Accueil Economie Filière pommes de terre : Le stockage à la ferme pour éviter la perte post-récolte

Filière pommes de terre : Le stockage à la ferme pour éviter la perte post-récolte

Avec une consommation annuelle qui dépasse les 30 kilogrammes par habitant, la pomme de terre est l’un des produits alimentaires les plus consommés en Tunisie. Même si le pays a atteint son autosuffisance en pommes de terre, la filière fait face à certaines difficultés qui affectent la production et le prix de vente.

Dans le cadre de la série des webinaires “90 minutes”, organisés à l’initiative de l’Iace, un débat sur la filière pomme de terre a été tenu, mercredi 7 juillet, en présence de Abdelmajid Ezzar, président de l’Utap, Adel Saied, directeur du Centre technique de la Pomme de terre et d’Artichaut (Ctpa), Chokri Rezgui, chargé de la production agricole à l’Utap et Mohamed Haj Rhouma, directeur du Groupement Interprofessionnel des Légumes.

Le webinaire a porté principalement sur les difficultés rencontrées par les producteurs de pommes de terre, à savoir l’importation, notamment des semences et des intrants, outre les problèmes liés à la mise en place des stocks régulateurs.

Des pertes qui s’élèvent à 30%

Le débat a été ouvert par un aperçu général sur la filière. Selon les données de l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la consommation annuelle de pommes de terre en Tunisie s’élève à 30 kilos par habitant. Il s’agit bien d’un aliment qui figure parmi les produits agricoles les plus consommés en Tunisie. Plus de 24 mille hectares sont consacrés pour la culture des pommes de terre avec une production globale qui avoisine les 240 mille tonnes par an. Avec plus de 10 mille personnes employées, la filière représente un poids socio-économique important mais elle fait face à plusieurs difficultés, principalement des problèmes liés à l’importation des semences et à l’instabilité des prix des intrants.

Intervenant dans ce sens, Abdelmajid Ezzar a souligné que la pomme de terre est considérée comme un produit de souveraineté alimentaire, puisqu’elle figure parmi les produits alimentaires les plus consommés en Tunisie. Il a expliqué que, malgré l’autosuffisance de la Tunisie en pommes de terre, une pénurie ou un manque d’approvisionnement en ce légume sont parfois observés sur le marché. Selon le président de l’Utap, le problème ne se situe pas au niveau de la production mais il est plutôt imputable à une mauvaise gestion de la récolte qui se traduit par ce qu’on appelle la perte post-récolte. Ezzar a fait savoir que les pertes dues, essentiellement, au stockage par la méthode traditionnelle s’élèvent à 30%. Et de préciser que la bonne gestion et la valorisation de la récolte, à travers le stockage à la ferme, sont la meilleure solution pour pallier les problèmes de la filière. Le président de l’Utap a ajouté que la production locale pâtit de l’importation de pommes de terre qui, de surcroît, ne se déroule pas conformément aux réglementations phytosanitaires. Il a appelé, dans ce sens, à arrêter l’importation de ce légume mais également à réfléchir à des moyens et des solutions permettant de produire localement les semences afin de réduire la dépendance des agriculteurs aux semences importées dont le coût se répercute sur le prix de vente.

Stocker sans recourir aux installations frigorifiques

Adel Saied, directeur du Ctpa, a précisé que, grâce aux pommes de terre de 5e saison, la Tunisie produit désormais ce légume tout au long de l’année. Interrogé sur l’importation des pommes de terre, Saied a expliqué qu’il s’agit d’une décision politique dont on peut se passer, vu l’abondance de la production. Et de souligner que les agriculteurs maîtrisent bien les techniques de cette culture ce qui a permis d’améliorer la moyenne nationale de production qui est passée de 15 tonnes par hectare à 27 tonnes. S’agissant de la production locale des semences, le directeur du Ctpa a affirmé qu’un programme national de 30 millions de dinars a été élaboré à cet effet.

A ce jour, les financements nécessaires n’ont pas été débloqués, précise t-il, en contrepartie l’on continue à dilapider de l’argent en achetant les semences étrangères à hauteur de 50 millions de dinars par an. Et d’indiquer , à cet égard, que les variétés locales ont fait leur preuve en termes de productivité. Par ailleurs, il a déploré le manque des ressources humaines, dont souffre le centre, notamment au niveau des hauts cadres.

Au sujet du stockage à la ferme, Adel Saied a précisé que le centre a entamé des expériences avec des agriculteurs, pour essayer de stocker les pommes de terre grâce à la climatisation des entrepôts des fermes sans recourir aux installations frigorifiques qui sont très coûteuses. Le résultat est réussi dans plusieurs régions notamment Bizerte, Jendouba et Nabeul, affirme t-il. Il a ajouté que des incitations sont nécessaires pour généraliser le stockage à la ferme à tous les producteurs de pommes de terre.

Baisse de la demande due à la fermeture des unités hôtelières

De son côté, Chokri Rezgui a souligné que l’importation de pommes de terre contribue à la propagation des maladies d’importation à travers l’infection du sol. Il a ajouté que la production locale des semences permet de réduire le coût de production et par ricochet le prix de vente des pommes de terre. Par ailleurs, il a appelé à tirer la leçon de la crise covid qui a impacté la demande suite à la fermeture des restaurants et des unités hôtelières et à réfléchir sur les moyens pour développer l’exportation des pommes de terre. Mohamed Ben Haj Rhouma a, pour sa part, appelé à appuyer les groupements professionnelles et à renforcer leur indépendance financière, pour qu’ils puissent continuer à soutenir et accompagner les producteurs.


L’impact chiffré de la crise

La crise du coronavirus a touché de plein fouet les producteurs de pommes de terre. L’année 2020 a été marquée par un excédent de production provenant du cumul des récoltes de 2019 et 2020, lequel surplus est dû à la chute de la demande suite à l’annulation en cascade des contrats de vente ainsi qu’ à la fermeture des restaurants et des unités touristiques. Dans le cadre de l’agenda national des affaires, l’Utap et l’Icae ont, conjointement, réalisé une enquête sur un échantillon de 347 agriculteurs pour étudier l’impact de la pandémie sur la filière pomme de terre. Selon les résultats de l’étude d’impact, 90% des agriculteurs ont affirmé que la distribution de leurs produits a baissé lors de la période du confinement général. Environ 25% ont affirmé que la différence entre les prix à la production et à la consommation dépasse les 50%. L’enquête a démontré que seuls 30% des agriculteurs conservent les pommes de terre dans des entrepôts frigorifiques contre 70% qui recourent aux techniques traditionnelles. Ces méthodes engendrent la perte de 36% de leurs récoltes. Plus de 80% des agriculteurs sondés ont affirmé qu’ils ont rencontré des problèmes lors de l’approvisionnement en intrants agricoles en période de confinement général en 2020. Plus de 56% ont considéré que ces problèmes ont impacté la production. Environ 78% ont estimé qu’ils ont besoin d’appui et d’accompagnement pour une utilisation plus efficace des intrants. La majorité des agriculteurs (87%) ont affirmé que les prix des engrais ont augmenté après l’apparition de l’épidémie tandis que la moitié (49%) ont révélé que les quantités d’engrais fournis sont en deçà de leurs besoins.

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