«Patientes » est un recueil de nouvelles écrit par Hayet Barbouch-Safraoui qui rend hommage à ces monuments de patience, à ces Djerbiennes fortes et rebelles et leur vécu après la Seconde Guerre mondiale.
L’île de Djerba est encore bourrée de trésors inexploités de notre patrimoine, certes, mais aussi de notre histoire récente qu’on retrouve dans les récits oraux des vivants. Des récits que l’écrivaine Hayet Barbouch-Safraoui a gardés dans les mémoires narrées par ses tantes, sa mère ou sa grand-mère. Des récits qui n’ont rien d’imaginaire ou de mythologique, mais des récits tirés de la réalité de l’île de Djerba après la Seconde Guerre mondiale. Des histoires de femmes qui ont porté sur leurs épaules une partie de l’Histoire moderne de cette île. Des femmes qui ne portent pas de noms célèbres, mais elles s’appellent Jamila, Khadija ou Temna et auxquelles l’auteure a voulu rendre hommage à travers ces trois nouvelles qui constituent ce recueil. «Il s’agit d’histoires puisées dans le réservoir réel de la réalité djerbienne, dit Hayet Barbouch-Safraoui, J’ai voulu crier sur le papier tout ce que ces femmes n’ont pas osé dire à l’époque. Un recueil que je dédie à toutes ces patientes, à ces femmes rebelles qui ont lutté pour leur dignité et leur liberté. Je le dédie aussi à toutes les mères battantes et courageuses qui ont donné à ce pays des générations de médecins, d’avocats et de gens éclairés».
Qu’on soit avec Jamila dans l’attente de son homme qui travaille à l’étranger, avec Khadija qui a tout donné pour deux fils dont l’un est devenu architecte et l’autre a fini par quitter le pays clandestinement, ou bien avec Temna qui, malgré des conditions sociales très difficiles et une pauvreté cruelle, arrive à trouver des solutions pour nourrir ses petites bêtes et lancer ce qu’on appelle aujourd’hui sa «petite entreprise», on est emporté dans ces récits dans un univers qui nous semble étrange et beau. Beau parce qu’il y a un sens inouï du sacrifice que seules les femmes et surtout les mères d’entre elles peuvent faire. Des récits qui devraient peut-être étonner notre nouvelle génération qui n’a pas vécu une période si triste de l’histoire de la Tunisie et où la femme n’avait aucune législation pour la défendre. Car ces histoires que l’auteure nous raconte se passent après la Seconde Guerre mondiale dans une Tunisie encore sous le joug du colonialisme et du patriarcat. Ce qui caractérise aussi les récits de Hayet Barbouch-Safraoui c’est aussi son sens dépouillé du récit car elle arrive à nous mettre très vite dans la peau de ses personnages et à nous faire plonger dans l’inquiétude, voire dans le tourment qu’elles vivent.
Un hommage pour les battantes de l’île des Lotophages, trop célèbre par ses mythes et ses mythologies… Les mères djerbiennes de cette époque méritent aussi d’être sur le podium.