Prédisant le devenir de la Tunisie et de son peuple au lendemain de l’avènement du 14 janvier 2011, des géopoliticiens occidentaux, dont Rémi Leveau, ont envisagé trois scénarios radicaux.
Ils ont alors évoqué le scénario militaire avec une probable réapparition d’un nouvel homme providentiel, le scénario démocratique chaotique et, enfin, le scénario islamiste.
Dans le camp opposé, d’autres analystes et observateurs ont plutôt tablé sur un scénario médian, argumentant que le pays dispose « d’une administration solide, d’une culture de la négociation et d’une profonde aspiration démocratique ancrée dans la population ».
Aujourd’hui, une décennie après, la réponse à la question : lequel des deux camps aurait-il eu raison de l’autre serait à la portée du citoyen lambda. Car il suffit de lire et d’observer la une des médias internationaux pour s’apercevoir de la manière dont on voit la Tunisie d’ailleurs. Un État mendiant, tout court. Il suffit également de s’insinuer dans les rues et ruelles, de partir sur les routes pour réaliser l’ampleur des dégâts à tous les étages de la société. Les cœurs sont tristes et solitaires. Les visages sont fermés. Les regards sont éteints. Dans les hôpitaux, les villes, les bourgades, les campagnes, ça pue encore la mort.
La détresse psychique a ainsi été résumée par un voyageur débattant avec son voisin dans le train de la banlieue sud de Tunis : « Je comprends le fait que vous vous inquiétiez pour les seize mille morts. Mais, vous feriez aussi bien de vous inquiéter pour ces rescapés qui sont en vérité des morts que la mort a refusés ».
Le virus, la panique, la frayeur et l’escalade entre autres sont donc le pain quotidien de la plupart des Tunisiens. Dans ce beau pays où l’on meurt simplement parce qu’on ne supporte plus de rester confiné chez soi, où les villes et villages sont barricadés, où l’économie est torpillée, une vie entière ne suffirait pas pour absorber la tragédie que l’on vit ci depuis deux ans, et à plus grande échelle, une décennie durant.
Le tableau est donc sombre aujourd’hui. Et notre statu quo a trop duré. Pourtant, ceux qui s’emploient encore à être dans l’œil du cyclone ne cessent de fulgurer des fulgurances.
Tenant des points de presse dans l’auberge des bergers, et à travers des balles d’essai, de temps à autre, lancés aux médias, ces professionnels du verbe ont récemment évoqué le remplacement du gouvernement en place par un autre politique. Comme si l’équipe actuelle, « infiniment brillante », émanait de Beït El Hikma (Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts).
Avec de tels agissements, ces adeptes de la politique politicienne semblent tout ignorer du cours de l’histoire, notamment du réveil des peuples pris en otage. Avant de fêter une « victoire » ou une autre, ils iraient là où ils pourraient effacer des péchés commis dans le secret de la mêlée. Mais le Tunisien, qui en a marre de leurs absurdes spectacles, semble être désormais déterminé à ne point courber l’échine devant une telle machine infernale. Dépréciant énergiquement leur refus de reconnaître bien des torts, il rejetterait, désormais, catégoriquement leurs idées, si idées il y a. Il n’aurait, du reste, aucune hâte de les retrouver au paradis ni de les rencontrer. Car « les âmes mortes » ne se rendent jamais compte de leur médiocrité. Et le Tunisien éclairé saurait choisir son chemin loin du sabre de la Tunisie d’avant le 14 janvier 2011, loin du turban de la Tunisie de la décennie écoulée, loin s’en faut.
Une chose est sûre au demeurant : ceux qui ont prédit notre devenir nous connaissent mieux que nous nous connaissons nousmêmes…
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