Accueil A la une LES CHUCHOTIS DU MARDI | Royaume chérifien : la vie sans l’or bleu algérien

LES CHUCHOTIS DU MARDI | Royaume chérifien : la vie sans l’or bleu algérien

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Par Abdel Aziz HALI

Après un quart de siècle de transit sur le sol marocain vers la péninsule ibérique (Espagne et Portugal), l’or bleu algérien a cessé hier d’alimenter le gazoduc Gaz Maghreb-Europe (GME), sur fond de tensions diplomatiques entre les deux pays du Maghreb.

Depuis 1996, Alger expédiait vers l’Espagne et le Portugal environ 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel, dont près d’un milliard de m3 (50% des droits de passage payés en nature et 50% du gaz acheté à un prix avantageux) au profit du Maroc — ce qui représente 97% des besoins de ce dernier — pour alimenter essentiellement deux centrales thermo-électriques à Tahaddart (nord) et Aïn Beni Mathar (est) à hauteur de quelque 700 millions de m3 par an, selon des experts en énergie.

Mais voilà, le chef d’État algérien Abdelamadjid Tebboune a « ordonné la cessation des relations commerciales entre Sonatrach et l’Office marocain de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) » et de facto la non-reconduction du contrat qui a expiré avant-hier à minuit « au vu des pratiques à caractère hostile du royaume (marocain) qui portent atteinte à l’unité nationale », selon le communiqué.

Désormais, c’est le gazoduc sous-marin Medgaz lancé en 2011 qui va reprendre le flambeau des livraisons de gaz algérien à l’Espagne.

De leur côté, les autorités algériennes ont fait part du lancement de travaux d’élargissement du Medgaz (pour atteindre une capacité de 10 milliards de m3 d’ici décembre contre 13,5 milliards de m3 pour le GME-ndlr) et d’une augmentation des livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) par voie maritime pour satisfaire les besoins de leurs partenaires européens, surtout durant la période hivernale.

Devant un tel constat, la réponse l’ONEE marocain s’est vue rassurante en affirmant que la décision du locataire du palais d’El Mouradia « n’aura dans l’immédiat qu’un impact insignifiant sur la performance du système électrique national », selon un communiqué. « Eu égard à la nature du voisinage du Maroc et en prévision de cette décision, les dispositions nécessaires ont été prises pour assurer la continuité de l’alimentation du pays en électricité », ajoute le communiqué, sans entrer dans les détails.

Néanmoins, les Marocains évoquent même « d’autres options (qui) sont en cours d’étude pour des alternatives durables, à moyen et long termes », souligne l’ONEE.

En effet, à en croire des informations relayées par les médias du royaume chérifien, Rabat pourrait se tourner notamment vers Madrid pour inverser le flux du gazoduc Maghreb-Europe (GME).

« Pour le Maroc, le GME est plus un outil de coopération régionale… nous ne le laisserons pas rouiller », a déclaré un haut responsable, sous le sceau de l’anonymat, à l’agence de presse Reuters. « Ce GNL (gaz naturel liquéfié) ne concurrencera pas les approvisionnements espagnols en gaz. Il s’agira d’un achat supplémentaire commandé par le Maroc qui paiera le coût du transit par les terminaux espagnols et le gazoduc », a-t-il fait savoir.

Si l’impact sur la consommation locale serait probablement « insignifiant » vu que « le Maroc a une capacité de production électrique qui couvre largement ses besoins » en dehors des deux centrales de Tahaddart et Aïn Beni Mathar, selon les dires d’un expert marocain du secteur de l’énergie. En revanche, les recettes financières du royaume vont être privées d’une précieuse manne évaluée à près de 50 millions de dollars en 2020 — perçus en nature — comme redevance du transit de gaz algérien sur son territoire.

Assurément, les crispations et les convulsions algéro-marocaines ravivées par la normalisation des relations diplomatiques entre Rabat et l’entité sioniste, en échange de la reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, risquent de plonger la région dans une crise plus complexe, dont la fermeture de la vanne du GME du côté algérien n’est que le prologue d’un conflit géopolitique s’appuyant sur des leviers énergétiques avec des visées et des enjeux stratégiques qui dépassent le cadre maghrébin.

A.A.H.


 

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