Le football, un peu le théâtre, la musique, les buzz télés donnent peut-être l’impression qu’on s’en console, la vérité, la stricte et amère vérité, est ce que dévoilent les tout derniers sondages : les Tunisiens ont de plus en plus conscience des dangers qu’encourt le pays.
Ils étaient près de 80% à fêter «la grande rupture», à nourrir tant d’espoir le 25 juillet dernier. Les chiffres basculent à présent. Peu à peu vers la moitié estime-t-on déjà.
Ce qui s’est passé ? Ce qui se passe encore ?
Simple à notre avis : des ratages, que des ratages, quatre mois durant, et cela continue. N’excluant personne, qui plus est : Présidence, opposants, partis et partisans, citoyens même, par à-coups. L’insistance semble maladive, partout. Et les conséquences s’annoncent lourdes, difficiles à dépasser.
Les ratages du Président ? Sûrement les retards et le manque de clarté. Kaïs Saïed a eu recours à l’article 80 pour —certifiait-il— stopper les déviances de l’ARP et annihiler la corruption. Quatre mois après, le parlement est gelé et l’immunité parlementaire ne fonctionne plus, certes, mais les responsables circulent encore sans procès et malgré les dossiers. La confiance se ressent de cela. De même, à coup sûr, que des hésitations actuelles du Président à propos de son projet politique, à propos de la République en général et de la démocratie. A propos, surtout (avant tout !) des solutions économiques et sociales qui s’imposent désormais au pays. Kaïs Saïed a finalement indiqué une feuille de route (consultations populaires, synthèses via commission de spécialistes, référendum et élections). Rien n’est tout à fait clair, rien ne rassure, pour autant. Le délai alloué sera-t-il court ? Est-t-il volontairement long ? Des doutes planent toujours. K.S. n’aura pas tout précisé.
Les ratages d’opposants ? Le formalisme constitutionnel, plus que tout. Si excessif, si répétitif qu’il a entraîné ses adeptes, même ceux de bonne foi, dans un déni quasi total des priorités et des nécessités du moment. Obligation absolue, automatique, de s’en tenir au texte de la Constitution, même si cela rouvre la voie à l’ islam politique, même si cela maintient l’impunité de la corruption.
Ceux des partis et des partisans ? Les partis jouent leur existence. Ce faisant ils retombent dans les mêmes travers. Se détournent de l’intérêt général. Ignorent tout esprit de réforme. Ne discernent plus entre adversaires et alliés. Les partisans, eux, se complaisent dans leur suivisme. Pour ou contre la rupture, ils vivent sans arguments. Fanatiques et imprévoyants comme le sont, hélas parfois, nombre de nos compatriotes.
Le danger guette, mais le ratage est partout. De cela, aussi, nous devrions être conscients.