Historiquement, la langue a toujours été une combinaison entre l’identité d’un peuple et de sa liberté. Dans le passé, la conscience de la grandeur de son patrimoine culturel a conduit à l’imposition de sa culture à un peuple considéré comme inculte, non civilisé. Un exemple est l’hellénisation forcée de certains peuples de l’Ancien Proche-Orient par Alexandre le Grand.
Il comprenait l’imposition du grec aux peuples dominés, c’était donc une sorte de « mondialisation culturelle » ante litteram qui limitait inévitablement le développement autonome des traditions culturelles indigènes de ces peuples.
Aujourd’hui, la langue est la preuve de la grandeur de la culture à laquelle elle appartient, du respect et de la sauvegarde du patrimoine culturel et donc linguistique de chaque peuple. Cependant, ce dernier concept a été mis à l’épreuve par la mondialisation et l’imposition de l’anglais comme langue universelle. Mais nous pouvons dire que, en général, tout au long de l’histoire, les tentatives d’imposer un Koinè (langue) unique ont échoué, précisément parce que chaque langue est liée à la culture spécifique d’un peuple (par exemple, tenter d’imposer l’espéranto comme une seule langue).
Une langue ne peut être comprise que si elle est contextualisée, c’est-à-dire examinée en référence à un contexte historique donné, et si elle est décontextualisée d’une civilisation et du rapport avec les personnes qui l’utilisent. La relation entre la culture d’un peuple et la langue est, en tout cas, une relation implicite pour le simple fait que la culture se transmet précisément par la langue (écrite ou orale). C’est pour cela que chaque langue dans son évolution accompagne l’histoire de la nation et les gens qui la parlent, jusqu’à sa dissolution : une langue morte, qui n’est plus utilisée comme outil de communication, coïncide souvent avec la fin ou l’évolution d’une civilisation (par exemple le latin et le grec comme langues tombées en désuétude marquant la fin de ces civilisations spécifiques).
A ce stade, nous arrivons à la pensée de Millet, le linguiste français qui dit : «Une langue est valable non pas parce qu’elle est l’organe d’une nation, mais parce qu’elle est l’instrument d’une civilisation».
Mais les linguistes, en plus de réfléchir sur le lien étroit entre la langue et la culture, ont commencé à réfléchir sur le concept de «langue comme médiateur de la culture». Autrement dit, la culture serait même conditionnée par la langue. Cette dernière, en effet, en plus d’être un moyen d’exprimer la réalité, en impose une vision, puisque chaque langue fournit des catégories (évidemment différentes selon la langue) par lesquelles la pensée de l’individu est canalisée dans l’acte de communication. Aussi, en ce qui concerne le lien Histoire culturelle d’un Pays/langue, nous allons voir comment la langue elle-même (avec ses particularités et spécificités) renforce le sentiment national. Par exemple, en Italie, un pays qui s’est uni très tard politiquement, le langage vulgaire (de volgus/peuple et donc populaire) était l’instrument de l’unité nationale d’un point de vue culturel.
En plus d’être examinée par son développement au fil du temps, la langue peut également être examinée à un moment donné, en mettant l’accent sur son étendue géographique. Dans ce dernier cas, elle nous fournit des informations sur les relations entre les peuples, parce que les personnes ayant le plus grand prestige dans une société sont celles qui savent comment faire rayonner leur culture et leur langue transférant le plus de prêts aux autres langues. C’est le cas de l’anglais américain, qui offre aujourd’hui de nombreux prêts linguistiques, en particulier dans le domaine des technologies de l’information, ou encore du français ou de l’espagnol.
Bref, oui aux prêts linguistiques, mais aussi oui aux particularités de nos langues, qui filtrent beaucoup d’informations sur la vie, les traditions historiques et la culture des peuples, comme c’est le cas pour la langue tunisienne, souvent dénigrée, sous-estimée et reliée au statut de dialecte.
David Kacem
1 novembre 2020 à 13:52
Oui, la langue tunisienne n’est qu’un simple dialecte qu’on ne ni lit ni écrit. On demande à un Tunisien ce qu’il/elle parle. Automatiquement « l’arabe », ce qui n’est pas vrai. Même les intellectuels l’ignorent, tout simplement parce qu’on veut appartenir à la culture arabe. Le pauvre petit Tunisien, á sa naissance, apprend un dialecte mélangé de français, arabe, espagnol, italien, turc, etc. À l’école on essaye de lui apprendre l’arabe puis le français pour proposer une 3ème langue plus tard. Le resultat est qu’aujourd’hui la plupart des Tunisiens ne maîtrisent aucune de ces langues, sauf la génération de Bourguiba, bien sûr! À quand élaborer une langue tunisienne ou se décider à une langue d’enseignement, sans trop penser au nationalisme inventé?