Accueil A la une Dr. Slim Masmoudi, Professeur de Psychologie Cognitive à l’Université de Tunis à la presse L’attitude Covid-Divoc : un nouveau-né voit le jour…

Dr. Slim Masmoudi, Professeur de Psychologie Cognitive à l’Université de Tunis à la presse L’attitude Covid-Divoc : un nouveau-né voit le jour…


Le stress est un concept débarras qui indique un vague sentiment de tourment, surtout face à la pandémie de la Covid-19 pour un bon nombre d’entre nous.  Afin de comprendre les défis psychiques causés par la pandémie, et les solutions intelligentes pour y remédier, nous avons interviewé le psychologue Slim Masmoudi, professeur de psychologie cognitive à l’Université de Tunis. Nous avons sollicité Dr. Masmoudi sur les effets psychologiques du nouveau concept «Attitude Covid-Divoc», qu’il a développé, sur la population tunisienne. Interview.


•De quoi avons-nous besoin pour mieux gérer la crise de la Covid-19 sur le plan psychologique ?

Les études montrent que la résilience est au cœur de notre bonne gestion face à cette crise sanitaire. Par ailleurs, les travaux comme ceux de Cao (The psychological impact of the Covid-19 epidemic on college students in China) et ses collaborateurs, celui de Mario R. Paredes, sont des travaux qui portent sur les effets psychologiques de la pandémie Covid-19.  Ces études montrent clairement comment nous  nous adaptons rapidement à penser positivement et à nous centrer sur les opportunités à saisir face aux difficultés.

•Comment avez-vous eu l’idée d’introduire le concept de «l’attitude Covid-Divoc» ?

Les études que j’ai effectuées pendant la période Covid-19, et, bien sûr, ma connaissance de l’importance de la résilience, m’ont inspiré ce concept. Je rappelle que la résilience est un trait de la personnalité. Elle permet d’être à la fois fort et flexible pour faire face aux situations difficiles et défiantes et s’adapter avec aisance. Comme nous allons le voir, l’attitude Covid-Divoc est un composé de caractéristiques qui se trouvent en nous et que nous pouvons développer pour nous adapter efficacement à la pandémie. Je rappelle aussi qu’avec une équipe de psychologues et de spécialistes en Intelligence Artificielle, j’ai conçu l’application http://9awiny.rnu.tn. Son objectif est justement d’aider les citoyens à augmenter leur résilience.

•C’est quoi l’attitude Covid-Divoc ?

La résilience est un trait de personnalité qui consiste donc à pourvoir faire face avec force et flexibilité à la fois aux situations difficiles qui exigent de notre part une adaptation assez rapide. Nous sommes tous plus ou moins résilients, et ça peut s’améliorer. Ce sont justement les situations difficiles qui forgent notre résilience. En conséquence, quelqu’un, qui ne passe pas par des défis et des crises, ne peut pas développer une bonne résilience. Pour être résilient, il faut d’abord accepter de passer par des moments difficiles qui vont nous former et nous forger, et  de développer un état d’esprit. C’est pour cette raison que j’ai pensé à introduire ce concept.

Pour gérer intelligemment la crise pandémique et la transformer en opportunité avec cette attitude, il faut développer son initiative, sa volonté, son ouverture, et son esprit collaboratif. Tous ces moyens psychologiques sont bons pour développer cette attitude positive et productive. D’abord, il est nécessaire d’avoir un esprit développeur pour ne pas être centré sur les faiblesses mais plutôt sur les forces et les trajectoires d’avancement. Être orientés vers le développement de ses qualités et compétences nous occupe, nous met en continuité dans une dynamique de découverte, et nous positionne sur une échelle de progrès. Cela facilite notre valorisation de soi. Donc, je développe, je me développe et je valorise mon progrès aussi petit soit-il.  Ensuite, cultiver notre sens de l’initiative nous positionne en acteurs et non en personnes passives qui subissent. Ça peut commencer par de petites initiatives : aider autrui, résoudre un problème, organiser un événement ou une rencontre, entamer une action particulière, etc. Pour développer ces initiatives, il faut simplement faire une lecture des besoins dans son environnement et se poser la question : de quoi a-t-on besoin dans telle situation et dans telle condition spatio-temporelle ? Lorsque nous créons une initiative, nous devons valoriser nos erreurs et nos échecs et ne pas en avoir peur. Il faut être dans une dynamique d’apprentissage.

Améliorer notre volonté nous permet d’être toujours motivés pour avancer. Nous le faisons en étant attirés par les changements positifs que nous pouvons créer, aussi minimes qu’ils soient, et en cherchant à rendre les autres heureux, actifs et productifs. Voir les autres évoluer dans cette dynamique nous motive aussi et nous aide nous-mêmes à être dans cette même dynamique, comme voir son fils, son étudiante ou son ami évoluer. Pour augmenter cette volonté, rappelons-nous de nos points forts et de nos histoires de réussite. Soyons toujours centrés sur ce qui marche et non sur ce qui ne marche pas.

Le développement de notre ouverture également nous permet d’accepter l’autre, les nouvelles expériences, de co-agir avec la différence, et de prendre les obstacles et les défis comme de nouvelles opportunités d’apprentissage et d’amélioration. Paradoxalement, revenir à sa famille en tant qu’espace où se ressourcer permet de développer son ouverture. La famille est une bonne ressource pour la résilience. Et lorsque nous sommes bien ressourcés, nous pouvons nous ouvrir sur d’autres sphères et d’autres expériences. S’ouvrir, c’est se dire qu’il y a toujours autre chose à voir, faire, écouter, etc.

Enfin, développer son esprit collaboratif permet de co-construire avec l’autre, bien gérer la différence avec autrui, et augmenter l’éventail des réussites et des découvertes. Collaborer permet d’évoluer en équipe et de produire ensemble. Même si nos compétences pour travailler ou évoluer avec les autres sont à améliorer, collaborer reste toujours la meilleure façon de les développer. Il faut juste ajouter dans son esprit la possibilité d’avoir et d’accepter quelques échecs.

•Quel est son impact sur la psychologie de l’Homme ? Diminue-t-elle les burnouts ?

Dans un article très récent intitulé «La nature et le traitement de la détresse psychologique liée à la pandémie», William C. Sanderson et son équipe ont reconnu que la crise Covid-19 a créé une «pandémie de santé mentale» dans le monde entier. Cette pandémie psychique est encore plus néfaste que la pandémie elle-même. Ainsi, améliorer son bien-être mental permet de mieux gérer la situation pandémique. Justement, l’attitude Covid-Divoc permet d’améliorer son bien-être mental. Elle peut être considérée d’ailleurs comme une solution cognitive-comportementale (un équilibre et une symbiose entre ce que nous pensons et ce que nous faisons) pour mieux être et pour augmenter sa productivité.

Et comme cette attitude augmente aussi la résilience, cette capacité à s’adapter et faire face aux difficultés, elle impacte positivement nos émotions, et notre vie psychologique en général. Dans ce sens, elle diminue les risques de vivre un épuisement professionnel (burnout), puisque ce dernier survient lorsqu’on est submergé et surpassé, ou lorsqu’on souffre de vide et d’absence d’activités. Cette attitude nous procure ainsi un sentiment fort de mieux contrôler les choses, que les psychologues appellent le « locus de contrôle perçu » (le lieu de contrôle que je perçois sur la situation que je vis, c’est moi ou c’est quelqu’un d’autre) Ainsi, lorsque nous percevons notre capacité à contrôler la situation (par l’initiative, la volonté, l’ouverture, et la collaboration), notre épanouissement augmente et notre productivité aussi, et la probabilité de notre épuisement professionnel diminue considérablement.

•Quels sont ses effets sur l’attitude humaine?

Bien que les attitudes humaines soient multiples et diverses, on peut les résumer en deux grandes attitudes : une attitude positive et productive, et une attitude négative et non productive. Covid-Divoc nous met dans une dynamique positive (joie de faire, d’ajouter des choses, de collaborer, de commencer quelque chose de nouveau) et productive (plaisir de créer des résultats, d’avancer et de faire des progrès mesurables). Elle rend l’humain vraiment épanoui et productif.

•Comment gérer intelligemment la crise pandémique et la transformer en une opportunité?

Fréquemment, les médias tunisiens et dans le monde aussi, en majorité, parlent des pertes, des morts, des cas, des problèmes, des situations catastrophiques, etc. On oublie ce que la pandémie nous fait découvrir pour mieux avancer et évoluer. Cela a deux effets négatifs opposés et simultanés : diffuser chez quelques-uns la peur, augmenter l’anxiété et augmenter la haine ; et créer chez d’autres une familiarisation avec les mauvaises nouvelles, une augmentation de l’indifférence et une augmentation des comportements imprudents.

•Mais n’y a-t-il pas une autre stratégie de communication plus efficace et réaliste, à convenir par tous les intervenants ?

Oui. Cette stratégie envisage de présenter des réussites dans le respect des procédures et dans la recherche de solutions en Tunisie et dans le monde. Elle permet d’encourager les solutions collectives, c’est-à-dire parler au fonctionnaire responsable et faire connaître les résultats tangibles. Elle offre aussi l’amélioration du niveau des dialogues et des interrogations vers des approches scientifiquement documentées et orientées données. Les médias doivent surtout éviter « d’alerter » et d’agiter les combats et les conflits et se centrer sur ce que nous pouvons construire ensemble.

C’est généralement quand nous avons de nouveaux besoins que nous développons de nouvelles solutions qui nous procurent plus de bien-être et plus de possibilités. La situation pandémique a créé de nouveaux besoins, comme travailler à distance, trouver de nouvelles façons de collaborer, faire ses courses autrement, apprendre autrement, se soigner autrement, etc. Tous ces besoins sont vraiment de vraies opportunités pour développer de nouvelles solutions. L’attitude Covid-Divoc va exactement dans ce sens.

•Est-elle capable de développer la volonté de la personne ?

Tout à fait, cette attitude est une bonne façon d’être motivé et attiré par l’action et le changement. Ce qui augmente notre volonté, c’est d’avoir une rétroaction positive, c’est-à-dire un feedback positif et valorisant. Ça peut être un résultat que nous atteignons, un encouragement venant d’un collaborateur, etc. Recevoir une rétroaction positive sur un travail bien fait nourrit également un sentiment de compétence, qui cultive une volonté de progresser, qui renforce le comportement de persistance ainsi que l’endurance, calme les réactions physiologiques d’anxiété ou de stress, et inspire des expressions que l’on dit à soi-même, comme «c’est amusant», «c’est super», etc. La volonté, ce sentiment intérieur de vouloir agir, de maintenir son action ou de la finir, se trouve ainsi améliorée grâce à l’épanouissement qui va être créé par cette attitude.

•Cette attitude est-elle productive ?

Absolument. L’initiative aide à avancer et produit de nouvelles conditions. Elle est donc productive. Vouloir faire et agir produit de nouvelles actions et maintient le rythme des résultats. Elle est donc productive. S’ouvrir aide à découvrir de nouvelles conditions, situations. Elle est donc productive. Collaborer permet de produire avec l’autre et créer l’épanouissement collectif. Elle est donc productive.

•Quel est son impact sur le comportement humain ?

Avec l’attitude Covid-Divoc, le comportement se trouve régulé, c’est-à-dire mis dans un équilibre entre l’offre et la demande de l’environnement et l’offre et la demande de l’individu. La régulation est ce qui permet de rendre n’importe quelle situation productive et épanouissante à la personne et à son entourage. Avec l’esprit de développement de ses compétences, et même de ses intérêts, cette attitude permet d’avoir un comportement efficace. Prendre l’initiative permet d’avoir un comportement anticipatif et efficient (bien construit de l’intérieur).

Avoir la volonté maintenue permet d’avoir un comportement autonome et riche en valeurs personnelles. Avoir l’ouverture permet d’avoir un comportement flexible et évolutif. Avoir un esprit collaboratif permet d’avoir un comportement adapté, riche, varié, et surtout pluriel, car il prend en compte les idées des autres. Ainsi, cette attitude permet de mieux gérer la situation pandémique actuelle et toute situation de crise. Elle peut même nous aider à gérer les incompétences des gens qui nous entourent ou des décideurs qui gèrent mal cette même situation.

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