Les prix des produits de consommation poursuivent leur course folle
Le syndicat régissant les « intérêts » des agriculteurs est mécontent. Il reproche au gouvernement le communiqué qui oblige les agriculteurs à n’écouler leurs productions qu’au sein des marchés officiels, autrement dit les marchés de gros.
Quelle est la raison de cette vive réaction ? Tout simplement qu’elle pourrait mettre un terme, du moins, limiter ces manipulations dont les agriculteurs sont d’ailleurs les premières victimes. En vendant en dehors de ces lieux surveillés et organisés, les spéculateurs contrôlent les produits et ne font parvenir aux circuits de vente que les quantités qu’ils jugent suffisantes pour fixer les prix. Et c’est ce qui explique ces spirales infernales que le syndicat justifie souvent par le renchérissement des engrais, des semences, etc. Jamais, au grand jamais, il n’a été question de la présence de ces spéculateurs qui accaparent le marché, de circuits de distribution viciés, dominés par des forces occultes qui fixent les quantités à écouler et, bien entendu, les prix pour provoquer la pénurie.
En grande quantité
Les prix sont en continuelle ascension ces derniers temps et cela donne l’impression que c’est voulu pour provoquer l’explosion. Des prix qui alourdissent énormément la charge des consommateurs qui ne savent plus où donner de la tête.
D’ailleurs, il n’y a qu’à voir les prix qui s’affichent quotidiennement sur les différents marchés de la République. Il y a de quoi être horrifié par autant d’outrecuidance. Nous avons vu les fèves de saison à trois dinars huit cents millimes le kilo, alors que les haricots verts, en très grande quantité, se maintiennent à huit dinars le kilo. Comment peut-on concevoir ce genre de comportement, alors que ces légumes de saison sont produits en grande quantité ? Il ne faudrait pas être grand clerc pour conclure qu’il y a anguille sous roche.
Une descente dans les lieux de dépôt (forcément illégaux) montre que l’on stocke ces quantités pour faire monter les prix. D’ailleurs, les consommateurs commencent à adopter un comportement adapté ; ils n’achètent plus et ce sont les revendeurs ambulants installés dans les ruelles qui jouxtent le marché de l’Ariana, qui écoulent tout ce qu’on ne trouve pas ou plus à l’intérieur du marché municipal, déserté et dont les prix sont complètement déconnectés de la réalité. Cela saute aux yeux.
Sans être inquiétés
Dans les rues, aux alentours, complètement bloquées et repoussantes de saletés, les prix sont tout autres. Les locataires des magasins du marché municipal ont fini par trouver de dignes représentants, en ces gamins convertis en vendeurs à la sauvette, et qui installent leurs étalages à même le sol, aux alentours et « travailler » sans être inquiétés. Le marché officiel n’est presque plus fréquenté. Seuls quelques curieux y vont pour avoir une idée des prix du jour. Qui livre ces vendeurs à la sauvette et impose les prix ? Ceux qui s’approvisionnent en dehors des marchés de gros, pardi. En effet, les spéculateurs raflent tout auprès des petits producteurs qui vendent leurs produits, garés sur le bas-côté des routes sans passer par le marché de gros. Ils en profitent pour acheminer des quantités bien étudiées en dehors des circuits normaux et le reste vers les chambres froides. Ces spéculateurs, qui sont les norias des camions tout tonnage, livrent tout selon la demande en imposant des prix inférieurs à ceux des marchés municipaux. Là on ne risque pas des ruptures de stocks. A la fin de la journée, tout est laissé en état. C’est un travail considérable pour les services municipaux qui font le ménage. La municipalité des lieux semble avoir baissé les bras.
A croire qu’ils se donnent le mot
Le marché d’Ezzouhour, réputé populaire, est devenu un marché de luxe. Les spéculateurs ont compris qu’il y a une occasion de gruger ceux qui viennent pour « faire des affaires ». Le même cas pour celui du Den Den où nous retrouvons les mêmes produits, presque aux mêmes prix. À croire que ceux qui distillent ces marchandises se donnent le mot.
A La Marsa et à Sidi Bou Said, les prix sont majorés par la force des choses : il faudrait payer « la taxe des lieux ». Dans ces cités balnéaires on paie plus cher et les grandes surfaces sont plus proches de la réalité.
Pour quel motif ?
Cela dit, pourquoi est-on contre le passage obligé par les marchés de gros si ce n’est pour favoriser la spéculation et la spoliation des producteurs que l’on est censé protéger? On entendra encore une fois évoquer les difficultés de transport, les moyens et les…charges qui augmentent. Mais par contre, il n’est jamais question de trouver une solution aux problèmes, notamment ceux des « petits » producteurs, que l’on devrait encourager à se regrouper pour mieux exploiter matériels et machines. Jusqu’à quand va-t-on faire le jeu des spéculateurs ?
Les moyens de transport ne manquent pas. Il s’agit de s’organiser et de regrouper les déplacements pour se partager les frais. Cela pourrait donner naissance à de nouvelles habitudes où chacun y trouvera son compte. Les propriétaires des lieux de stockage et des chambres froides n’ont qu’à aller s’approvisionner dans les marchés de gros.
Au lieu de se cantonner dans ces comportements dépassés, il nous semble plus convenable d’encourager un minimum d’évolution et de laisser tomber ces sales habitudes où on ne fait que réclamer à ce que le travail soit fait par les autres. Au point d’être de plus en plus convaincu que ce genre de syndicats ou d’unions ne jouent pas leur véritable rôle éducatif et d’encadrement.
Confier des terres agricoles aux diplômés de l’enseignement supérieur
Tout au long de l’année et chaque semaine, il y a des marchés hebdomadaires. Ailleurs que chez nous, dans les pays qui ont vu agriculteurs et autres producteurs se prendre en charge, cesser de se plaindre et de pleurer sur leur sort, il y a eu naissance de nouveaux réflexes, de nouvelles habitudes. Ces agriculteurs sont présents dans ces marchés hebdomadaires avec des produits de qualité, des spécialités, des exclusivités régionales. C’est un plus et une plus-value qui aident à sortir des chemins battus.
Nos jeunes diplômés sont capables de s’arracher des griffes de ces spéculateurs, s’ils prennent leur courage à deux mains pour éviter le sort de leurs parents. A notre humble avis, c’est le rôle de ces syndicats qui n’ont démontré jusque-là aucune initiative probante à même d’ouvrir de nouveaux horizons.
Et dire que nous possédons des centaines et des centaines de diplômés, à qui on devrait confier des terres à exploiter avec des moyens conséquents. Les terres récupérées peuvent servir ces desseins avec à leur tête des hommes faits pour ce métier, capables de rénover et de relancer notre agriculture. Nous savons que l’on a distribué quelques lopins de terre. Mais à la vitesse où vont les choses, les terres récupérées par l’Etat risquent de retomber complètement en friche.
L’avenir de notre agriculture est entre les mains d’une génération d’agriculteurs formés pour se battre contre la nature, contre ces malfrats en imposant le poids de leurs convictions et de leur formation et surtout en mesure de faire prévaloir leurs certitudes face aux ronds de cuir politisés et à court d’idées.
On en a parlé, mais « l’administrite », sa lenteur, ses hésitations et ses décisions dépassées, ainsi que le règne absolu des trafiquants et des spéculateurs ont-ils finalement tout bloqué ? Verra-t-on un jour le bout du tunnel ?