Il inspire commentaire le verdict infligé par la justice américaine au meurtrier de George Floyd. Et puis, il nous ramène aussi à nous-mêmes. Il oblige à comparaison.
Le commentaire ? Pas une critique de la sentence, mais une interrogation : ce crime a été commis sous la présidence de Trump et jugé sous celle de Biden, le changement a-t-il joué, influé ? Et avec un Trump réélu qu’eut été la décision des magistrats ?
Là, à distance, et alors que les États-Unis paraissent avoir retrouvé leur calme et surmonté les troubles des dernières élections, plus aucun doute n’est admis. Plus aucun questionnement. La plus grande démocratie du monde se dresse à nouveau, donnant pouvoirs équitables aux institutions et toute suprématie à la Loi.
Reste, maintenant, que les marques sont proches et qu’elles gardent quand même leurs effets. Le populisme de Trump et ses accointances avec l’extrême droite et les «résiduels» du vieux klu klux klan ont en quelque sorte gouverné l’Amérique pendant quatre années. Résultat: plus de 70 millions de partisans convaincus aux urnes en novembre dernier. Et des milliers de contestataires du vote final lors de l’attaque du Congrès et partout dans le pays. En plus clair, le mandat de Trump a fait comme ressurgir les anciennes tares cécessionnistes, le Schisme Nord –Sud, la «Haine du Noir», le «Racisme Blanc». Dans ces conditions, oui, le doute eut été permis. Le meurtrier de George Floyd aurait, qui sait, bénéficié d’un «meilleur sort». Les 22 ans infligés «sous Biden» résultent en tout cas d’une autre culture, d’une tout autre Amérique. Pas seulement du même Droit. En quoi cela nous ramène à nousmêmes ? Oblige à comparaison ? Hélas, dans la Tunisie de la transition démocratique, celle de la révolution de la liberté et de la dignité, les bavures policières persistent, les atteintes à des «George Floyd» restent possibles au quotidien. Sous Ben Ali, elles avaient «l’argument» de la dictature. Là, même interdites par les textes, même condamnées par les conventions, elles jouissent, encore et toujours, de l’impunité. De la lenteur de la justice et/ ou de la dissimulation des gouvernants.
Il y a plus de 80 plaintes pour sévices policiers présentées à la magistrature depuis 2015 — a annoncé la semaine dernière le président du comité national de prévention contre la torture — mais à ce jour pas un procès initié, pas un dossier bougé. Pas un procès, pas un dossier, y compris pour l’affaire du mineur de quinze ans violenté et déshabillé par des brigadiers en patrouille début juin à Sidi Hassine. Bientôt trois semaines et déjà plus un mot sur ce scandale sans nom.
Le Chef du gouvernement dit avoir suspendu les agents coupables, mais il se garde bien de reconnaître qu’il est responsable d’un premier communiqué officiel accusant le mineur lui-même de tous les torts, dont de «s’être drogué, enivré, déshabillé et affiché hystérie». Le nom des coupables n’est toujours pas livré à la justice. Et comme pour garantir l’impunité, les médias s’en retranchent à leur tour. Ils ont d’autres affaires à ébruiter.