C’est la grogne dans le sud du pays où plusieurs régions connaissent des remous depuis des semaines. Les mouve- ments de contestation s’intensifient sur fond de crise sociale.
Et le décès d’un jeune contrebandier sous les balles de l’armée nationale a fait monter au créneau les jeunes de Remada. De- puis deux jours, des accrochages les opposent aux éléments de l’armée qui ont fait preuve de sang-froid face aux groupes de contestataires de la région. Mais les appels à l’escalade fusent de partout et ils ne sont pas du tout innocents. Les forces du mal sont de nouveau à l’œuvre pour instrumentaliser cet inci- dent malheureux où le jeune contrebandier a succombé à ses blessures après avoir été touché à la tête par une balle perdue d’un tir de sommation, pour engager les manifestants dans une confrontation avec les forces militaires.
C’est ce qu’a d’ailleurs dénoncé le Chef de l’Etat dans son allocution avant-hier à l’ouverture des tra- vaux de la réunion du Conseil supérieur des armées et des commandements sécuritaires. En effet, Kaïs Saïed, Chef suprême des forces armée, a fustigé dans son mot le comportement hostile des manifestants et a pointé du doigt les acteurs qui agissent dans l’ombre pour faire vaciller les institutions de l’Etat de l’intérieur. Cette manœuvre obscure vise, selon ses propos, à «démembrer l’Etat», une vaine entreprise à laquelle Saïed a promis une réponse appropriée.
C’est que sur l’arc de crise qui s’étend de Tataouine à Meknassi en passant par Dhiba, le bassin minier et El Kamour, se joue l’avenir de la sécurité nationale, de la prospérité du pays, et la multiplication des mouvements de contestation met à l’épreuve la crédibilité des valeurs démocratiques que la Tunisie post-révolution a toujours portées.
Le désespoir gagne les régions
S’il est vrai que depuis des années, chaque jour qui passe emporte dans son sillage les rêves de milliers de jeunes dans ces régions, faute de plans de développement, d’emplois décents et que les espoirs volent en éclats laissant place à un désenchantement qui creuse davantage le lit de l’extrémisme, du banditisme et de la criminalité, rien ne justifie le recours à la violence. C’est dans cet ordre d’idées que le Chef d’Etat a indiqué qu’il est conscient du calvaire de ces jeunes laissés pour compte et qui ont le droit de manifester pacifiquement et d’user du droit à la contestation garanti par la Constitution, sans toutefois accepter qu’ils se dressent contre l’armée et les forces de sécurité pour faire valoir leurs revendications. Mais le Chef de l’Etat a mis en garde contre «la gravité des tentatives de certains de faire imploser l’Etat de l’intérieur en portant atteinte à ses institutions et en cherchant à éluder son autorité dans plusieurs régions en essayant d’engager l’institution militaire dans «des conflits politiques, avec pour objectif de la pousser à entrer avec elle et avec le reste des institutions en confrontation».
En effet, la situation politique qui prévaut dans le pays n’augure rien de bon. Les factions politiques qui tirent à boulets rouges les unes sur les autres depuis des mois laissant dans la débâcle des milliers de Tunisiens englués dans une crise sociale et économique sans fin sont les premiers responsables de l’ambiance délétère qui règne dans le pays. Ces crises politico-économiques récurrentes forment un terreau fertile pour la tension dans des régions qui tirent le diable par la queue.
Hausse du nombre de manifestations
Selon l’Observatoire social tunisien relevant du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, rien qu’au mois de juin, plus de 934 mouvements de protestation ont été recensés, enregistrant une augmentation de 81% par rapport à la même période l’an dernier. Selon la même source, ce chiffre est le plus élevé depuis trois ans.
Le rapport fait remarquer une hausse des protestations violentes, qui ont représenté 68,1% du total des manifestations du mois de juin. Plusieurs de ces mouvements ont été anarchiques. Sidi Bouzid et Tataouine arrivent en tête des gouvernorats à forte contestation sociale. Les revendications sont d’ordre social. Ils portent sur l’emploi, la santé et le développement.
D’où l’insistance du Président de la République à compter sur la «clairvoyance» des citoyens de ces régions pour apaiser la situation et calmer les ardeurs en faisant prévaloir l’intérêt supérieur du pays, tout en épargnant l’armée de ces clivages politiques.
La grande muette à la hauteur
Car, au grand dam de ceux qui souhaitent vivement que l’armée entre en jeu, la grande muette a su à chaque fois lisser la crise sans dommages collatéraux. Mais il est vrai aussi que l’erreur ne pardonne pas quand on défie nos soldats dans une zone tampon, déclarée militaire et fermée et que nos vaillants militaires sont aux aguets pour protéger nos frontières, notre sécurité. Et nul ne peut douter de leur engagement et de leur disposition à servir le pays. Ils incarnent également la détermination de la Tunisie à conserver la maîtrise de son destin dans un climat tendu et où les trous d’air sont par- tout et les menaces fréquentes. Certains cherchent peut-être à saper le moral des soldats, eux qui sont prêts pour le sacrifice dans un contexte politique marqué par l’instabilité et affectés dans des postes hautement dangereux où ils frôlent la mort à chaque instant.
La rigueur est indispensable
C’est pour dire aussi que la rigueur est l’un des atouts indispensables pour remplir la mission que la Nation leur a confiée. Et que si des contrebandiers ou des terroristes s’infiltrent sur notre territoire, la réponse doit être en fonction des ordres reçus. Certes, une enquête militaire sera diligentée pour faire la lumière sur cet incident, mais il ne faut en aucun cas prendre l’armée pour cible ou essayer de l’impliquer dans les tiraillements politiques.
Il est à rappeler que des formations militaires opérant dans la zone «Al-Manzala» à Remada ont, dans la nuit de mardi 07 juillet, observé des mouvements suspects de quatre voitures en provenance du territoire libyen qui ont pénétré dans la zone tampon. Les unités militaires, conformément aux dispositions du décret républicain n°230 de 2013, qui détaille le recours progressif à la force, ont eu recours à des tirs de semonce pour forcer les véhicules à s’arrêter. Cependant, les conducteurs de ces véhicules qui filaient à toute vitesse ont refusé de se conformer aux avertissements. Ce qui a poussé les soldats en faction à cibler les roues des voitures dans un second temps. Les deux occupants d’une première voiture ont été touchés alors que les autres véhicules ont réussi à s’échapper. L’un des occupants blessé à la tête par balle est décédé, le deuxième a été transféré à l’hôpital. Suite à cet incident, le tribunal militaire à Sfax a ouvert une instruction. L’information sur le décès du contrebandier s’est répandue comme une traînée de poudre et la ville de Remada a été témoin d’événements et de protestations devant la caserne contre les forces militaires. Des jeunes manifestants ont exigé que l’État «mette fin aux tueries aveugles et trouve des emplois aux jeunes pour qu’ils se détournent de la contrebande».
Liberte
11 juillet 2020 à 11:00
Le problème essentiel c’est qu’on arrive plus à payer l’effectif et surtout les cadres de l’armée.