QUAND un chroniqueur TV ou radio qualifie un homme politique d’ignorant ou de menteur, quand un ancien candidat à l’élection présidentielle s’adresse au Chef de l’Etat pour commenter ses déclarations en lui refusant d’exercer son droit à la parole, lui signifiant que ses prérogatives lui interdisent d’évoquer telle ou telle question et quand, enfin, un leader politique se permet de révéler, en détail, aux médias le contenu d’une rencontre à laquelle son parti a été invité par le Président de la République en insistant, en prime, sur ce que le Chef de l’Etat a demandé aux présents à la même réunion, l’on est en droit de se poser la question suivante: jusqu’où ira la détérioration, de jour en jour, du discours politique ambiant produit aussi bien par les politiciens au pouvoir que ceux installés dans ce qu’ils appellent eux-mêmes l’opposition, dans l’attente de postuler aux postes de commandement ou de direction ?
De plus, quand nos politiciens saisiront-ils qu’il existe un seuil d’indécence qu’il importe de ne jamais dépasser dans la mesure où il deviendra difficile, voire impossible, d’entretenir une vie politique ordinaire dans une ambiance empoisonnée où les insultes, les accusations gratuites, les soupçons de corruption et les affirmations de dépravation supplantent le dialogue, la compréhension, le respect mutuel, la coexistence et la tolérance ?
Malheureusement, à la faveur des convulsions qui marquent actuellement le paysage politique national consécutives à la naissance difficile et éprouvante du gouvernement Hichem Mechichi, notre élite politique, toutes tendances confondues, et aussi — ayons l’honnêteté de le reconnaître — civile et médiatique (sans oublier les réseaux sociaux sur lesquels personne n’a d’emprise de quelque nature que ce soit, même si certains sites sont réputés financés par des partis ou lobbies) semble ou plus précisément fournit quotidiennement la preuve qu’elle est tombée dans l’irréparable et que rien n’empêche plus désormais nos politiciens de gauche ou de droite et aussi nos experts autoproclamés d’user de tous les stratagèmes imaginables dans le but d’atteindre leurs objectifs, d’imposer les agendas des partis pour lesquels ils s’activent et de faire triompher les intérêts qu’ils sont censés servir aux dépens de la primauté de la loi, du respect du droit et de la consécration de la concurrence loyale.
On dit que lors des compétitions électorales, il est légitime de tout faire pour s’imposer et faire valoir ses idées et ses programmes, sauf qu’on oublie qu’il existe des règles à respecter scrupuleusement, plus particulièrement dans les étapes de transitions démocratiques qui ont besoin, pour réussir, d’hommes et d’institutions qui peuvent s’élever à la hauteur du moment ou de l’instant historique que commandent ces mêmes transitions.