A propos de l’affaire des deux magistrats Taïeb Rached et Béchir Akremi, la ministre a assuré que l’Inspection générale est chargée de faire les investigations concernant toutes les plaintes visant les deux ex-hauts magistrats
Trois ministres sont passés en séance consacrée au contrôle du gouvernement hier au palais du Bardo. Et les trois siègent par intérim. Aussi embarrassante que soit cette situation, dans la mesure où des ministres intérimaires ne sont pas forcément au fait de tous les dossiers, celle-ci est à chaque fois sauvée par les hauts cadres des départements auditionnés. Les collaborateurs pallient les déficiences d’une situation rocambolesque où le provisoire peut durer indéfiniment. Les exposés sont donc préparés à l’avance par les adjoints de ces ministres provisoires. Réponses parfois retouchées à la hâte, sur place, pour répondre aux questions des élus devenus plus insistants, exigeants et vindicatifs presque, lorsque la réponse leur paraît approximative.
Le député Issam Al-Bargougui s’est adressé à la ministre de la Justice par intérim, donc, en faisant référence à la visite nocturne du Président de la République au ministère de l’Intérieur, l’été dernier ! Précisément, le 21 juillet 2020. Il l’a interrogée sur la déclaration présidentielle selon laquelle «des complots sont fomentés contre l’Etat dans des pièces obscures où des agents entretiennent des intelligences avec des forces extérieures en conspirant contre la Tunisie. Et, qu’il (le Président) est au courant de tout». L’élu indépendant a également demandé des explications quant à l’affaire de la lettre empoisonnée qui aurait été adressée au Président de la République, fin janvier de cette année. Et, enfin, la troisième question porte sur la récente déclaration d’un ancien conseiller de l’ex-chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, qui aurait affirmé que son patron n’avait jamais présenté sa démission, ni même n’était au courant lorsqu’elle a été annoncée. A ces trois « questions » posées à la ministre, le député a incriminé, tour à tour, ses collègues, les médias, les organisations nationales, la société civile, le peuple tunisien, et, bien entendu, le ministère de la Justice et la présidence de la République. Tous, selon lui, ont observé un silence coupable. Tous ont failli ! Résultat, «ces stratagèmes politiques ont érodé totalement la confiance entre le peuple et ses dirigeants».
Des manœuvres politiques
Contrairement aux déclarations du député de Sidi Bouzid, élu sur la liste électorale du Courant de l’Amour, passé ensuite au Bloc El Mostakbel, pour devenir aujourd’hui indépendant, l’affaire du courrier empoisonné, pour ne prendre que celle-ci, avait agité, des semaines durant, l’opinion publique. De plus, elle a été soulevée de manière massive et récurrente par les journalistes qui ont exigé que toute la lumière soit faite, s’agissant ni plus ni moins d’une affaire qui touche la sûreté nationale. Leurs requêtes sont restées lettres mortes. L’histoire des complots contre l’Etat est à prendre au propre et au figuré, pour avoir pris une forme itérative dans les discours présidentiels. Quant à « la démission imposée » à M.Fakhfakh, que peut faire, en l’occurrence, le ministère de la Justice ? Des instructions auraient dû être ouvertes par le ministère public, d’après le député. Questions, en l’état actuel des choses, contre qui et à quoi cela aurait mené concrètement ? Les affaires évoquées par M.Bargougui relèvent davantage des manœuvres politiques que de l’ordre judiciaire, il l’a reconnu lui-même.
La députée Mounira Ayari a interrogé de son côté la ministre sur le dénouement qui se fait attendre des poursuites engagées contre l’ancien président déchu Ben Ali, sa famille et toutes les personnes dont les biens avaient été confisqués. Elle a regretté la lenteur de la justice tunisienne, requérant davantage de coopération avec les parties étrangères concernées. Objectif ultime, restituer à l’Etat tunisien « son dû ». L’élue du Bloc démocrate s’est enquise ensuite sur l’état d’avancement des plaintes déposées contre Taïeb Rached et Béchir Akremi. Respectivement, ex-premier président de la cour de cassation accusé de corruption et ancien procureur de la République accusé de dissimulation de preuves liées aux assassinats des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. En réponse, la ministre intérimaire a précisé que pour ce qui concerne les affaires des biens mal acquis, une réunion de coordination avec le ministère des Domaines de l’Etat est prévue pour faire face aux obstacles. Le premier, assurer une meilleure coordination avec la partie suisse. Hasna Ben Slimane a fait valoir, en outre, que le ministère de la Justice met à la disposition du chef du contentieux de l’Etat tous les éléments liés à ces affaires.
Quant à cette histoire ahurissante des deux magistrats Taïeb Rached et Béchir Akremi, la ministre a assuré que l’Inspection générale est chargée de faire les investigations concernant toutes les plaintes visant les deux ex-hauts magistrats. Elle a regretté, en passant, les rumeurs infondées mettant en doute l’impartialité du ministère de la Justice. La députée Mme Ayari avait exprimé lors de son intervention, son extrême inquiétude quant à l’état de l’institution judiciaire en Tunisie, compte tenu des postes sensibles et stratégiques qu’occupaient les ex-hauts magistrats mis en cause. Elle ne croyait pas si bien dire.