Jellel Gasteli, ce nom incontournable dans le monde de la photographie, réédite «En Tunisie», un ouvrage bilingue français-anglais de 148 pages, avec 56 photographies d’un voyage en Tunisie. Une élégante édition préfacée par Abdelwahab Meddeb et postfacée par Albert Memmi.
«Pour raconter l’histoire des photographies reproduites dans cette nouvelle édition de «En Tunisie», dont la première version fut publiée en 1997 aux éditions Eric-Koehler à Paris, il me faut remonter à mon adolescence, période à laquelle je commence à photographier», raconte le photographe dans la genèse de cet ouvrage.
En 1977, son environnement quotidien se limite au lycée, au centre-ville de Tunis et à Nabeul, où chaque week-end, il accompagne ses parents dans la maison familiale.
C’est vers l’âge de vingt ans que la curiosité d’entreprendre un voyage à l’intérieur du pays commence à l’habiter. Un ami lui propose de lui prêter un appareil photo pour rapporter des souvenirs qu’ils allaient partager à son retour, et lui explique, rapidement, les rudiments d’utilisation de l’appareil. Et il accepte cette mission de documenter ce voyage.
Le jeune Jellel Gasteli part à l’aventure, au hasard des routes et des lieux, qu’il découvre, au fil des jours. Et il commence à prendre l’habitude de photographier. «Les rencontres m’apprennent à apprécier le sens de la dignité, de l’humilité, du respect, de la bienveillance, de la retenue, de la courtoisie et de la pudeur des habitants de l’intérieur du pays. Ils sont tous surpris et amusés de la présence parmi eux du frêle adolescent, timide que je suis», poursuit-il dans son récit de voyage.
«Après quinze jours de voyage, retour à Tunis où, impatient de faire développer les deux films de vingt-quatre poses, je les dépose aussitôt chez un photographe de la galerie du Palmarium. Le lendemain, j’y retourne. Avec une mine embarrassée, le photographe me tend une petite pochette en papier blanc avec les films. J‘ y découvre, stupéfait, quelques bandes de films transparentes sans la moindre trace d’image. Le réglage en mode automatique fait par mon ami, avant mon départ s’était décalé et, de ce fait, techniquement rien ne s’était imprimé sur le film». C’est à partir de ce voyage initiatique et l’échec cuisant de photographies ratées que les séquences de la vie du photographe s’enchaînent au fil du temps.
Le parti pris de ce livre s’est imposé de lui-même : retrouver les émotions du premier voyage en Tunisie effectué vingt ans auparavant, en matérialisant ces images mentales restées vives dans son esprit et mises en échec par un appareil photo. Le photographe a accordé une importance primordiale à cette campagne de photographies, et s’est appliqué à donner intentionnellement le moins d’indications temporelles au choix des prises de vue. «Ces images représentent la Tunisie que je porte toujours en moi, celles de l’adolescent qui ne m’a jamais quitté, qui me permet d’exister et de continuer à photographier. Et je rends pareillement hommage à mon ami, Abdelwahab Meddeb, qui a répondu immédiatement à ma première sollicitation pour écrire la préface, et à Albert Memmi, qui a accepté avec enthousiasme d’écrire la postface». C’est ainsi que «En Tunisie» a vu le jour.
Après avoir vécu et travaillé entre Tunis et Paris, Jellel Gasteli vit actuellement en Tunisie. Son œuvre est intimement liée à sa double appartenance culturelle franco-tunisienne. En quête d’émotions visuelles, il revient de ses voyages avec des photographies intimistes sur les hommes, les paysages et les territoires traversés. Son travail le plus connu est «La Série Blanche». Minimaliste, épurée, sobre et retenue, cette série de tirages argentiques de grand format est construite à partir de la géométrie des ombres et de la lumière sur des architectures blanchies à la chaux qui a fait l’objet d’une exposition monographique à l’Institut du monde arabe en 2002.
Les œuvres de Jellel Gasteli font partie de collections, telles que le Fonds national d’art contemporain, Paris, l’Institut du monde arabe, Paris, la Maison européenne de la photographie, Paris, le Solomon R. Guggenheim, New-York, le Museum Kunst Palast, Düsseldorf, la Fondation Sindika Dokolo, Luanda… Ses principales publications sont «Barkhanes», Lalla Hadria Edtions (2017), «Il Fiore Sbocciato», éditions AF Bari, (2001) «Série Blanche» co-édition éditions Eric-Koehler, «Blanches Traverses du Passé», éditions Fata Morgana, (1991) «Tanger Vues Choisies», éditions Eric Koehler..