Photo : Abdelfettah BELAÏD
A l’heure où les deux têtes de l’exécutif se disputent la légitimité, Ennahdha choisit de faire jouer sa carte, celle de la mobilisation de la rue. Avec la ferme volonté de faire une démonstration de force électorale et de sa popularité, le parti Ennahdha a réussi hier à mobiliser ses troupes avec près de 40.000 manifestants, selon la police. Mais Ennahdha n’était pas le seul parti dans la rue en ce samedi 27 février. Le Parti des travailleurs également a décidé de mobiliser ses troupes, de l’autre côté du centre-ville, plus exactement du côté du Théâtre municipal.
Avec la ferme volonté de faire une démonstration de force électorale et de sa popularité, le parti Ennahdha a réussi hier à mobiliser ses troupes. Le long de l’avenue Mohamed-V, ils étaient près de 40.000 manifestants pro-gouvernement, selon la police. La foule était immense et s’étendait sur deux kilomètre le long de la grande avenue Mohamed V. La foule compacte, se souciant peu des règles de distanciation sociale, donne de la voix en brandissant les étendards du parti, en agitant les drapeaux de la Tunisie et celui de Palestine. Le spectacle est impressionnant, et c’est d’ailleurs l’objectif du parti, qui comptait sur ses partisans pour montrer que son poids électoral était aussi important, voire plus important que celui du Président de la République, avec lequel le gouvernement est entré dans un bras de fer. Tout aussi impressionnant, le dispositif de sécurité déployé par le ministère de l’Intérieur pour empêcher tout débordement. Les principales rues qui mènent à l’avenue Habib-Bourguiba ont été verrouillées, avec des fouilles presque systématiques. Dès la matinée, la tension était palpable et beaucoup d’automobilistes ont été gênés par la fermeture de la capitale. Il faut dire que la police craignait le pire, et pour cause, Ennahdha n’était pas le seul parti dans la rue en ce samedi 27 février. Le Parti des travailleurs également a décidé de mobiliser ses troupes, de l’autre côté du centre-ville, plus exactement du côté du Théâtre municipal. Les forces antiémeutes ont formé un large cordon de sécurité, pour éviter que les deux groupes de manifestants s’affrontent.
Côté revendications, les partisans du parti Ennahdha ont scandé des slogans favorables au maintien du gouvernement Hichem Mechichi, soutenu par l’axe Ennahdha, Qalb Tounès, Coalition Al-Karama. «Unité nationale!» ont crié les manifestants pro-gouvernement. Mais très vite, d’autres slogans prennent le dessus. “Le peuple veut Ennahdha de nouveau!”. Un slogan qui veut tout dire. «Ennahdha n’acceptera jamais qu’on la marginalise», nous confie l’un des sympathisants du parti. «Kaïs Saïed et les autres souhaitent nous voir disparaître, mais ils ne verront jamais ce jour-là», ajoute-t-il.
Même ton du côté du chef historique du parti, Rached Ghannouchi, qui continue à galvaniser les foules du haut de ses 79 ans. «Bien que certains appellent à l’exclusion d’Ennahdha, nous, nous restons ouverts à tous».
Evitant un discours clivant, Rached Ghannouchi a appelé à l’union nationale et à l’importance de mener des réformes profondes. Dans son allocution, le président du parti a réitéré son appel au dialogue.
A quelques mètres de là, le Parti des travailleurs, mené par son chef historique là aussi, Hamma Hammami, proteste contre le gouvernement et spécifiquement contre Ennahdha. «Depuis dix ans, tout a changé, mais il y a une seule constante, Ennahdha, que vous faut-il de plus pour comprendre qu’elle est la cause de tous nos maux?», nous interpelle un manifestant.
«C’est nous les jeunes qui avons fait la révolution, crie un autre manifestant. Il est intolérable que nous soyons gouvernés par des vieux».
Rejoints par d’autres organisations de la société civile, les manifestants voulaient tenter de faire de l’ombre à la manifestation d’Ennahdha.
A l’heure où les deux têtes de l’exécutifs se disputent la légitimité, Ennahdha choisit de faire jouer sa carte, celle de la mobilisation de la rue. Mais au final qui tranchera? La légitimité institutionnelle ou celle de la rue?