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Gouverneurs ou simples fonctionnaires ?

Les cours vont reprendre demain à Sousse après la décision (la deuxième du genre) de la gouverneure de la région. Après avoir décrété un arrêt des cours pendant deux semaines, marche arrière et délai raccourci sur fond de mécontentement des enseignants. A Sousse, le Covid-19 frappe fort, les gens ont peur pour leurs enfants, les enseignants pour leur santé. Alors pourquoi cette polémique et ce revirement de la part de la solide gouverneure de Sousse ?

Apparemment, une pression exercée par le ministre de l’Intérieur et le Chef du gouvernement, le premier décideur. Dans cette affaire, une seule chose nous intrigue : jusqu’à quand des décisions et des contre-décisions et jusqu’à quand va-t-on hésiter à prendre les mesures qu’il faut ?

Là, on parle de la forte délégation de pouvoirs donnée aux gouverneurs des 24 régions, et selon laquelle, avec tous les pouvoirs constitutionnels et exécutifs mis à leur disposition par la loi, ils ont une grande et conséquente marge de manœuvre. Ils représentent le Chef de l’Etat et le Chef du gouvernement, pratiquement tout dépend d’eux dans leurs régions. Et dans ces circonstances contraignantes, ils doivent, par souci d’efficacité, réagir vite et éviter que les choses se dégradent. Malheureusement, Mme la gouverneure a subi une forte pression à l’image de tous les gouverneurs placés après 2011. Harcelés par les citoyens, les organisations de la région, par tout le monde, ils sont souvent entre le marteau et l’enclume.

Des pouvoirs «énormes» en théorie, mais la réalité est tout autre. Ils décident, mais sont sous une classique et pressante autorité bureaucratique du centre. C’est-à-dire que ce sont des hauts fonctionnaires qui , hélas, se transforment en simples exécutants de ce que le gouvernement décide même dans le domaine opérationnel. Cela coûte cher en qualité de décisions, en réactivité et, par-delà tout, en crédibilité de ces gouverneurs et de l’Etat. Dans les régions, le gouverneur est en face du citoyen, il est le représentant suprême de l’Etat.

Il est censé connaître mieux que quiconque tout ce qui se passe dans sa région, et donc être le premier placé pour résoudre les problèmes et les anticiper aussi. De grâce, libérez les gouverneurs de ces diktats de l’autorité bureaucratique du gouvernement et arrêtez cette fâcheuse schizophrénie de l’Etat.

D’une part, un code des collectivités locales qui libère les conseils municipaux et régionaux avec des pouvoirs élargis, et, de l’autre part, des gouverneurs otages du centre hiérarchique qui décide quasiment de tout. Résultat, une hésitation qui va encore compliquer les choses et nourrir la suspicion, comme c’est le cas de ce qui s’est passé à Sousse.

La gouverneure a joué son rôle, c’est-à-dire en tant que responsable autonome et doté de pouvoirs et moyens pour décider, mais après, le jeu de la bureaucratie, la pression du terrain l’ont dissuadée. En ces temps de Covid-19, la priorité est pour des décisions rapides et justes, la priorité est pour plus de «spécificité régionale» sans s’écarter de la politique du gouvernement. Mais contraindre la marge de manœuvre des gouverneurs n’est pas une bonne chose. C’est très nocif pour le fonctionnement de l’Etat sur le terrain. Décentraliser, ce doit être quelque chose de concret et de facile à appliquer, et non de simples slogans qui tombent à la moindre épreuve. C’est ainsi qu’on va protéger les gouverneurs et leur donner plus de respect et de fiabilité auprès des citoyens et institutions de leurs régions.

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