Le coup d’éclat réussi de main de maître par le Président Kais Saïed le 25/07/2021 a bouleversé carrément la scène politique en Tunisie, marqué les esprits et créé un nouvel espoir chez tous les citoyens.
En activant l’article 80 de la Constitution, le Président a gelé les activités du Parlement pour 30 jours, levé l’immunité de tous les députés, révoqué le chef du gouvernement et assuré la présidence du ministère public. Ces mesures draconiennes ont été appréciées par le peuple tunisien qui a toujours manifesté son mécontentement vis-à-vis des représentants de l’ARP et a voulu, depuis belle lurette, s’en débarrasser une fois pour toutes parce qu’ils n’ont pas été à la hauteur de la tâche que le peuple leur a confiée. Ces décisions constituent une lueur d’espérance et de nouvelles perspectives pour un avenir meilleur et une vie sereine, heureuse et radieuse. Ainsi, le Président Kais Saïed, à maintes reprises, a affirmé qu’il ne retournera jamais en arrière et que la situation du présent et de l’avenir de la Tunisie ne sera nullement comme celle qui était avant le 25/07/2021. Devant cette position très délicate du pays et dans une période cruciale de l’histoire de la Tunisie, nous avons contacté M. Ridha Chiba, conseiller international en exportation, pour nous éclairer sur certaines questions importantes surtout celles se rapportant aux principaux défis à relever et les éventuelles solutions pour remédier à la situation critique politique, sociale et économique du pays . Interview.
Quelles différences existent entre le pouvoir exécutif avant et après le 25/07/2021?
Réellement à travers l’activation de l’article 80, le Président va agir comme étant dans un régime présidentiel avec un premier ministre et non pas avec un chef du gouvernement et un ensemble de ministres qui vont être tous responsables devant lui quant à l’application des options politiques, économiques et sociales à suivre dans le cadre d’une stratégie globale préconisée en amont par le Président. Cela est contraire au régime parlementaire dont le président du gouvernement est le chef de l’exécutif.
D’après vous quelles sont les caractéristiques qui doivent absolument distinguer le prochain gouvernement?
A notre avis le Président Kais Saïed a une conception et une vision du pouvoir complètement différentes de l’ancien régime. Elles sont basées, entre autres, sur la démocratie directe, la réforme approfondie de tous les domaines économique, financier, éducatif, culturel, informationnel, la sanction de tous ceux qui ont commis des crimes contre la Tunisie, l’égalité sociale et la répartition équitable des revenus du pays entre tous les citoyens, etc. De ce fait, le premier ministre ainsi que les ministres ne doivent pas seulement être animés de très bonne volonté, hauts diplômés et spécialistes dans leurs domaines. Ces qualités sont effectivement nécessaires mais, à vrai dire, elles sont insuffisantes. Ils doivent défendre sans relâche et avec beaucoup de courage les options politiques, économiques et sociales dans le cadre d’une stratégie globale conçue par le Président. Le premier ministre du prochain gouvernement doit absolument être, en premier lieu, un stratège c’est-à-dire possédant une manière de concevoir, d’élaborer, de diriger et surtout de coordonner tous les plans d’action avec les membres du gouvernement et tous les intervenants en vue de réaliser les objectifs déterminés, déjà programmés à court, moyen et long termes allant de pair avec les attentes du peuple tunisien.
Quels sont d’après vous, les défis qui attendent le prochain gouvernement du Président Kais Saïed?
Plusieurs défis sont à relever par le prochain gouvernement. A l’échelle politique, il faut d’ores et déjà penser comment remédier à l’absence du Parlement et des institutions constitutionnelles démocratiques et aussi l’inexistence d’une feuille de route traçant les différentes étapes à franchir pour sauvegarder le pays du chaos politique et le mettre sur la voie de la démocratie et du développement. A l’échelle économique, les entreprises qui sont fermées à cause du covid-19 ont eu des répercussions néfastes sur le chômage qui s’est accentué davantage affectant ainsi l’économie tunisienne où plusieurs secteurs sont dans un état catastrophique, dont le tourisme, l’industrie, le pétrole et autres. Sans oublier évidemment la cherté de la vie, les pénuries fictives et provoquées, les spéculateurs, le commerce parallèle, le déficit commercial, le dumping, la concurrence déloyale. A I’échelle de la crise financière, l’endettement de l’Etat vis-à-vis des instances bancaires nationales et internationales dépassent les 90.000 milliards sans qu’ils aient été exploités rationnellement dans des projets créateurs de richesse et d’emploi. L’établissement d’une politique fiscale équitable entre tous les citoyens est primordiale. En outre, le déficit budgétaire de l’Etat ne cesse de s’accroître. Le taux d’inflation avoisinant les 6% alors qu’une somme colossale d’argent évaluée à des milliards circule en dehors de la Banque centrale. A l’échelle sociale, le chômage s’est considérablement accentué, surtout dans les secteurs touristique, industriel et les professions libérales à cause de la fermeture des entreprises due au covid-19.Le nombre des licenciés à cause de cette pandémie a augmenté. Signalons aussi que les différentes conventions signées entre l’Ugtt et les anciens gouvernements demeurent toujours sans application ainsi que l’augmentation des salaires, des smig et des smag.
Face à ces différents problèmes, comment le prochain gouvernement pourrait-il remédier à toutes ces difficultés et relancer de nouveau l’économie ?
A notre avis, pour que le prochain gouvernement réussisse son pari, il faut qu’il travaille dans le cadre d’une stratégie générale claire, étalée sur plusieurs années dans tous les domaines avec des options politiques, économiques, sociales et financières allant de pair avec les attentes de tous les Tunisiens et soutenue par le Président. Ce dernier doit arrêter une feuille de route pour qu’il ne prenne pas le large sans boussole. Il doit établir les différentes étapes à franchir et leur allouer le temps requis pour les réaliser et surtout prévoir un référendum pour le changement du régime actuel qui a été catastrophique pour le pays. Le Président doit aussi mettre tout son poids pour faire élire les instances constitutionnelles démocratiquement en vue de leur permettre d’assumer convenablement les rôles qui leur ont été assignés.
A l’échelle judiciaire, l’Etat doit revoir toutes les lois qui sont en faveur d’une toute petite frange et qui ont été légiférées conformément à leurs intérêts et aussi assurer une réallocution au niveau de ce corps pour qu’il assure son devoir conformément à la légalité et dans les meilleures conditions.
L’Etat doit traduire immédiatement à la justice toutes les personnes qui ont nui à la Tunisie sans aucune distinction et reprendre ses biens des gens qui ont profité de leurs postes ou de leurs relations pour blanchir l’argent et voler le pays.
A l’échelle économique, le prochain gouvernement doit absolument relancer l’économie en octroyant des subventions aux entreprises affectées et rouvrir toutes les entreprises fermées qui ont été vendues en deçà de leurs vraies valeurs dans le cadre du Carepp (Commission d’assainissement et de restructuration des entreprises à participation publique) comme les AMS, Tunisie Lait, l’ancienne Stia etc. L’Etat doit reprendre en main tous les créneaux juteux comme l’importation des voitures, les eaux minérales (sous l’égide de l’Office national des eaux minérales). Il doit aussi opter pour les grands travaux en créant de nouveaux projets dans les secteurs stratégiques, comme le bâtiment, l’infrastructure, la santé et l’enseignement pour résorber définitivement le chômage. A titre d’exemple, l’Etat peut envisager de construire un million de logements décents sur une période de 20 ans, ce qui atténuera le taux de chômage, de nouvelles villes seront créées avec des hôpitaux, des stades et des moyens de transport. L’Etat doit lutter sans relâche contre le terrorisme, le commerce informel, la contrebande. Il doit arrêter l’importation sauvage et imposer des licences d’importation, activer la diplomatie commerciale, créer une banque d’investissement en Afrique, lutter contre l’inflation, les pénuries provoquées, opter pour la politique de la réallocation en ce qui concerne les employés de la fonction publique. Il doit aussi redistribuer les terres agricoles à ceux qui les méritent surtout pour les jeunes ingénieurs agricoles et les contrôler rigoureusement.
A l’échelle éducationnelle, il faut assurer des réformes de fond au niveau de ce secteur pour que l’école publique prévale sur l’école privée et offre les mêmes chances de réussite à nos élèves et étudiants. Il faut aussi améliorer considérablement les établissements scolaires et universitaires afin qu’ils assurent leurs rôles dans les meilleures conditions. Ces réformes doivent être le fruit de toutes les recherches et les propositions de tous les intervenants dans ce secteur
Au niveau financier, l’Etat doit établir une politique fiscale équitable entre tous les citoyens, emprunter à travers la Banque centrale qui doit baisser le taux directeur, encourager l’investissement pour la création de la richesse, changer constamment la monnaie pour mettre fin et définitivement au blanchiment d’argent et à la masse colossale de la monnaie qui circule en dehors du contrôle de la Banque centrale avec toutes les répercussions négatives qui affectent l’économie nationale. L’Etat doit établir un inventaire pour connaître les entreprises qui fuient le paiement des fiscalités et leurs contributions à la Cnss.
L’Etat doit agir en parfaite symbiose avec toutes les organisations nationales pour résoudre tous les problèmes non encore solutionnés. Il doit aussi activer et dynamiser la vie culturelle et sportive en inculquant à nos enfants et à nos jeunes la culture du travail et l’amour de la patrie, et ce, à travers les maisons des jeunes et les maisons de la culture en augmentant les budgets des ministères des Affaires de la Jeunesse et des Sports et des Affaires cultuelles et en mettant comme objectif au moins une salle de cinéma et un stade dans chaque ville.
Et pour conclure?
Nous croyons fermement qu’il est encore temps pour sauver la Tunisie et prendre les mesures adéquates sans perdre de temps, et ce, en optant pour les réformes de fond dans tous les domaines et responsabiliser tous ceux qui ont nui à notre pays. Evidemment ces mesures doivent aller de pair avec l’intérêt du pays et du peuple tunisien et non pas en faveur d’un groupe réduit qui a tout obtenu sans rien donner à la Tunisie.