Comment faire lorsque le pays est pris en étau entre une crise sanitaire inédite et une crise économique confortablement installée depuis des années ? Comment concilier l’impératif sanitaire et celui de préserver la paix sociale ? Car il s’agit là de paix sociale. Le risque politique, cette fois, est très sérieux. Lorsque l’équilibre d’un foyer est menacé par l’absence de revenu, la question sanitaire est reléguée au second plan et l’agitation sociale pourrait prendre le dessus.
A l’occasion de la commémoration de la fête des Martyrs le 9 avril, le Chef de l’Etat, Kaïs Saïed, avait averti sur les mesures anti-covid qu’il jugeait beaucoup trop restrictives. Le couvre-feu à partir de 19 heures avait notamment été mal accepté par les professionnels. Pour se défendre, Mechichi avait invoqué «l’avis de la commission scientifique», ce à quoi le Président de la République avait répondu que la commission était consultative et que les mesures étaient «des décisions politiques».
C’est là le fond du problème. C’est là que réside la difficile, voire l’impossible équation. Comment faire, en effet, lorsque, comme aujourd’hui, le pays est pris en étau entre une crise sanitaire inédite et une crise économique confortablement installée depuis des années ? Comment concilier l’impératif sanitaire et de préserver la paix sociale ? Car il s’agit-là de paix sociale. Le risque politique, cette fois, est très sérieux. Lorsque l’équilibre d’un foyer est menacé par l’absence de revenu, la question sanitaire est reléguée et l’agitation sociale pourrait prendre le dessus.
Sur le plan sanitaire, la situation est en passe de devenir chaotique. Les services d’urgence commencent à être saturés, le personnel de la santé est débordé et les chiffres officiels de contamination ne cessent de grimper.
Le 13 avril, le ministère de la Santé a même enregistré un nombre record avec 2.270 hospitalisations. Il faut remonter au 26 janvier 2021 pour trouver un chiffre qui s’en approche (2210). Parmi ces personne, 1.824 patients seraient sous oxygène, 306 sont pris en charge dans les services de réanimation et 140 sont sous respirateur.
Mais le chiffre qui donne froid dans le dos, c’est sans doute celui des décès. En une seule journée 84 personnes ont trouvé la mort à la suite de complications liées à la Covid-19. Du jamais vu depuis le 22 janvier dernier.
Samar Samoud, professeur hospitalier d’immunologie à l’Institut Pasteur, a ému les Tunisiens lorsqu’elle déclare que dans les hôpitaux, on commence à faire des choix «quand on a une seule place vacante au service de réanimation et qu’il faut choisir entre un patient âgé de 15 ans et l’autre de 21 ans. Que Dieu soit avec nos collègues en cette difficile situation », avait-elle déclaré.
La situation est telle que des pays comme le Maroc et les Etats-Unis déconseillent à leurs ressortissants de se rendre en Tunisie.
Jusqu’à présent, les autorités tunisiennes font preuve d’énormément de souplesse dans l’application des mesures sanitaires. Le couvre-feu pourtant repoussé jusqu’à 22 heures pour permettre notamment aux cafés de faire fonctionner les caisses enregistreuses, n’est pas respecté dans plusieurs régions.
Il est à rappeler que c’est suite à l’intervention du Chef de l’Etat que les mesures sanitaires ont été assouplies. Vu les chiffres en constante augmentation, il est plausible que les autorités choisissent le durcissement des mesures et, surtout, intensifient le contrôle de leur application.
En l’état, la timide campagne de vaccination et la défiance de la majorité des citoyens à l’égard de la vaccination prouvent que pour le moment, les seules mesures efficaces restent les gestes barrières.
Cependant, s’il y a une mesure qui s’impose, abstraction faite des contraintes politiques, ce serait le confinement total de la population. Mais à ce moment-là, il faudrait que le gouvernement assume ses pleines responsabilités. En effet, si un confinement total est décrété, un important coût financier est à prévoir. Les mesures sociales d’accompagnement devront être proportionnelles au verrouillage de l’économie.