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Partis politiques : A la conquête de la rue

Les appels à manifester dans la rue se multiplient. Pour le parti Ennahdha, il s’agit de «protéger la Constitution et la démocratie», pour l’opposition il est plutôt question de fustiger le système politique en place. Dans les deux cas de figure, on s’oriente vers l’escalade au moment où seuls le dialogue et les compromis peuvent résoudre la crise.

Contesté et sévèrement critiqué  par des dirigeants nahdhaouis dont le nombre ne cesse d’augmenter au fil des ans, menacé par une nouvelle motion de censure au sein de l’ARP qui a déjà glané 103 voix selon le député du Bloc démocrate Ridha Zoghlami, et repoussant toujours la date du congrès dudit parti aux calendes grecques, Rached Ghannouchi est en train de jouer ses dernières cartes en donnant son aval pour descendre dans la rue le 27 février. L’objectif déclaré est de  «protéger la Constitution et la démocratie et accélérer les réformes de développement en faveur des jeunes et du peuple». Au demeurant, ce n’est qu’une stratégie de fuite en avant, ponctuée par des appels au dialogue qui s’apparente beaucoup plus à des manœuvres dilatoires.

Mobilisation de la rue

Les appels à la mobilisation de la rue en ces temps de crise ne font que refléter la crispation et l’envenimement des relations entre une coalition politique défendant farouchement le Chef du gouvernement Mechichi et une autre qui tente de pousser ce dernier vers la porte de sortie et faire passer la motion de censure contre l’actuel président de l’ARP. Les prochains jours risquent d’apporter du nouveau sur la scène politique, mais Rached Ghanouchi, appelé à maintes reprises à démissionner par d’anciens compagnons de route, n’entend pas jeter l’éponge à 79 ans et s’échine à défendre l’indéfendable au point que certaines de ses récentes positions et déclarations ne sont guère  rassurantes et ne font qu’attiser la discorde.

La conquête de la rue est ouverte  comme le prouvent  la manifestation qui a déjà eu lieu  le 6 février dernier sous une forte «escorte policière» par des jeunes remontés contre le pouvoir en place, celle du Parti destourien libre (PDL) organisée à Sousse ce dimanche, et enfin  la manifestation programmée pour le 27 février prochain. A chacun ses slogans, ses objectifs déclarés et non déclarés et ses alliances géostratégiques, mais tous les partis évoquent l’intérêt national quand il est question de justifier la mobilisation  de la rue qui fait peur, disperse les forces vives, ravive les tensions  et qui rappelle les dernières années du parti au pouvoir  qui n’hésitait pas à pousser ses acolytes à lui manifester leur «soutien indéfectible», refusant d’entendre la voix du peuple.

Cependant, l’appel d’Ennahdha à une «marche nationale» n’a pas  vraisemblablement trouvé un écho favorable auprès de certains de ses membres, notamment ceux qui se sont démarqués de Rached Ghannouchi et font aujourd’hui partie du groupe des 100 qui refusent la mainmise totale et complète de ce dernier  sur le parti. Le député Samir Dilou s’est d’ores et déjà exprimé sur les ondes d’une radio privée sur cette question et a déclaré qu’il est contre la mobilisation de la rue et que dans les temps de crise il faut recourir au dialogue.

Des appels à la démission du président de l’ARP

Rached Ghannouchi refuse de se cantonner au «petit rôle» de président de l’ARP et semble ne pas s’inquiéter pour autant de la dégradation de la situation du pays sur tous les plans. La déclaration de trop fut indubitablement la suivante: «Nabil Karoui sortira de prison la tête haute et avec les honneurs». Tentative d’ingérence ou pression sur la justice? On ne sait trop à quoi riment ses propos. Mais il est indéniable que ses paroles, ses positions, son attachement à la présidence de l’ARP et de son parti ne favorisent en rien l’ancrage des principes d’une démocratie naissante.

Et c’est en toute logique qu’à  l’appel des 100 dirigeants de son parti lui signifiant leur refus de se présenter à un nouveau mandat, Ghannouchi  a répondu par un report du congrès. Au demeurant, ce qui compte le plus pour le président de l’ARP, c’est de ne pas ployer l’échine et contrer une «poussée vers la sortie»  concoctée par certains dirigeants qui ont fustigé sa  mainmise sur le parti dont Abdelfattah Mourou qui lui a demandé de «démissionner et de se retirer de la vie politique». Encore un énième appel qui tombera dans l’oreille d’un sourd.

Le dialogue est la seule issue

Eu égard à la gravité de la situation générale, certaines parties ont appelé au dialogue  pour désamorcer la crise et éviter le pire. L’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, qui a qualifié  la situation d’extrêmement grave, a appelé dans son communiqué relayé par la TAP à faire valoir le dialogue en vue de résoudre la crise politique, préserver l’intérêt national et œuvrer à la mise en place de la Cour constitutionnelle dans les plus brefs délais.

Une autre initiative de dialogue émanant de Rached Ghannouchi a été auparavant annoncée par le porte-parole du parti, Fathi Ayadi, pour dépasser la crise. Il s’agit d’une proposition de rencontre  entre les trois présidences. Malgré tout, cette initiative étonne de par son timing puisqu’elle coïncide avec  l’appel à descendre dans la rue le 27 février d’un côté, et de l’autre avec la rencontre de Rached Ghanouchi en sa qualité de président à l’ARP avec l’ambassadeurs des Etats-Unis à Tunis, ce qui a fait dire à certains observateurs que Ghannouchi  veut bénéficier du «parapluie américain». La question est de savoir pour qui serait le dernier quart d’heure.

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