Cette libération ne met pas pour autant fin au grand mystère qui entoure la personne en question, son implication présumée dans les assassinats des deux martyrs Belaïd et Brahmi et son appartenance à l’organisation secrète imputée au parti Ennahdha et surtout pour qui roulait-il.
Mustapha Khedher, l’énigmatique accusé dans l’affaire des assassinats des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, vient d’être libéré ce lundi après avoir purgé une peine de huit ans et un mois de prison. Sa condamnation remonte à 2014 pour « Possession illégale de documents d’Etat et de matériel électronique importé sans autorisation douanière ».
Un rebondissement inattendu en raison des graves chefs d’accusation qui pèsent sur lui et sa relation présumée avec l’organisation secrète du parti Ennahdha. Toutefois, l’accusé fait toujours l’objet d’une enquête au Tribunal de première instance de l’Ariana concernant son implication présumée dans l’organisation secrète d’Ennahdha.
Cette libération ne met pas pour autant fin au grand mystère qui entoure la personne en question, son implication présumée dans les assassinats des deux martyrs Belaid et Brahmi et son appartenance à l’organisation secrète imputée au parti Ennahdha et surtout pour qui roulait-il.
Plusieurs chefs d’accusation non retenus
Le nom de cet ancien membre ayant appartenu au groupe militaire impliqué dans l’affaire dite « Barraket Essahel » au début des années 90, en lien avec la sécurité d’Etat, a ressurgi après la Révolution suite à son arrestation au temps de la Troïka en 2013 à El Mourouj en possession de documents compromettants et d’équipements douteux en rapport avec des activités sécuritaires inaccessibles au public.
Le Comité de défense des deux martyrs n’a cessé d’apporter ce qu’il qualifie de preuves impliquant Mustapha Khedher dans ces deux assassinats et ses liens avec Ennahdha et notamment avec son dirigeant et ancien ministre de l’Intérieur Ali Lâarayedh. « Des accusations qui restent à prouver et qui cherchent à influencer l’opinion publique et porter ombrage à l’image du parti », rétorquait le plus souvent Ennahdha.
Le même comité de défense avait pourtant annoncé à l’occasion d’une conférence de presse tenue en janvier 2019 que le juge d’instruction avait accusé Mustapha Khedher de meurtre, et de 22 autres chefs d’accusations, suite à la saisie de nouveaux documents trouvés dans la fameuse « Chambre noire » au ministère de l’Intérieur. D’après les membres dudit comité, ces documents ne laissaient pas planer l’ombre d’un doute sur l’établissement de lien entre l’assassinat de Brahmi, le parti Ennahdha — par le biais de son organisation secrète auquel appartiendrait Khedher — et le groupe Ansar Chariâa, classé en août 2013 par l’Etat comme groupe terroriste.
Mustapha Khedher échangeait même des lettres avec le ministère de l’Intérieur. Se comportant comme à la tête d’un organe de renseignement, il aurait livré des informations en rapport avec les parties et personnes impliquées dans l’assassinat de Haj Brahmi, dont le terroriste franco-tunisien, Abou Bakr el Hakim, connu sous le nom de guerre d’Abou Mouqatil, quelques jours avant le meurtre de Brahmi, selon le Comite de défense des deux martyrs.
Mustapha Khedher était-il réellement menacé en prison ?
Libéré ce lundi après huit ans et un mois passés derrière les barreaux, il est évident que l’accusation de meurtre n’a pas été retenue contre Mustapha Khedher, ni par ailleurs ses liens présumés avec le parti Ennahdha. Quels étaient alors ses liens avec le parti islamiste ? Pourquoi tous ces documents relevant des activités sécuritaires en rapport notamment avec les deux assassinats de Belaid et Brahmi étaient-ils en sa possession ? Pourquoi ces correspondances adressées au ministère de l’Intérieur ? Que de questionnements autour de la personne de Mustapha Khedher qui n’a pas toujours livré tous ses secrets.
En janvier 2019, l’ancien chargé des affaires politiques au sein de Nidaa Tounes, Borhene Bessais, avait appelé sur sa page Facebook à fournir une protection à Mustapha Khedher qui était avec lui dans la même prison de Borj Amri (La Manouba). « Il m’avait affirmé qu’il se sentait menacé », a-t-il encore ajouté. Et c’est à la lumière de ces paroles et suite à l’accusation qui lui a été adressée par le juge du 12e bureau près le tribunal de première instance de Tunis que la direction des prisons avait décidé la mise en place d’une protection au profit du concerné. Un énigme de plus.
Pour qui roulait Mustapha Khedher et pourquoi son intégrité physique était menacée? Si la réponse est bien facile à apporter, il est difficile d’en apporter les preuves.