«Aujourd’hui, je suis heureux de tout mon cœur ! Pour la première fois, depuis un an, j’ai pu voir la lumière au bout du tunnel ! Si nous continuons sur le même rythme, l’espoir renaîtra et nous sortirons de ce cauchemar», écrit l’anesthésiste Zakaria Bouguirra sur sa page Facebook
Grâce à la volonté politique, aux aides internationales, au personnel soignant, à l’Armée nationale et à l’armée de bénévoles tunisiens, la journée du 8 août a été historique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19.
En une seule journée, plus d’un demi-million de personnes ont pu bénéficier du précieux sérum qui fait du bien au corps et à l’esprit visiblement. Après plusieurs mois d’informations anxiogènes, de vaccination au ralenti, et, par conséquent, de perte de milliers de vies, voilà que, et comme par magie, l’espoir renaît.
Mais faire de cette journée un récit homérique serait exagéré. Dans plusieurs régions, il y a eu des flottements, du désordre et un encombrement qui faisaient craindre un bis repetita du cauchemar vécu mardi 20 juillet, lorsque après avoir attendu des heures devant des portes fermées et sous un soleil de plomb, des milliers de Tunisiens ont dû rentrer bredouilles.
Le 8 août inverse la donne et la Tunisie propose un tout autre spectacle. Une campagne intensive qui n’a pas atteint son objectif initial, 1 million de vaccins, certes. Mais plus de 500 mille vaccinés est un record.
Avec la persistance des crises sanitaire, économique, politique et d’échec en échec, les Tunisiens semblent avoir perdu espoir. Une morosité ambiante associée à une profonde lassitude et la perte de la valeur « travail ». Pour ne rien arranger, deux phénomènes de comorbidité avaient asphyxié le moral de toute une nation, le risque d’une faillite économique annoncée et l’incapacité des politiques à répondre aux urgences. Le désespoir a fini par céder la place à la colère qui a explosé le 25 juillet.
Se vacciner, un acte altruiste
Autres temps, autres mœurs. La psychologue Imen Berrahal a vu en la campagne de vaccination à laquelle les Tunisiens ont répondu l’expression d’une sorte de militantisme qui ne dit pas son nom. « Se vacciner est devenu un acte altruiste pour protéger le pays », analyse-t-elle. « Il s’agit d’un altruisme accompagné d’une allégresse sans précédent depuis 2011 », conclut la psychologue qui semble elle-même touchée par la grâce de cette euphorie nationale.
Même le plus pessimiste des médecins, l’anesthésiste Zakaria Bouguirra, à qui on attribue à tort l’expression «vous allez tous mourir», s’est exprimé au terme de la folle journée. «Il est beau l’optimisme lorsqu’il n’est pas factice ! Aujourd’hui, je suis heureux de tout mon cœur ! Pour la première fois, depuis un an, j’ai pu voir la lumière au bout du tunnel ! Si nous continuons sur ce même rythme, l’espoir renaîtra et nous sortirons de ce cauchemar», écrit le jeune médecin sur sa page Facebook.
A cet effort national, est venue s’ajouter la contribution des pharmaciens. Une opération pilote est déjà lancée avec 50 pharmacies pour tester tous les aspects et y apporter les ajustements nécessaires. Les officines volontaires devront s’inscrire auprès du Conseil de l’ordre des pharmaciens. Celles sélectionnées deviendront des stations de vaccinations à partir du 16 août.
Une ambiance positive semble circuler dans l’air. Et s’il est naïf et trop tôt d’affirmer que la Tunisie s’est tirée d’affaire et que la pandémie est derrière nous, il est incontestablement visible qu’un regain d’espoir pointe à l’horizon. Comme nous pouvons aisément affirmer qu’il existe un «effet 25 juillet», marqué par la fierté d’appartenir à une nation. Une mère de famille interrogée par nos confrères de la chaîne nationale déclare, émue, après avoir reçu le vaccin: «Je me suis sentie importante», comprenez, pour mon pays.
Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Et comme en 2011, au lendemain de la révolution et après la vague d’euphorie, les Tunisiens ont vite déchanté. Il est important de capitaliser sur ces réussites et remettre la Tunisie sur le chemin du rétablissement. Plus concrètement, hier, en début d’après-midi, le ministère de la Santé annonce l’organisation de nouvelles journées de vaccination massive.
Photo : Abdelfattah Belaid