Où en sommes-nous de la crise ? De toutes ses facettes ? Du politique, de l’économique, du social et du sanitaire ? De tout ce qui depuis des années périclite immanquablement sous nos yeux ? Qu’en est-il, surtout, de sa communication ? Des crises de cette ampleur et de cette complexité ne se résolvent vraiment, ne peuvent entrevoir d’issue, que si elles parviennent clairement à la collectivité. L’histoire l’enseigne : si les gouvernants ont le courage et le bon sens de n’en rien dissimuler à leurs peuples, ceux-ci n’en supporteront que mieux les méfaits. Exemple des Britanniques en 1940, sous les bombardements nazis, bombardements destructeurs, vengeurs, mais Churchill avait prévenu, n’avait rien caché. L’Angleterre a tenu jusqu’au bout. Exemple de l’Allemagne sous Adenauer. Exemples, plus récents, de Singapour et de la Corée du Sud, du Rwanda et de l’Ethiopie. Gouvernance et transparence ont fusionné dans tous ces pays. Ils font partie de l’élite des nations désormais.
Est-ce la règle, le bon choix, ici ?
Opérons par ordre. C’est plutôt non.
Les dix années de révolution et d’expérience démocratique attestent d’abord du contraire. Ni la Troïka nahdhaouie, ni l’alliance Nidaa-Nahdha, et encore moins les gouvernements Essid, Chahed, Fakhfakh et Mechichi n’ont eu (ni voulu) le goût de la vérité. Craintes électoralistes, manœuvres de pouvoir, opportunismes ou courtes vues, le résultat est le même. Dans l’obscurité et le flou, dans le non-dit et la rétention de l’information, la confiance n’est plus de mise. Manquent les convictions, les énergies. Les dix années de la révolution tunisienne ? Une bulle de pouvoir, vaquant à lui-même, et un peuple auquel on ne dit pas tout, on ne dit rien.
Les facettes, maintenant. Les pires «éclosions» de l’heure. Les institutions qui en viennent presque aux mains. Les finances de l’Etat pratiquement à sec. L’endettement international et les pressions du FMI. Et puis, et surtout, le corona, ses vagues, ses variants et ses vaccins. Qu’en savons-nous en fait?Qu’en savons-nous d’utile et de vrai ?
La «guerre» des présidences est à son comble. Pas de secret. Mais les protagonistes cultivent encore l’à-peu-près, sinon la langue de bois. Laisser les choses en l’état paraît convenir à tout le monde. Entre-temps, le peuple se lasse de ne voir rien venir. Les présidents se confortent dans leurs bulles. Le peuple n’en saura pas davantage. N’en saura toujours rien.
Idem à propos des finances publiques et du FMI. Mechichi et ses ministres se sont préparés à la rencontre de début mai à New York, mais ils n’en pipent quasiment mot. Le FMI, affirment nos meilleurs économistes, sera sans pardon cette fois-ci. Ses exigences relatives à l’enveloppe des salaires aux recrutements de la fonction publique, à la compensation des produits de première nécessité, devront être respectées, faute de quoi les aides seront irrévocablement suspendues. De tout cela, on ne nous dit rien. On ne nous dit pas tout. Imaginons le pire, bientôt.
Nos compatriotes ne savent pas tout, non plus, sur le corona, ses vagues, ses variants et ses vaccins. Ici, la rétention de l’information s’abrite derrière une vertu : ne pas affoler la population. Pourtant, il s’agit de détails sérieux. Au sujet, par exemple, de la spécificité du virus principal et des résistances possibles des variants. Au sujet, aussi, des bénéfices et risques et de l’âge des vaccinés. Au sujet, enfin, des soins par médicaments qui demeurent efficaces, mais que les grands laboratoires privés de vaccins s’acharnent à écarter de la pratique médicale.
De ces avantages scientifiques, reconnaissent aujourd’hui les spécialistes, on aurait pu tirer largement profit. Les sentiments d’urgence, les choix alarmistes des gouvernements et la cupidité des grands groupes ont mené droit à l’inverse : une pandémie dont on sait si peu, dont on ne nous dit pas tout.