Un poste d’observation de la création contemporaine, une fenêtre ouverte sur l’art vidéo.
Dimanche matin, c’est le rendez-vous d’El Kazma sur la corniche de Gabès. D’un container à un autre, les séquences d’un film construisent un ensemble. L’invisible en est le maître mot et l’immatériel est une variation artistique orchestrée par le curator, Laurent Montaron, à qui Malek Gnaoui, le directeur artistique de la section arts vidéo, offre carte blanche. L’invisible, une pensée de l’immatériel comme ligne conductrice, est venu d’une réflexion sur l’œuvre de Melik Ohanian “Invisible Film”. Explique Laurent Montaron : « j’ai sélectionné des œuvres qui abordent la question de l’invisible. L’invisible dont il est question ici ne concerne pas tant le domaine du réel qu’une impossibilité de le voir. Cette sélection pose la matérialité des images comme une donnée nécessaire à une expérience du monde visible, dont l’épreuve que nous traversons nous permet d’en mesurer la préciosité. Pensés comme un parcours, les films et installations présentés cette année pour El Kazma 2021 sont une déambulation discursive où les œuvres, les unes à la suite des autres, s’enchaînent pour former une ligne narrative, dans laquelle le regard du public vient opérer des liens et construire une image en mouvement d’une histoire paradoxale et matérielle de l’invisible ».
Les œuvres de tous ces artistes tentent de saisir cet invisible sensoriel. Dans une énergie du bâti et ses multiples changements d’échelle de prise de vue, dans la projection d’un film sans écran tel un saut dans le vide, dans la viscosité d’une limace, dans des ouvertures et fermetures d’un rideau rouge sur un jet de lumière, dans des éléments du sonore, du vent des chuchotements des vagues, dans les dialogues des mers ou au cœur d’un photogramme… Au cœur de la matière à la recherche d’une photosensibilité insaisissable. Tous ses éléments se matérialisent dans un parcours, qui impose sa rigueur, son sens. Entre le matériel et l’immatériel, les limites se touchent, l’idée et la sensation, la pensée, la réflexion se condense, développe son langage et devient matière : un container qui prend, matérialise l’œuvre et conditionne sa liberté et sa matérialité. Chercher le vrai dans l’invisible, s’abandonner à l’expérience, la vivre dans son intensité c’est l’essence même d’El Kazma. Déstructurer l’image, la dématérialiser dans un parcours qui devient une forte représentation de la ville.
En plus de ce parcours aux couleurs jaune vif, la section Art vidéo s’enrichit, cette année, d’une nouvelle exposition, K Of, dédiée aux artistes émergents tunisiens. Commissionnées par Salma Kossemtini, curatrice très investie auprès de la jeune scène artistique tunisienne, les vidéos exposées dans K Of, regroupées à Bab Bhar, au centre de Gabès, en la future résidence artistique d’El Kazma (Résidence K), rendent compte des univers singuliers de 6 jeunes artistes tunisiens. Une diversité d’approches et de traitements, proposée par Salma Kossemtini, comme une réponse à ceux désireux d’en savoir plus sur les artistes vidéastes émergents tunisiens : leurs problématiques, orientations, expressions artistiques…