Accueil Culture Vu aux JCC 2021 | « Argu » de Omar Belkacemi (Algérie), avec Mhamed Lefkir et Kouceila Mustapha : Hymne à la nature et à la liberté

Vu aux JCC 2021 | « Argu » de Omar Belkacemi (Algérie), avec Mhamed Lefkir et Kouceila Mustapha : Hymne à la nature et à la liberté

Six ans après avoir obtenu un Tanit de bronze, aux Journées cinématographiques de Carthage 2015, pour son moyen métrage « Lmuja », le réalisateur algérien Omar Belkacemi était de retour aux JCC 2021 en compétition avec son premier long-métrage « Argu » (rêve en langue amazighe).


Un retour très remarqué par le public des JCC et par la critique dont le jury de la Fipresci qui, lors de cette 32e édition des JCC, a accordé à son film une mention spéciale pour « son travail formel et pour sa beauté liée à la douleur où la poésie ne transige pas avec le réel ».

« Argu », dont l’action se situe dans un village en haute montagne de la Kabylie, se focalise sur Koukou, un jeune homme de 20 ans dont le « look » et le comportement différents sont jugés « bizarres » par le comité des sages du village, qui décide de l’interner dans un asile psychiatrique. Son frère Mahmoud, enseignant de philosophie, dans un lycée à Bejaia, révolté par la décision du comité, accourt au village pour sauver son frère. Il mènera une lutte quotidienne pour convaincre son père et les sages du village de l’innocence de son frère…

Koukou est un personnage attachant : bohème, sensible, épris de musique et de liberté, il dérange le comité des sages par son comportement qui défie les traditions pesantes et obsolètes. Son frère Mahmoud, rebelle et désillusionné de l’amour, défie les mentalités rétrogrades et l’obscurantisme des extrémistes du comité dont les membres se sont érigés en gardiens de la religion et de la morale.

Afin d’échapper à la chape de plomb qui fige le village dans le conservatisme, les préjugés et les traditions éculées, Koukou et Mahmoud se réfugient dans la nature magistrale du village au cœur de la Kabylie. Les larges plans panoramiques sont un merveilleux hymne à cette nature grandiose, car c’est là où les deux frères se sentent libres et heureux et rêvent d’un avenir meilleur, (scène où on voit Mahmoud sur un rocher étendre les bras comme pour voler et la scène nocturne où ils chantent et dansent autour d’un feu de camp).

Dans ce drame entre documentaire et fiction, Belkacemi dénonce les travers de ce village qualifié de « cimetière » par Mustapha, l’ami des deux frères, car tous les jeunes le quittent et le fuient, mais il valorise par ailleurs, à travers plusieurs plans magnifiques, la beauté époustouflante du village.

La caméra célèbre aussi la culture amazighe, à travers les costumes colorés des femmes ainsi que la musique, la danse et les chansons kabyles ancestraux.

Le réalisateur porte ainsi un regard tendre et affectueux sur son village natal qu’il désire voir libéré du carcan des préjugés, des traditions oppressantes, des mentalités rétrogrades, de l’obscurantisme et de l’injustice (scène de l’extrémiste qui détruit la guitare de Koukou).

Ainsi, Belkacemi filme le réel dans sa laideur, soit l’amour interdit, dont Mahmoud et Koukou sont victimes, le rejet de la différence que subit Koukou, la douleur qu’éprouvent les deux frères et leur ami Mustapha. Mais le réalisateur capte, également, le réel dans toute sa beauté et sa poésie. Il filme, avec un amour profond très visible, son village tout en déplorant sa désertion par les jeunes, prônant, ainsi, leur retour. D’où la scène finale célébrant le retour et distillant enfin une lueur d’espoir. «Argu» nous a transportés dans un univers spécifiquement poétique qui augure un avenir prometteur pour son réalisateur.

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