personnelles, de photos personnelles, de livres d’une bibliothèque personnelle, de décorations familiales, donc personnelles, de costumes d’apparat, ou pas, ayant appartenu à des dignitaires de la famille, donc personnelles. Soyons clairs, nous ne parlons pas des trésors de la Golconde, ni de ceux des maharadjahs. Encore moins de la succession du sultan Abdelhamid.
Nous ne parlons pas non plus des feuilles du Coran bleu, autrement inestimables, volées celles-ci, et que l’on voit exposées à travers le monde, dans les collections de l’Agha Khan, au Canada, dans le musée Ben Rjeb au Koweit, dans le musée d’art islamique au Qatar, sans que personne, jamais, ne s’en soit offusqué.
Semblables objets, livres, costumes, nichans existent dans toutes les grandes familles tunisoises jadis proches du pouvoir. La plupart les ont laissés moisir, les ont perdus en route, ou vaguement dispersés. Le tort de Si Ahmed aurait-il été de les préserver, les réunir, les mettre en valeur, et permis à des générations de chercheurs, étudiants, universitaires d’y accéder ? Ce serait bien le comble.
Alors oui, il est regrettable que les collections, dont on a beaucoup grossi l’importance, les qualifiant d’archéologiques, alors que la plupart ne remontent pas plus tard qu’au XIXième siècle, de trésors du patrimoine, oui, bon, n’exagérons rien. Il est regrettable que cette collection soit vendue à l’étranger.
Mais soyons honnêtes : tout le monde connaissait la collection de Si Ahmed Jellouli dont la porte était toujours ouverte aux curieux et amoureux du patrimoine. Les héritiers ont offert un millier de livres à la Bibliothèque Nationale, ce que personne n’a dit dans cette furieuse campagne de dénigrement, et surtout pas la Bibliothèque Nationale, bénéficiaire de ce don.
Si la collection intéressait vraiment les responsables du patrimoine qui crient, aujourd’hui, au casse du siècle, et montant au créneau, jurent leurs grands dieux de la récupérer à tous prix, pourquoi personne ne s’est jamais manifesté depuis plus de dix années ? Pourquoi n’a-t-on pas, en dépit de nombreuses sollicitations, choisi de classer, restaurer, et transformer en musée, fondation, bibliothèque ou tout autre institution d’intérêt public, la magnifique demeure de Si Ahmed, qui, elle, est le véritable trésor, et qui menace ruine ?
Enfin qui sont ces fins limiers qui ont su, avec une précision chronologique digne de Sherlock Holmes quand exactement la collection était sortie de Tunis : au cours de la deuxième quinzaine du confinement disent-ils, quand il n’y avait ni avions, ni bateaux, et que même les harraguas faisaient une pause. Pourquoi pas avant ? Enfin, au lieu de crier haro sur le baudet, et de livrer à la vindicte des ignorants une famille honorable qui a toujours respecté la légalité, le bon droit, et les institutions, pourquoi est- ce qu’aucun membre de cette famille n’a été, à aucun moment, contacté ou informé ? Nous sommes là dans une mauvaise querelle et il serait temps de rendre à sa juste mesure l’importance de « la mort du hérisson ».