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Audition du ministre de la Santé : Qui n’a santé n’a rien

Certaines localités, prenant leur mal en patience, ont tenté de faire la moitié du chemin, collecté de l’argent et construit de petits édifices qui attendent depuis des années d’être équipés.

Des hôpitaux saturés, une campagne de vaccination au ralenti, une explosion du taux de contamination et de décès de la Covid et des faits de corruption et de malversations massifs. L’audition du ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, hier au Parlement, a levé le voile sur une situation sanitaire hors contrôle. Une tragédie grecque est en train de se jouer sous nos yeux, avec pour héros principal le peuple tunisien qui semble affronter seul son destin.

Les députés qui ont pris la parole ont révélé, tour à tour, la situation tragique et dangereuse qui sévit dans leurs circonscriptions, face à une indifférence, sinon une passivité inexpliquée des autorités de tutelle, le ministère de la Santé et plus largement l’exécutif.

Ezzedine Ferjani a décrit la situation du gouvernorat de Mahdia et de ses délégations. Les cas évoqués par l’élu, avec photos à l’appui, attestent du manque de moyens dont souffrent les établissements de santé publics, en général, mais également de la mal-gouvernance à l’échelle nationale ainsi que des personnels administratif et soignant locaux. A titre d’exemple, le service des urgences de l’hôpital universitaire Tahar-Sfar communique avec celui du service Covid du même hôpital. Un accidenté de la route venu soigner ses blessures risque fort d’attraper la Covid en passant. Le service de chirurgie faciale qui devait être rénové en quelques semaines fait l’objet d’une affaire judiciaire. En cause, des vices de construction. Résultat, les médecins officient depuis des mois dans des bureaux administratifs.

Essoufflé, le député poursuit son exposé. Toujours dans les environs de Mahdia, des populations vivent dans de véritables déserts médicaux et ne disposent ni de centres de santé de base, ni même d’une ambulance pour transporter leurs malades. Un état de fait qui concerne même de grandes unités, tel l’hôpital de Kssour Essaf qui n’a pas un seul véhicule sanitaire. Quand on sait qu’une cinquantaine d’ambulances attendent sur le quai de Radès depuis février, il y a de quoi se poser des questions. Certaines localités, prenant leur mal en patience, ont tenté de faire la moitié du chemin, collecté de l’argent et construit de petits édifices qui attendent depuis des années d’être équipés. Ils attendent toujours.

Des femmes accouchent dans une cave

Mounira Ayari a dénoncé l’arrêt des travaux du service de maternité de l’hôpital de Bizerte. Les Bizertines sont acculées à accoucher dans une cave depuis des années, à cause d’une simple rénovation d’un seul pôle! La députée qui avait déjà alerté le ministre sur des cas de corruption, entre autres, à l’hôpital de Menzel Bourguiba, a dénoncé l’inertie des autorités. Des affaires de détournement de fonds publics qui perdurent et restées impunies, «alors qu’il suffit de faire des audits». Requêtes restées sans réponses, de guerre lasse, l’élue a fini par prendre les Tunisiens à témoins. La pénurie de médicaments est évoquée par la députée Amel Saïdi. Pénuries constantes dans les pharmacies hospitalières pénalisant les classes défavorisées et notamment les malades atteints de pathologies chroniques. La parlementaire a décrit le calvaire de ces malades souvent âgés; le réveil à l’aube, les trajets fatigants, les queues interminables devant les pharmacies publiques pour s’entendre dire au final: «Revenez demain» ou «il n’y en a plus». La députée a appelé à traiter en urgence ce fléau endémique qui touche même les médicaments vétérinaires avec toutes les implications que l’on sait sur les élevages ovins et bovins et donc sur la santé des consommateurs. 

Les suspicions de corruption révélées fausses

Plusieurs élus, dont notamment Ayachi Zammal, en sa qualité de président de la commission parlementaire de santé, a attiré l’attention du ministre sur «l’injustice inouïe» qui frappe les lanceurs et lanceuses d’alertes. Il s’est étonné que ce soient eux qu’on sanctionne par des conseils de discipline, des mutations, voire des limogeages. « Alors que les corrompus sont épargnés et même confortés à leurs postes ». Il s’est également interrogé sur la pertinence da la gestion du fonds 18-18 « destiné exclusivement à la lutte contre l’épidémie ». Un portefeuille alimenté par des Tunisiens et par l’Europe.  « Cela met en cause notre crédibilité aux yeux de nos partenaires et décourage nos compatriotes », fait-il valoir. Ayachi Zammal a dénoncé la corruption massive qui sape la santé publique et appelé à une véritable prise en main du ministère. Le ministre de la Santé a certes tenté de répondre méthodiquement aux questions orales des parlementaires de la manière suivante : «Je propose la mise en place d’ateliers de travail pour se pencher sur la situation sanitaire à Mahdia». Mais encore, «les travaux du service de maternité à l’hôpital de Bizerte sont en cours», ou encore «suite à un contrôle financier et de gestion à l’hôpital Menzel Bourguiba, les suspicions de corruption se sont révélées fausses».

La séance d’hier a débouché sur un constat établi d’ailleurs par les professionnels de santé, selon lequel ce secteur miné par une corruption endémique, une instrumentalisation syndicale et l’effritement du pouvoir politique n’est pas encore en état de se réformer en profondeur. Entretemps et comme le dit si bien le proverbe,  qui n’a santé n’a rien. C’est le cas de la majorité des Tunisiens qui ne peuvent objectivement accéder aux services de soins fournis par le privé, parce que hors de prix.

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