Les consommateurs tunisiens doivent encourager les produits locaux.
Lors de l’une de ses dernières déclarations, M. Marouane Abassi, Gouverneur de la Banque centrale, a réfuté d’un revers de la main les «prévisions», tout ce qu’il y a de plus déplacées et pessimistes, faisant état de l’impossibilité dans laquelle se trouverait l’Etat pour payer les salaires des prochains mois.
Il a bien pesé ses mots en les démentant catégoriquement et a profité de l’occasion pour encourager les Tunisiens à «consommer tunisien».
Nous avons à maintes reprises soulevé sur ces mêmes colonnes le problème, et donné l’exemple de ces grandes nations qui font de ce «slogan» un acquis que leurs conscient et subconscient ont définitivement enregistré et qui figure dans les replis de leur mémoire collective.
Tout simplement, parce qu’il s’agit d’une sorte de conquête héritée et qui met en évidence le pouvoir de réussir par ses propres moyens, en faisant valoir le savoir-faire, que les générations se transmettront à l’infini.
Non pas par vulgaire nationalisme, exacerbé et déplacé, mais par attachement à son pays, étant donné qu’il s’agit d’un des moyens de l’aider, en contribuant à l’essor de ceux qui sont sur le terrain pour le maintenir à bras le corps, là où il s’est installé, grâce à la qualité de ses produits, sa ponctualité, son sérieux et son désir d’aller toujours plus haut.
A qualité égale
Bien entendu, il ne faudrait absolument pas que le citoyen se fasse piéger en voulant respecter ce vœu, mais bien à qualité égale, même à un prix légèrement supérieur, le consommateur tunisien doit accepter un petit sacrifice et encourager la production locale.
De toutes les façons, à quelques exceptions près, à part les machines-outils (et encore), bien des marques de renom n’importent pas les mêmes productions que l’on met sur le marché européen par exemple. Ces marchés sont impitoyablement contrôlés. Tous les vices sont immédiatement dénoncés. Les organisations de défense des consommateurs sont d’une puissance telle, qu’elles sont capables de faire plier, couler même les marques les plus solides.
Les invendus et les «rossignols» des grandes surfaces, tout ce qui n’a pas trouvé preneur et qui aurait pu finir aux marchés aux puces, suffisent à dépasser largement les besoins d’un pays comme le nôtre. C’est dire que pour ceux qui nous envoient leurs balais, jouets, gadgets de toutes sortes et de toutes les couleurs, sont gagnants à cent pour cent.
Il s’agit, donc, d’une question de mentalité et de mauvaise interprétation.
Et c’est là que, justement, réside le problème: la majorité des consommateurs tunisiens sont convaincus que la meilleure huile d’olive est exportée «pour avoir des devises».
La meilleure qualité des dattes mises sur le marché ( à des prix dépassant tout entendement) est le rébut de la récolte et elle est outrageusement mélangée avec les restes de la saison passée. Les meilleures dattes sont orientées vers l’exportation.
Le même raisonnement est valable pour les primeurs, légumes ou fruits.
Qui dit le contraire et qui devrait le dire ?
Personne.
Les organisations qui s’en occupent, font de la politique. Elles défendent les producteurs, non pas en favorisant leur future expansion, en contribuant à trouver de nouveaux marchés, à faciliter la vie de ces producteurs souvent en plein désarroi, mais en demandant des hausses de prix qui se répercuteront forcément sur le consommateur. Une spirale infernale qui finira par engloutir tout ce beau monde.
A-t-on jamais vu des spots pour vanter notre huile d’olive, nos dattes, nos agrumes, nos légumes hors saison et bien d’autres productions industrielles ou mécaniques ? Peut-être. Mais rarement. Il ne s’agit, donc, pas d’une politique, de vision prospective, mais de réaction circonstancielle obéissant à une quelconque opportunité. La voix n’est donnée qu’à ceux qui menacent d’arrêter la production, coupent les routes, déversent quelques cageots de pommes de terre ou de tomates. Des menaces qui sont immédiatement suivies d’un dérèglement systématique du marché, à la suite d’un siphonnage des rayons des grandes surfaces pour… prévenir une éventuelle interruption des livraisons.
A l’ère de la télévision qui franchit les frontières, nous voyons sur des stations étrangères, des marques qui vantent leurs produits. Elles visent les consommateurs locaux, mais aussi ceux de l’étranger. C’est si bien fait, que cela provoque le besoin de consommer, donc d’aller à la quête des producteurs où qu’ils se trouvent.
L’argent facile
Il faudrait quand même reconnaître que faute d’un suivi sérieux de la part de nos organismes de contrôle, ceux qui ne vivent que pour gagner de l’argent sans trop se fatiguer sont ravis de la situation. Dans un grand magasin, c’est une marque connue, nous avons relevé la présence de jus de fruits venant d’Arabie Saoudite et des biscuits provenant d’Egypte. Ces deux pays sont des pays frères, mais nous aurions aimé voir des produits autres que ceux que nous fabriquons sous des dizaines de marques et qui viennent bousculer ceux qui peinent à s’imposer au vu de l’exiguïté du marché. Un importateur saoudien ou égyptien ne s’avisera jamais à importer des jus et des biscuits de Tunisie. Parce qu’ils en fabriquent d’abord, mais aussi parce que leur prix ne sera jamais concurrentiel ensuite.
La question à un million se pose dès lors : comment ces deux produits sont-ils entrés ? En fraude pardi !
Où est le contrôle, non pas seulement aux frontières, mais par ceux qui devraient surveiller ce qu’on offre à consommer aux Tunisiens. Ces produits (c’est un exemple) sont-ils consommables ? Contiennent-ils des adjuvants interdits ? Ont-ils payé la douane ?
Il fut un temps où les documents sont passés au crible et toute marchandise illicitement introduite était saisie sur le champ.
Mortel pour la production locale
C’est ce genre d’agissement qui porte un coup mortel à la production tunisienne, laquelle peine à s’imposer et le fait de faire des recommandations, ne suffit pas pour que les choses changent. Il y a de ces habitudes qui ont la vie dure, surtout celles qui portent sur la consommation et le confort. On ne peut, de toutes les façons, donner des consignes sans prendre les dispositions qui s’imposent pour créer un milieu ambiant favorable, encourager l’expansion et pousser le consommateur local à aller découvrir les produits locaux.
Faute de quoi, cela débouche sur les crises que vivent les milieux du vêtement, du cuir et de la chaussure, de certaines industries qui commencent à s’essouffler. D’un côté, la fermeture du marché libyen qui offrait l’opportunité d’écouler une bonne partie de la production et, de l’autre, une ouverture sauvage des frontières, dont les conséquences ne seront pas du tout supportables. Nous savons, certes, que l’on commence à regarder de plus près ce qu’on importe. Mais c’est du marché informel qu’il s’agit. Et pour combattre ce trafic, il faudrait contrôler ce que vendent certains magasins sans avoir peur des noms, des marques ou des étiquettes. Déjà, nous sommes en plein dans la crise de la tomate. Cela fait combien de temps que nous avons des problèmes avec le client libyen ? Pourquoi n’a-t-on pas commencé à agir pour prévenir cette crise, du moins à en alléger les contrecoups ?
Encore une fois, on demandera à l’Etat… d’acheter des quantités pour sauver la situation. Il n’y a pas mieux comme bricolage !