Par Fadhel Abdelkefi *
Sur le temps long, je considère que la Révolution tunisienne vient clôturer un chapitre ouvert en mars 1956. A l’indépendance de l’Etat a succédé celle des individus, à la souveraineté nationale s’est désormais ajoutée la liberté des citoyens. Une liberté pleine, complète, donnant parfois dans l’excès, mais une liberté que nous devons savourer et apprécier. Une liberté née de la révolte de ceux qui ont été coupés de la croissance et du partage d’une prospérité relative.
Une liberté qui est menacée car le peuple tunisien questionne désormais ses bienfaits et ses mérites. Que vaut la liberté d’expression et de conscience si le quotidien est une corvée et surtout si l’avenir de nos enfants est assombri par le manque de perspectives.
Les processus révolutionnaires sont rarement de tout repos pour les peuples, mais ils sont nécessaires pour que les souffrances ne soient pas vaines.
La décennie qui s’achève a permis de confirmer le processus démocratique, en témoignent l’alternance pacifique du pouvoir et la réussite des dernières élections. Il reste évidemment des éléments à améliorer dans le fonctionnement démocratique tels que la loi électorale, celle des associations et des partis politiques et leur financement.
Désormais, l’enjeu majeur de la décennie à venir porte sur la conquête de la prospérité pour tous. L’une des principales leçons à tirer de la révolution de 2010 est qu’un régime sans prospérité partagée ne peut tenir dans le temps. Le cœur battant de chaque société et son véritable baromètre résident dans sa classe moyenne.
Ainsi, je considère que le dynamisme d’un pays est déterminé selon qu’il sera confiant dans l’avenir ou au contraire en proie au pessimisme. Je ne m’étendrais pas sur le diagnostic et les constats, notre situation est alarmante mais pas désespérée. Néanmoins, lorsque ceux qui travaillent, qui entreprennent, qui empruntent pour éduquer leurs enfants se mettent à douter, alors c’est l’ensemble de notre société qui est en danger.
Notre projet politique est de nous tenir aux côtés de ces Tunisiens dont tous les indicateurs montrent que leur seul souci est de savoir comment et quoi faire face à la dégradation de leur pouvoir d’achat au quotidien
Je considère que le rôle premier du politique est de dire la vérité sur la situation du pays, de donner des pistes d’amélioration, de proposer des solutions pratiques et donner de l’espoir, ainsi, je me dresse fermement contre l’auto-flagellation ambiante dans notre pays.
Notre pays a plus d’une carte à jouer dans le grand jeu international. Nous devons être un hub éducatif et en termes de santé pour nos voisins subsahariens. L’excellence de nos ingénieurs et de nos techniciens n’est plus à démontrer, nous pouvons attirer des entreprises à haute valeur technologique et devons créer à leur suite des chaînes de valeur profitant à l’économie nationale.
Notre agriculture est l’un des piliers sur lesquels doit reposer notre développement: les centaines de milliers d’hectares mal exploités doivent être mis à la disposition de notre jeunesse et intégrés dans un écosystème ayant pour objectif d’atteindre notre autosuffisance alimentaire et la compétitivité sur les marchés internationaux.
L’heure est à l’effort, à la créativité et à l’optimisme, malgré les aléas et les vicissitudes, nous devons désormais ancrer cette démocratie et démontrer qu’elle peut être synonyme de prospérité et de partage pour tous.
F.A.
(*) Président de Afak Tounes