Les Keffoises ne manquent pas de volonté et la région s’est manifestement inscrite dans une dynamique visant la valorisation d’un patrimoine artisanal jalousement sauvegardé.
Derrière les couleurs et les formes, résident tous les secrets de l’art du klim keffois. Un voyage au bout d’une créativité artistique s’inspirant de la beauté de la nature de cette région, perpétuant ainsi des rites ancrés dans le temps et formant une entité intimement liée avec ce produit fabriqué à la main, avec passion et amour.
«Je travaille en chantant et le Klim c’est ma vie», révèle l’une des participantes primée à l’occasion de la première olympiade du klim keffois organisée sous le patronage de Habib Ammar, ministre du Tourisme, par l’Office national de l’artisanat (ONA) en partenariat avec l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), ce lundi 26 octobre.
Cet événement, organisé pour la première fois à l’échelle régionale, contribuera à la valorisation de ce produit, tant au niveau de l’authenticité qu’au niveau de la qualité.
Ce n’est pas tout, on veut faire du Kef un pôle national voire international du Klim artistique.
C’est que les keffoises ne manquent pas de volonté et la région s’est manifestement inscrite dans une dynamique visant la valorisation d’un patrimoine artisanal jalousement sauvegardé.
Charme envoûtant du klim keffois
Occupant environ 350 mille artisans, dont 83% sont des femmes, le secteur de l’artisanat en général est d’un apport considérable pour le développement régional, notamment dans les régions déshéritées, grâce au coût modéré de la création d’emplois et du caractère diffus de cette activité, fait savoir le président-directeur général de l’Office de l’artisanat, Faouzi Ben Halima. «Les artisanes du klim keffois évoluent à l’ombre d’une civilisation multimillénaire ancrée dans l’histoire. Leurs mains habiles savent allier la subtilité du génie créatif à la magie des formes et des couleurs qui se traduisent par des pièces sublimes et raffinées», souligne-t-il dans la préface d’un petit livre publié à cette occasion.
L’objectif est de créer le maximum de prototypes et de les commercialiser aussi bien sur le plan national qu’international, ce qui va contribuer à créer d’autres emplois.
Toute une campagne de communication va être organisée avec le concours de l’Onudi pour aider à commercialiser ces produits.
Le klim keffois s’invitera à toutes les manifestations nationales et à l’Etranger en 2021, nous fait savoir Faouzi Ben Halima dans sa déclaration.
L’olympiade du klim du Kef permettra assurément de découvrir les artisanes ayant un haut niveau technique et qui peuvent ainsi contribuer à la réalisation des actions futures de formation, d’apprentissage et d’encadrement technique programmées dans la spécialité, déclare pour sa part le directeur de développement des compétences, Zied Zaoui.
Et d’ajouter que cette compétition vise à «accroître l’attractivité des professionnels, des jeunes promoteurs, des créateurs et des investisseurs à l’égard de ce nouveau produit». En d’autres termes, c’est un pari gagnant-gagnant en matière d’employabilité.
Les jeunes montent au créneau, mais…
De plus en plus, les anciens se font détrôner par les jeunes, comme ce fut le cas pour ce premier concours professionnel malgré la rétention des jeunes à l’égard de ce secteur. L’authenticité n’est pas seulement l’apanage des anciennes générations. Le défi est donc lancé et les jeunes, notamment la gent féminine, n’ont pas hésité à le relever de la meilleure façon.
C’est le cas de Chaïma Ben Ali qui vient de glaner le premier prix à l’occasion de la première olympiade. Originaire de la ville de Tajerouine, qui se trouve à plus d’une trentaine de kilomètres au sud du Kef, et après l’obtention d’’un master en management de la performance industrielle en 2019 à l’Iset, Kairouan, elle a préféré se consacrer à la confection du klim, en s’appuyant sur le savoir-faire de sa mère bien évidemment.
Dans sa déclaration à notre journal, elle déplore, toutefois, le manque d’une main-d’œuvre qualifiée dans la région, le peu de moyens dont disposent les jeunes et relève certaines difficultés d’ordre financier. «S’il est mal payé, le jeune tournera le dos à la confection du klim», regrette-t-elle.
Le deuxième prix a été décerné à Saïda Yakoubi et le troisième à Jalila Brini, elle aussi originaire de Tajerouine, deux habituées des compétitions.
Jalila nous explique qu’en dépit de la propagation de la pandémie, le travail continue. Elle soulève à son tour des problèmes en rapport avec la commercialisation du produit et le transport coûteux de la matière première (la laine) de Sousse au Kef, ainsi que le manque de la main-d’œuvre et le refus des jeunes de s’intégrer dans ce secteur.
Elle termine toutefois sur une note positive avec un sourire envoûtant dont seules les keffoises connaissent le secret: «Je chante toujours quand je travaille, c’est un pur moment de bonheur et de libération de stress. La fabrication du Klim est toute ma vie», conclut Jalila.
Ce n’est qu’un début
Des partenaires régionaux, nationaux et internationaux ont soutenu les efforts de l’Office national de l’artisanat dans la mise en œuvre de cette initiative.
A cet effet, il y a lieu de citer l’Association de sauvegarde et de développement de la Médina du Kef, le projet Créatif Tunisie, la fédération nationale de l’artisanat. La promotion du klim keffois, mais aussi et surtout son exportation hors de nos frontières est presque assurée.
Des entreprises privées en France et en Italie sont déjà en contacts avancés avec l’Office pour établir un partenariat durable qui favorisera un positionnement solide au niveau des marchés internationaux.
Il est à signaler que l’ONA a également l’intention d’organiser d’autres sessions prometteuses dans d’autres régions du pays, mais pour cela il faut que les artisans se manifestent et ne se contentent pas de se calfeutrer dans leurs petits ateliers, se limitant à des petites ventes sans chercher à évoluer, exporter leurs produits. Ils sont appelés à s’insérer dans une nouvelle dynamique de production et de développement.