C’est un produit mythique, très cher aux auteurs, aux artistes et à bien d’autres créateurs. On l’a vu figurer dans la perspective cavalière du tableau du peintre impressionniste Edouard Manet «Déjeuner dans l’atelier», peint en 1868.
Sur un coin de table apparaît, au milieu des zestes de citron, des coquilles d’huîtres et des verres de vin, une tasse à café blanche à filet doré, alors qu’en arrière-plan une domestique s’approche, tenant entre ses mains une cafetière argentée.
Dans «La fin du déjeuner» de Pierre Auguste Renoir (peintre impressionniste-XIXe siècle), un cavalier allume une cigarette après avoir dégusté une bonne tasse de café.
Le café était également présent dans différents dessins du peintre romain Scipione Vannutelli.
A Paris, le café de Flore se dressant au cœur de la capitale française servait de lieu de rencontres privilégié pour bon nombre d’écrivains, artistes et littérateurs français. Le couple Sartre-Beauvoir, Albert Camus, Maurice Merleau-Ponty, Boris Vian, Jacques Prévert s’installaient souvent dans ce café emblématique pour écrire leurs œuvres.
Le café, les caféiers et la caféine acquièrent de là une symbolique bien plus profonde que ce qu’on pense. Mais qu’en est-il de l’origine de ce produit mythique ?
Un long périple…
Historiquement originaires d’Éthiopie d’après certains historiens, les tout premiers caféiers sauvages seraient originaires du Yémen, de l’autre côté du golfe d’Aden. Les cafés qui y sont aujourd’hui toujours cultivés sont parmi les plus prestigieux dans le monde.
D’ailleurs, si l’on se fie à la légende, c’est un berger d’Abyssinie (actuelle Éthiopie) qui «a remarqué l’effet tonifiant de cet arbuste sur les chèvres qui en avaient consommé». Depuis, la culture du café se répandait d’abord dans l’Arabie voisine, profitant de la prohibition de l’alcool par l’Islam. Dans un premier temps, l’arbuste fut appelé «K’hawah», qui signifie revigorant en arabe. Au départ interdit à l’appel d’imams orthodoxes et conservateurs à La Mecque en 1511 et au Caire en 1532, le produit a eu une popularité, en particulier auprès des intellectuels, qui a poussé les autorités à annuler le décret.
C’est au XVe siècle que les musulmans introduisent le café en Perse, Egypte, Afrique du Nord et en Turquie, où le premier café, Kiva Han, ouvre en 1475 à Constantinople. «L’engouement est tel qu’une loi turque de l’époque sur le divorce précise qu’une femme peut divorcer de son époux si celui-ci ne parvient pas à lui fournir une dose quotidienne de café », selon divers historiens.Le premier Occidental à découvrir ce breuvage, en 1583, fut le médecin allemand, Léonard Rauwolf, qui, de retour d’un voyage de dix ans au Moyen-Orient, le décrit ainsi : «Une boisson aussi noire que l’encre, utile contre de nombreux maux, en particulier les maux d’estomac. Ses consommateurs en prennent le matin, sans se dissimuler, dans une coupe en porcelaine qui passe de l’un à l’autre et où chacun prend une rasade sonore. Elle est composée d’eau et du fruit d’un arbuste appelé bunnu». Le café arrive donc en Europe aux alentours de 1600 par les marchands vénitiens. Mais on a ensuite conseillé au pape Clément VIII d’interdire le café car il représente une menace d’infidèles. Après l’avoir goûté, ce dernier baptise, au contraire, la nouvelle boisson, déclarant que «laisser aux seuls infidèles le plaisir de cette boisson serait dommage».
A Tunis, un des plus vieux cafés du monde
Selon des chroniqueurs tunisiens, le café a été introduit à Tunis par le Saint Aboulhassen Chedli (1196-1258). L’arbuste permettait aux disciples de cet homme ascète de résister au sommeil et de veiller la nuit pour accomplir les cycles de prières nocturnes.Force est de constater, dans la même perspective, que l’on utilise encore de nos jours le terme de «Chedlia», dérivé de Chedli, pour désigner le café.D’après d’autres historiens et chroniqueurs, le café a été introduit en Tunisie où l’on optait généralement pour le thé pendant la période de domination ottomane au XVIe siècle. Les Turcs ont, en effet, introduit la culture du café en 1846, sur les 102 cafés de Tunis, dont la moitié appartenait à des Turcs. La colonisation française a, elle, introduit le café de style occidental, avec un extérieur et une clientèle cosmopolite. Reste à dire que la cafetière tunisienne (la zézoua), très similaire à celle introduite par les Ottomans, sert un café différent du café turc en raison du degré de torréfaction et de l’arôme de fleur d’oranger, d’inspiration andalouse.