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Agriculture : Qui gangrène le secteur ?

• « Les agriculteurs tunisiens ne reçoivent que 40% des fourrages qui leur sont destinés. Le reste serait détourné dans de sombres circuits et atterrit dans les meuneries. Evidemment, tout cela avec une forte odeur de pots-de-vin ».
• « Des camions entiers remplis de fourrages, en route vers les éleveurs, sont détournés, moyennant des prix supérieurs au prix d’achat pour les agriculteurs ».
• « La pression dans le secteur est telle que l’administration est devenue impuissante et une simple chambre d’enregistrement ».

Depuis le 25 juillet, la lutte contre la corruption est redevenue une thématique à la mode et tout le monde attend du Président Kaïs Saïed, désormais seul maître à bord du cargo Tunisie, « d’ouvrir les dossiers de corruption » dans bon nombre de secteurs.

Parmi les secteurs qui sont,  semble-t-il, rongés par la corruption, figure cellui de l’agriculture. D’ailleurs, dans une récente déclaration, le Chef de l’Etat avait indiqué que ni les agriculteurs ni les consommateurs finaux ne gagnaient au change.

L’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche a exhorté le Président de la République de s’attaquer au dossier de la corruption dans le monde très fermé de l’agriculture et « en particulier dans la filière des fourrages qui échappe à toute régulation ».

Le communiqué diffusé aux médias, et qui intervient à la suite de la réunion du conseil central de l’Utap, estime que les autorités sont « responsables de l’incapacité des agriculteurs à s’approvisionner en fourrage ».

Pour mieux comprendre ce qui se passe dans ce secteur, La Presse a contacté Lotfi Amri, rédacteur en chef de la radio thématique Al Fallah. Pour lui, le dossier de la corruption dans le secteur agricole est très compliqué. « Dans le schéma actuel, c’est visiblement le petit exploitant qui n’a plus le droit d’exister », assène Lotfi Amri.

Le journaliste explique que les agriculteurs tunisiens ne reçoivent que 40% des fourrages qui leur sont destinés. Le reste serait détourné dans de sombres circuits et atterrit dans les meuneries. Evidemment, tout cela avec une forte odeur de pots-de-vin.

«Des camions entiers remplis de fourrages, en route vers les éleveurs, sont détournés, moyennant des prix supérieurs au prix d’achat pour les agriculteurs», explique le rédacteur en chef.

Ces meuneries font finalement la pluie et le beau temps. Secteur stratégique, même les autorités hésitent à s’y attaquer de peur que ces derniers fassent pression et perturbent le circuit de distribution de la farine et d’autres denrées alimentaires de base.

« A vrai dire, la pression dans ce secteur est telle que l’administration est devenue impuissante et simple chambre d’enregistrement », ajoute Lotfi Amri.

De son côté, l’agriculteur Hakim Ghanmi, qui dénonce la corruption dans le secteur de l’alimentation du bétail depuis 2015, estime que l’Utap elle-même n’est pas étrangère aux pratiques frauduleuses qui font du tort à l’agriculture dans ce pays. « A travers ce communiqué, l’Utap, notoirement proche du parti Ennahdha, cherche à noyer le poisson », déclare-t-il à La Presse.

Selon lui, l’Utap, membre « superpuissant » de la commission chargée de la distribution des fourrages, use des pratiques de clientélisme. « Si vous n’êtes pas nahdhaoui ou que vous refusez d’adhérer à l’organisation alors vous n’êtes pas approvisionné ». Hakim Ghanmi affirme que l’Utap, permet à des intrus du domaine de s’approvisionner en fourrages, du moment où ils paient une redevance à l’organisation agricole.

L’agriculteur accuse notamment certains gouverneurs de jouer le jeu de l’Utap et de céder à ses caprices.

« Pour le moment, l’Utap fait partie du problème et non de la solution, résume l’agriculteur. Si elle  se préoccupait du bien-être de l’agriculteur, cela se saurait ».

Pour réponde à ces accusations, nous avons sans succès tenté de contacter le responsable de la communication de l’Utap. Mais est chose est certaine, les agriculteurs gagneraient à évincer les corrompus pour assainir le secteur.

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